L’accumulation
des lois anti-discrimination débouche ou bien sur l’aggravation
de l’exclusion ou bien sur l’absurdité la plus
totale.
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L’Insee estime
à 7,9% le taux de pauvreté en France pour l’année
2011 – 14,3% si le seuil est fixé à 60% du revenu médian au
lieu de 50%. Ces chiffres n’évoquent rien de concret pour la
majorité des Français, et pourtant : chaque jour la
pauvreté imprime une marque indélébile sur la vie de
millions de gens, entravant leur insertion sociale et les enfonçant
toujours plus dans la précarité.
C’est
pour sensibiliser élus et ministres à ces
réalités que l’association ATD Quart Monde a
lancé une
pétition à l’occasion de
la Journée mondiale du refus de la misère.
Intitulée Je ne veux plus, la pétition braque le
projecteur sur les multiples facettes de la discrimination «
anti-pauvres », depuis le refus de soigner les
bénéficiaires de la CMU jusqu’aux insultes des cours de
récré en passant par le refus de vendre une prestation à
un sans abri dans un salon de coiffure. Objectif : tordre le cou à ces
idées reçues qui aggravent des situations déjà
précaires.
La
recherche d’emploi est le terrain de prédilection pour
vérifier ou réfuter les soupçons de discrimination. Les testings réalisés par le centre
d’observation ISM
Corum sont venus confirmer l’analyse de
l’association, les CV trahissant une situation de
précarité sociale obtenant 11% de réponses positives,
contre 17% pour les CV témoins. Éric Cediey,
directeur d’ISM Corum, reconnaît que d’autres testings seront nécessaires.
Mais il n’est besoin que d’un peu de bon sens pour comprendre que
les difficultés des plus pauvres ne sont pas seulement
matérielles, mais sociales.
Le président de l’association, Pierre-Yves Madignier, a raison de montrer du doigt
l’éléphant dans le magasin de porcelaine. Hélas,
de cet éléphant, Monsieur Madignier
ne voit que la trompe. Pourquoi ne pas inclure les compétences
professionnelles au nombre des motifs de discrimination sociale ?
Si la forme de discrimination dénoncée par
ATD Quart Monde consiste à traiter les personnes différemment
en raison de leur pauvreté ou de quelque autre caractéristique
liée à leur pauvreté, il faut logiquement
considérer comme discriminatoire le fait de recruter ou de ne pas
recruter une personne en raison des compétences de
l’intéressé. La relation de causalité
réciproque entre niveau de vie et formation est aujourd’hui un
lieu commun des sciences sociales. Pourtant, on continue de penser que les
compétences professionnelles échappent aux pesanteurs du milieu
social – du moins raisonne-t-on comme si c’était le cas.
Avec
le combat contre la discrimination sociale, la boucle est bouclée :
les seuls critères de recrutement légitimes deviennent
suspects. Exiger de l’employeur qu’il fonde son choix sur les
compétences du candidat et non sur les caractéristiques mentionnées
àl’article
225-1 du Code pénal revient en effet à pénaliser les
plus modestes qui n’ont pas acquis les compétences requises ou
qui, pour certains, ont perdu toute aptitude au travail et perdu tout espoir.
Certes,
le législateur n’ira pas aussi loin. On ne touche pas à
la « méritocratie ». Du reste, l’association ATD
Quart Monde, qui dit chercher surtout à « faire
réfléchir », se satisferait d’une loi contre les
formes de discrimination épinglées par l’étude
d’ISM Corum… au risque de rejeter dans l’ombre
d’autres formes de préjudice et, ce faisant, de les
légitimer.
Car
de telles lois fonctionnent comme l’expansion monétaire : ce
sont les derniers servis qui en souffrent le plus. Plus étendue est
l’intervention de l’État destinée à
protéger les uns contre les préférences des autres, plus
difficile est la situation des laissés pour compte dont aucune loi
n’est encore venue reconnaître la détresse et dont, par
conséquent, les souffrances paraissent dérisoires, sinon
imaginaires. C’est l’angle mort de
l’État providence.
Qu’on
se le dise : le mépris des Français pour les assistés
n’a d’égale que la générosité des
aides sociales aux plus démunis. Peut-être est-il temps de se
poser les questions qui fâchent ?
Remerciements
à Nils/@snkwcz
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