Dans une
chronique parue en octobre dernier dans La Presse (« De
Cacouna au Califat »), Boucar Diouf nous dit préférer la molécule d'eau
aux hydrocarbures parce que le « pétrole répond à un désir de l'humanité
alors que l'eau est pour nous un besoin irremplaçable ». Le pétrole, source
de tensions et de conflits, serait tout juste bon à être remplacé par des
énergies vertes.
Biologiste de
formation et Sénégalais d'origine, M. Diouf devrait pourtant savoir qu'encore
aujourd'hui plus d'un milliard de personnes (et dans les faits sans doute
beaucoup plus) n'ont toujours pas accès à l'eau potable, que chaque jour
environ 5000 personnes (dont une majorité d'enfants) meurent de maladies
liées à l'insalubrité de l'eau qu'ils consomment et que l'Afrique
subsaharienne est la région la plus touchée par cette situation.
Bien que la
chose soit peut-être difficile à imaginer pour les lecteurs de M. Diouf,
l'abondance d'eau potable que nous tenons aujourd'hui pour acquise en ouvrant
machinalement nos robinets n'est devenue réalité qu'avec le développement
économique et notre utilisation massive de sources d'énergie telles que les
hydrocarbures qui ont permis, entre autres choses, le développement et le
déploiement à grande échelle de techniques d'assainissement et de transport
de l'eau. Il n'y a d'ailleurs pas si longtemps que la majorité des gens dans
les économies les plus prospères de la planète préféraient consommer des
boissons alcoolisées telles que le vin, la bière et le cidre, ou encore des
boissons bouillies comme le thé, car elles étaient moins susceptibles de les
rendre malades.
L'humoriste-biologiste
devrait également comprendre que les carburants et autres produits dérivés du
pétrole sont indispensables pour le transport de denrées nutritives, telles
que les kiwis, et pour la fabrication d'innombrables produits synthétiques,
tels que les instruments médicaux en plastique, les détergents, les vitamines
et les désinfectants.
Scientifique
de formation, M. Diouf devrait se familiariser avec les problèmes inhérents
aux énergies alternatives dont il fait la promotion. Il comprendrait
rapidement qu'elles relèvent davantage du grigri et de la pensée magique et
qu'elles ne sont pas une alternative valable aux technologies existantes. Par
exemple, l'éolien et le solaire ne génèrent que de petites quantités
intermittentes d'électricité. Ils sont donc pratiquement inutiles dans la
quasi-totalité du secteur des transports et ne fournissent aucune autre
matière première. Les biocarburants sont quant à eux difficiles et coûteux à
produire, surtout ceux qui ne requièrent pas de terres agricoles. Outre le
fait que nous ne pourrons jamais en produire en quantité suffisante, ils ne
peuvent de plus constituer qu'une petite fraction du combustible utilisés
dans les moteurs à essence et diesel sous peine de les endommager.
Pour ce qui
est des conséquences environnementales du pétrole, M. Diouf devrait garder à
l'esprit que remplacer les produits fabriqués avec le pétrole (des matériaux
de construction à certains de nos vêtements) par des solutions de rechange
cultivées sur des terres agricoles ou extraites de la nature sauvage aurait
de graves conséquences pour la biodiversité de notre planète. Après tout,
c'est bien le pétrole (en fait, le kérosène) qui a permis de sauver les
baleines que M. Diouf a appris à connaître lors de son passage à l'Université
du Québec à Rimouski.
Ce n'est pas
un hasard si l'espérance de vie de l'humanité a plus que doublé et le nombre
d'humains vivants sur notre planète a été multiplié par plus de sept depuis
le développement des combustibles fossiles au cours des deux derniers
siècles. Maintenir des milliards d'humains hors de la pauvreté, et en sortir
les autres, est présentement impensable sans poursuite de l'exploitation des
ressources pétrolières. Loin de n'être qu'un simple « désir de l'humanité »,
les produits à base de pétrole, bien qu'imparfaits, demeurent des
alternatives supérieures aux technologies qu'ils ont remplacées. Il n'existe
présentement aucune source ou combinaison de sources d'énergie et de
matériaux synthétiques constituant un choix techniquement supérieur et plus
vert que le pétrole.
M. Diouf
devrait comprendre que si l'eau est indispensable à la vie, notre
consommation de pétrole et d'autres formes d'énergie fiable et abordable est loin
d'être une dépendance nocive pour notre santé et notre environnement, mais
qu'elle est bien plutôt comparable à une saine alimentation.
Pour des
références plus détaillées sur les questions soulevées dans ce texte
d'opinion, le lecteur est invité à consulter la première
partie du texte « Comment l'innovation rend les sables bitumineux de
l'Alberta plus verts » de Pierre Desrochers et Hiroko Shimizu (Institut
économique de Montréal, octobre 2012).
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