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Cours Or & Argent

Haro sur la Chine !

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Publié le 08 octobre 2010
1624 mots - Temps de lecture : 4 - 6 minutes
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Rubrique : Or et Argent

 

 

 

 

Où espèrent-ils en venir ? Une impressionnante levée de boucliers a lieu en Europe et aux États-Unis, en lever de rideau des réunions de ce weekend à Washington, où tout le monde qui compte sera réuni afin de tenir un G7 finances, puis les assemblées annuelles du FMI et de la Banque mondiale.


« Haro sur la Chine ! » s’exclament avec un bel ensemble les représentants des gouvernements occidentaux et du FMI, dans le but de forcer ses dirigeants à réévaluer le yuan. Herman Van Rompuy et José Manuel Barroso ont joint leurs efforts en ce sens, en publiant un communiqué commun à la suite d’un sommet sino-européen de trois heures – toasts crispés compris  : « Nous avons souligné qu’il était important de rééquilibrer la croissance globale et de réduire les déséquilibres globaux ». On en reparlera les 11 et 12 novembre, au G20 de Séoul, vient d’annoncer de son côté Lee Myung-Bak, le président Sud-coréen.


Tout se présente comme si cette issue était la dernière porte de sortie dont disposaient ces gouvernements, qu’ils voulaient à tout prix forcer. Suscitant la résistance opiniâtre des Chinois, afin de ne pas déclencher dans leur pays la crise sociale qui ne manquerait pas selon eux d’en résulter. Un point de vue partagé par les connaisseurs du pays.


« Je prends très au sérieux la menace d’une guerre des monnaies, même larvée » a déclaré Dominique Strauss-Kahn, directeur général du FMI, après avoir pris dans un premier temps la chose à la légère. Il va falloir en dire plus pour la désamorcer ! Car les conséquences de cette guerre vont bien au-delà des frontières chinoises.


Cette offensive est à plusieurs titres douteuse, permettant à ceux qui la mènent de tout résumer à ce qui les exonère de leur responsabilité, en faisant porter la faute sur la Chine, pour déplorer sa rigidité s’ils n’obtiennent pas satisfaction. Elle prend les problèmes par le petit bout de la lorgnette, en vue d’une solution qui se révélera illusoire, au lieu de s’engager clairement sur le seul chemin qui tôt ou tard s’imposera : celui d’une réforme d’ensemble du système monétaire international.


A ce propos, comment ne pas se rappeler que le précédent grand chamboulement, Bretton Woods, a été décidé dans la foulée de la seconde guerre mondiale, laissant à penser aujourd’hui qu’il faudra que de grands événements – à ce stade indéfinis – interviennent dans l’avenir pour que cette réforme soit possible.


S’en tenir à cette seule perspective serait néanmoins persévérer dans l’erreur, car une telle réforme serait loin de tout régler (1). Cela consisterait à une fois de plus préconiser un remède monétaire à une crise dont les raisons sont toutes autres. Alors que les États-Unis, le Japon et la Grande-Bretagne s’orientent déjà – chacun de leur côté et tous ensembles, mais à l’exception de l’Europe – vers une tentative de relance économique en remettant en route la planche à billets. Une solution qui suscite de forts doutes quant à son efficacité, et qui va aviver la crise monétaire. La seule certitude est que les Américains vont accroître un problème pour tenter d’en régler un autre.


Les Chinois ont donc en attendant bon dos, car si les tensions monétaires se sont ces derniers temps exacerbées, c’est principalement en raison de l’émission monétaire américaine massive qui est annoncée. Celle-ci va accentuer encore la dépréciation du dollar et l’appréciation en sens contraire des autres monnaies. Elle est donc à double détente, soulageant dans l’immédiat le financement de la dette américaine, mais induisant également une nouvelle dépréciation du dollar.


Les surplus commerciaux chinois ne posaient pas de problèmes tant qu’ils finançaient la dette américaine. C’est toujours le cas, mais les priorités américaines sont autres, voilà tout.


Tout se passe donc comme si les Américains avaient maintenant choisi de forcer un rééquilibrage monétaire qu’ils n’obtiennent pas des Chinois : « puisque ceux-ci ne réévaluent pas, nous dévaluons ! ». Un jeu dangereux, car il étend la crise à l’ensemble des pays émergents dont la croissance était à l’épisode précédent censée relancer celle des pays développés ; tandis que dans le camp de ces derniers elle attise les difficultés économiques des Japonais et des Européens.


Au-delà de l’épisode de ce weekend – qui aura au moins l’avantage de faire passer au second plan les nouvelles prévisions pessimistes de croissance du FMI, en particulier concernant les États-Unis, ainsi que le désaccord entre Européens et Américains sur la nécessité d’une relance – une nouvelle donne mondiale s’esquisse dans les interventions des représentants des pays développés.


Si l’on résume leur argumentation, celle-ci consiste à dire aux pays émergents : « laissez votre monnaie se réévaluer et vos exportations diminuer, afin de permettre aux nôtres de se développer, allez chercher sur votre marché intérieur un relais de croissance ! ». Une injonction signifiant qu’eux-mêmes ne sont pas prêts à favoriser la croissance de la consommation dans leurs propres pays, ou bien n’en ont plus les moyens.


C’est un total renversement de situation qui est demandé avec insistance, un tournant à 180 degrés venant après des décennies de mondialisation favorisant le développement de la production agricole ou industrielle des pays émergents en vue de répondre à bas prix aux besoins des pays développés, financés de plus en plus par l’endettement des particuliers. Il est maintenant envisagé, comme derniers recours, de s’appuyer sur le développement de la consommation intérieure des premiers pour favoriser la relance de la production des seconds. A vos ordres !


Une vue de l’esprit dans l’immédiat, car les moyens de production des pays émergents, orientés à l’exportation, ne peuvent pas être d’un simple coup de baguette magique détournés de leurs objectifs initiaux et réorientés vers une production adaptée à leurs marchés intérieurs. La voiture low cost et l’ordinateur à 200 dollars n’y concernent que les classes moyennes, toujours minoritaires, qui seraient durement secouées au passage. Suscitant dans un premier temps d’importants dégâts pour l’emploi et de vives résistances en provenance de tous ceux qui ont construit leur bonne fortune sur le modèle précédent. Un changement de modèle de développement est une affaire d’envergure qui touche toute la société en profondeur, et pas seulement son appareil de production.


Ce changement serait d’un autre point de vue un tournant : la chute de l’Union soviétique a permis de dégonfler le mythe de l’opulence capitaliste pour tous, une fois son expérience faite dans les pays du glacis. On demande maintenant aux pays < émergents de prendre la suite. Le capitalisme vole de victoire en victoire.


Dans l’immédiat, la « guerre des monnaies » que Celso Amorim – ministre brésilien des affaires étrangères – a dénoncé avec fracas, pourrait même à l’occasion dégénérer en de véritables affrontements dans certains pays émergents.


Cela permet de comprendre pourquoi les attitudes du FMI et de la Banque Mondiale divergent à propos d’un point capital à court terme : l’adoption ou non par ces pays de mesures de contrôle des flux entrants de capitaux, qui déstabilisent leur économie. Le premier n’y voit – après avoir tenu un autre discours, avant que les Américains ne prennent le mors aux dents – que l’expression normale du jeu du marché, auquel il ne faut donc pas s’opposer. Naoyuki Shinohora, directeur adjoint du FMI, a ainsi déclaré à Reuters qu’il était « naturel et bienvenu » que les capitaux se déplacent vers les économies à forte croissance, et que les gouvernements ne devraient pas essayer d’infléchir ces flux en intervenant, afin de poursuivre des objectifs monétaires propres.


La Banque Mondiale émet pour sa part de sérieuses réserves à ce raisonnement, qui fait la part belle à la demande insistante que vient également de formuler Tim Geithner, le secrétaire d’Etat au Trésor US. Sévèrement critiqué pour son interventionnisme, Robert Zoellick, le président de la Banque Mondiale, a même déclaré à propos des Japonais : « Je ne les appuie pas plus que je ne les critique »… A propos de la Chine, il a précisé : « J’ai dit que je croyais que les Chinois devaient apprécier leur monnaie… Mais j’ai aussi dit que je pensais que cette appréciation n’était pas une panacée [a silver-bullet solution] ».


La palme de l’hypocrisie revient sans nul doute au secrétaire d’Etat américain au Trésor, qui vient de déclarer : « Il est important que l’on voie à l’avenir davantage de progrès de la part des plus grandes économies émergentes en direction de systèmes de taux de change plus flexibles et suivant les mécanismes du marché », les Américains étant particulièrement bien placés pour donner des leçons en raison de leur interventionnisme sur le dollar !


Tim Geithner a été plus explicite encore, conditionnant l’attribution aux pays émergents de sièges supplémentaires au conseil d’administration du FMI, à leur adoption d’ »une politique de taux de change plus conforme aux mécanismes du marché, [d']une réduction de leur dépendance aux exportations et [d']une demande intérieure plus solide ». L’intention est de favoriser les exportations américaines, mais le résultat va être l’exportation de leur crise. Une nouvelle version de la phrase célèbre d’un prédécesseur de Tim Geithner : « Notre monnaie, votre problème !».


Courage, fuyons !




Billet rédigé par François Leclerc

 

Paul Jorion

pauljorion.com

(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.

Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).


 

 

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