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Des tacticiens alors qu’il faudrait des stratèges

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Publié le 06 octobre 2010
1959 mots - Temps de lecture : 4 - 7 minutes
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Rubrique : Editoriaux

 

 

 

 

Ce n’est pas vraiment le grand optimisme qui règne, en cette avant-veille d’ouverture de l’assemblée mondiale du FMI à Washington, alors que les ministres des finances du G7 vont vendredi participer à un dîner de travail consacré à la situation sur le marché des changes. A force de prospérer, et de donner des arguments à ceux qui se lassent un peu de ses péripéties à répétition, la crise est en train d’acquérir une forte dimension monétaire, ce qui en aiguise les contradictions.


Proprement monétaire, elle fait obstacle aux dévaluations compétitives occidentales et érode les exportations de nombreux pays émergents. Mais elle soulève surtout de fortes interrogations, qui portent sur les conséquences de la mise en œuvre du second levier disponible pour relancer l’économie : le programme d’achats obligataires de la Fed qui est dans les tuyaux.


Changement de décor, ce qui était perçu comme une bagarre sino-américaine à propos de la parité yuan-dollar a offert en l’espace de quelques jours un tout autre spectacle. Celui d’un désordre monétaire généralisé affectant toutes les monnaies – des pays développés aux pays émergents – déclenchant des alarmes en tous sens. Le doigt est discrètement pointé sur le grand responsable, le dollar, qui continue inexorablement à se déprécier, entraînant l’appréciation automatique des autres devises.


Dans ces conditions, si la Fed se lance dans une nouvelle opération de grande envergure d’achats obligataires – on parle d’un millier de milliards de dollars, étalés dans le temps – quelles en seraient les conséquences au plan monétaire ? Destinée à relancer l’économie américaine, à quoi risquerait-elle d’aboutir dans la pratique ? A la réalisation d’un scénario à la japonaise, dans lequel le secteur bancaire conserverait par-devers soi les liquidités, ou à celle d’exportations imprévues, de capitaux et non pas de biens et de services vers les pays émergents ? Ce qui déstabiliserait encore plus leur économie après avoir contribué à l’appréciation de leur monnaie.


La seconde hypothèse n’est pas la moins certaine. Car elle serait la suite logique de ce qui a été déjà entrepris à large échelle. A la recherche de rendements qu’ils ne trouvent plus dans le monde occidental, en raison des bas taux d’intérêt, les capitaux se dirigent vers des cieux plus accueillants. Ils inondent les pays émergents et perturbent le fonctionnement de leur économie. Basée sur l’exportation – qui subit déjà le contrecoup de la croissance anémique occidentale – celle-ci doit également encaisser les effets de la valorisation de la devise nationale par rapport à celles de leurs clients.


Les mille milliards de dollars d’acquisition de bons du Trésor de la Fed – dont il a été calculé qu’ils feraient grossir son bilan déjà hypertrophié de 40% – permettraient dans un premier temps de financer l’équivalent de ce que l’Etat américain aurait à chercher l’année prochaine sur les marchés pour faire face à son déficit et au roulement de sa dette. Et ferait encore baisser les taux. Cela permettrait de gagner du temps sur le front de la réduction de la dette, mais après ?


Mais il y a un second effet prévisible à cet afflux financier, une nouvelle dépréciation du dollar en résulterait inévitablement, accélérant le mécanisme de transfert financier en direction des pays émergents. Joseph Stiglitz vient de lancer à ce sujet un appel, expliquant que les flots de liquidités déversées par la Fed et la BCE menaient le monde droit au chaos en générant une grande instabilité sur le marché monétaire.


Sous leurs différents aspects, les crises se rejoignent à l’infini, comme les parallèles. A ceci près que l’infini est désormais en vue.


Ainsi, la Fed est prise en tenaille entre la nécessité de relancer l’économie, et d’utiliser à cette fin la seule arme dont elle dispose encore, la création monétaire. Mais elle va accroître les désordres monétaires et la nécessité d’une réforme d’ensemble du système monétaire international, avec à la clé la fin de la prééminence du dollar. Ce qui rendra insupportable la dette américaine et impliquera à terme une réduction drastique du déficit.


Le scénario est tout tracé et le film n’est pas interactif. Seule sa durée est une inconnue.


Ce n’est pas pour une autre raison que Barack Obama vient de déclarer que « la situation fiscale est intenable », ce qu’il ne peut pas venir de découvrir, et que Ben Bernanke, président de la Fed, a renouvelé ses appels à ce que soient prises « des décisions très difficiles » imposant des « sacrifices », qu’il avait depuis plusieurs mois cessé de lancer. Les annoncer n’est pas les prendre, un esprit observateur pointait dernièrement que chaque membre du Congrès membre de de la commission chargée d’étudier les coupes budgétaires à réaliser avait dans sa circonscription des intérêt contraires à défendre. Elles sont donc étudiées pour plus tard, dans un ou deux ans est-il dit, quand le temps sera plus clément, mais le sera-t-il vraiment ?


Ces derniers mois, la crise a donné l’impression d’une partie de ping-pong ou de tennis. La balle passait vite d’un camp à l’autre, des Etats-Unis à l’Europe, tandis que le Japon restait en réserve. Avec la montée en puissance du désordre monétaire, la crise se globalise à nouveau. A court terme, les réponses qui y sont apportées partent dans des sens opposés. Les Américains et les Japonais – ces derniers viennent hier de le décider – s’engagent dans une tentative de relance reposant sur la création monétaire par les banques centrales, les Européens accordent la priorité à la réduction des déficits. Les bonnes âmes qui ne sont pas aux commandes – FMI et même OCDE – conseillent de pratiquer les deux en même temps, avec doigté et discernement disent-ils. « La croissance économique [mondiale] est toujours modeste » vient de déclarer un haut responsable du Trésor US ayant requis l’anonymat, ajoutant « notre priorité première doit être de renforcer la reprise ». Qu’en pensent Jean-Claude Trichet et la BCE ?


Cette cacophonie n’est pas seulement inefficace, elle n’est pas tenable à terme.


Au plan monétaire, il n’y a pas davantage de solution en vue. Tous s’y mettent, Dominique Strauss Kahn, Wen Jiabao, l’Institute of International Finance (les mégabanques), Robert Zoellick (la Banque Mondiale), mais aucun n’est en mesure de tracer un plan de route clair, une fois fait le constat que cela ne peut plus durer ainsi. Car il faut à la fois faire quelque chose pour calmer le jeu et ne pas le découvrir, car ce n’est pas mûr.


A l’occasion des sommets qui se déroulent à Bruxelles, Jean-Claude Juncker (Eurogroup), Jean-Claude Trichet (BCE), et Olli Rehn (Commission), ont des plus fermement invité Wen Jiabao à effectuer une appréciation « significative » du yuan. Christine Lagarde vient de proposer que le prochain G20 inscrive ce point à son ordre du jour, où les débats s’annoncent tendus. S’en tenir à ce seul étroit aspect du dossier monétaire, c’est cependant regarder par le petit bout de la lorgnette, mais il est commode de dénoncer la sous-évaluation du yuan pour ne pas évoquer la dépréciation du dollar.


Les Français tentent de faire valoir la nécessité de « mettre en place des filets de sécurité, un système d’assurance dont le FMI serait le responsable et le gestionnaire », selon une source non identifiée citée par l’AFP. Une approche globale qu’il va être difficile de faire partager et avancer. A l’évocation d’éventuels « filets de sécurité », les Allemands viennent sans attendre de faire savoir qu’ils n’étaient pas d’accord.


José Vinals, le directeur des marchés monétaires et de capitaux du FMI, a affirmé hier que le monde a besoin de voir les taux de change bouger, afin d’équilibrer l’économie mondiale. « L’important c’est que les marchés ne connaissent pas d’épisodes de volatilité excessive ou de turbulences », a-t-il poursuivi, affectant la sérénité par rapport aux événements monétaires en cours. Mais il a reconnu que les taux de change devaient « être conformes aux fondamentaux », ce qui signifie qu’ils ne sont pas. Comment les y faire redevenir dans un système à taux flottant qui devrait y aboutir par lui-même ? Les Chinois sont-ils les seuls visés par ce rééquilibrage ? Un yen tiré vers le haut par le marché est-il en phase avec les fondamentaux ? Autant de questions et pas de réponses.


Pas plus que le Japon et même l’Europe, les pays émergents n’ont les moyens d’efficacement contrer la dépréciation du dollar. La Bank of Japan vient de faire baisser le yen, mais il a ensuite remonté. Le Brésil vient tout juste d’accroître la taxation des capitaux étrangers investissant sur les obligations d’Etat, dans le cadre d’opérations de carry trade, mais la mesure peut être aisément contournée, les capitaux entrant sous un autre prétexte avant de revenir à leur vocation initiale et masquée.


De nouveaux accords du Plaza, qui avaient à l’époque avalisé celle-ci, ne sont davantage envisageables. Un nouveau pacte monétaire est certes indispensable, mais lequel ? Les conditions pour y parvenir ne sont pas aujourd’hui réunies, le seront-elles un jour ? Les Américains conservent un droit de veto qu’ils n’abandonneront que forcés et contraints; leur crise spécifique continue d’alimenter la crise globale et même de l’étendre aux pays émergents.


L’institute of International Finance (IIF) a bien une solution, qu’il vient d’exposer dans une lettre adressée aux participants de l’assemblée annuelle du FMI. De nouveaux accords sont nécessaires, préconise-t-il, mais ils doivent être plus sophistiqués que les précédents, les accords du Plaza signés il y a 25 ans. Ils doivent inclure de fermes engagements à réaliser à moyen terme des mesures fiscales aux Etats-Unis, ainsi qu’une réforme structurelle en Europe.


L’IFF présente un paquet cadeau combinant crise monétaire et de la dette publique, moins intéressé à résolution de la première – qui lui permet de réaliser de très profitables opérations bien que pouvant être à terme mauvaise pour les affaires – mais très motivé par l’autre volet, qu’elle met en avant. Avec pour objectif la réduction des besoins de financement des Etats. Rien de bien nouveau, en vérité, sauf que cette pression accrue des mégabanques intervient au moment où des grandes décisions devraient être prises. Et ne le seront probablement pas.


De quel côté le monde occidental va-t-il finalement basculer ? Du côté de la relance, en faisant agir les banques centrales, ou de celui de la récession, en mettant l’arme au pied et en privilégiant la lutte contre les déficits budgétaires ? Il est prévisible qu’aucun choix tranché ne sera fait dans l’immédiat, car comment pourrait-il en être autrement  ?


De toute façon, la relance n’est pas à l’arrivée l’hypothèse la plus crédible, sauf à croire encore dans la vertu de la planche à billet dans un contexte où elle est inopérante. Mais les Américains, qui continuent de détenir la clé de la principale serrure, peuvent-ils se résoudre à l’admettre ? C’est pour eux aussi inconcevable que d’accepter une réforme d’ensemble du système monétaire international. Les conditions sont donc réunies pour qu’ils continuent d’alimenter la crise et que celle-ci s’approfondisse.


Post-scriptum: Combien de fois le mot crise aura-t-il donc été écrit au fil des mois et maintenant des années ?




Billet rédigé par François Leclerc

 

Paul Jorion

pauljorion.com

(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.

Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).


 

 

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