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initialement
publié dans "crise
publique"
S'il est une
société que beaucoup de français aiment à
dénigrer, croyant ainsi justifier le maintien sous perfusion de leur
anti-modèle social, c'est bien la Grande Bretagne. Berceau de la
révolution "ultra-libérale Thatchérienne"
qu'il est de bon ton de vilipender en toute occasion, la Grande-Bretagne
affiche pourtant, par rapport à la France, des revenus par habitant en
progression de 25% depuis 1980 - Le PIB/H, ajusté en PPA,
qui y était dramatiquement bas en 1980, est passé devant le
notre en 1999 -, et bien qu'il soit fréquent
d'entendre dire que le taux de pauvreté "y est
insupportâââble", le nombre de SDF, de l'ordre
de 3500 sur l'ensemble du territoire, n'est en rien comparable aux 86 500
recensés par le rapport Doutreligne-Pelletier en 2001 dans notre
hexagone.
Certes, me
rétorquerez-vous, "mais l'immobilier, qu'en faites vous ? L'immobilier anglais
est si cher ! l'intégralité du surcroît de niveau de vie
britannique passe dans des logements hors de prix !"
Jusque là,
vous avez parfaitement raison. Toutes les comparaisons internationales (exemple: étude annuelle Demographia,
PDF) montrent que l'immobilier britannique est l'un
des plus chers qui soit, et, rapporté à sa taille et sa
vétusté, le plus cher du monde occidental. Il n'en a pas
toujours été ainsi: avant la seconde guerre mondiale, les
conditions de logement des familles modestes en Angleterre étaient
meilleures qu'en France, en Italie ou en Allemagne. Ce n'est plus vrai
aujourd'hui.
"N'est-ce pas la
preuve de l'échec des sociétés libérales ?",
poursuivra l'observateur peu averti ?
Et bien, non,
mille fois non. Il y a deux monuments de la planification que le couple
Thatcher-Major n'a pas pu faire tomber, malgré son énergie: le
NHS, système de santé ultra bureaucratique, objet de toutes les
critiques récurrentes, et, bien moins connu, le "Town and Country
Planning Act" de 1947, renforcé en 1965.
Le sol de chaque
commune anglaise est encadré par une foule de lois agricoles et
environnementales, et une ville ne peut espérer s'agrandir sans en
passer par les fourches caudines du DEFRA, le ministère anglais de l'aménagement,
de l'agriculture et de l'environnement, qui a pratiquement droit de vie
ou de mort sur un projet de construction. Bref, en Grande Bretagne, l'urbanisme et la construction
constituent l'une des dernières places fortes de la planification
étatique, perdues au milieu d'une société fortement
déréglementée depuis 25 ans.
Le diaporama
ci joint (Cliquez
pour démarrer, puis cliquez à chaque diapo, ouvre une nouvelle
fenêtre - diaporama Flash créé à partir d'un
powerpoint, j'espère qu'il marche sur toutes les machines),
créé par "audacity.org",
une association à la pointe du mouvement anti-planification spatiale
en Grande Bretagne, montre bien la difficulté à laquelle le
pays est confronté: il est incroyablement difficile de trouver
des terrains ouvrables à la construction outre-manche.
Le rapport de
l'institut "Policy Exchange", "Unaffordable Housing, fables and
myths", a analysé le rôle de ces
réglementations. MM. Evans et Hartwich, leurs auteurs, tirent les
conclusions suivantes: les développeurs savent que lorsqu'ils partent
d'une feuille blanche, il leur faudra plusieurs années pour pouvoir
mettre de nouveaux logements sur le marché. Le résultat est
qu'ils se montrent très conservateurs dans leurs projections de
construction, même si le signal-prix donné par la bulle
immobilière est favorable: les logements prévus risquent
d'arriver à contretemps sur le marché si celui ci se retourne.
Le résultat est que l'élasticité de l'offre
immobilière au signal-prix est faible, voire nulle, ce qui, dans un
marché ou il n'y a ni oligopole, ni forte barrière
technologique à l'entrée, n'est concevable que si des obstacles
réglementaires forts étranglent l'offre. Ce qui est bien le
cas.
Ces conclusions
ont été largement confirmées par le rapport récent (2006) de
Kate Barker - rapport
par ailleurs critiqué par le très
libéral IEA, car il propose des solutions
très étatistes à un problème né de
l'étatisme ; l'accord sur le diagnostic demeure -, une
économiste de la banque d'Angleterre, qui associe on ne plus
clairement les problèmes de manque de logements à bas prix aux
restrictions réglementaires qui affectent le foncier. Le
résultat de ces réglementations est de favoriser la formation
de bulles immobilières: lorsque la demande est faible, les
constructeurs arrivent à sortir de terre les maisons en nombre
suffisant pour y répondre, et les prix restent bas. Dès qu'elle
augmente, l'absence d'élasticité de l'offre créée
une compétition accrue entre acheteurs pour les rares produits
disponibles et provoque une flambée des prix.
Le graphe ci
dessous donne la mesure du problème: alors qu'en régime de
faible demande, les prix médians des logements se stabilisent aux
alentours de 3 fois le revenu médian des ménages, ce qui est un
ordre de grandeur que l'on a retrouvé aussi en France entre 1965 et
1997, ce ratio augmente jusqu'à atteindre 5 ou 6 fois le revenu
des ménages en cas de conjoncture porteuse. Depuis le renforcement du
Town and Country Planning Act de 1965, la Grande Bretagne a
déjà connu 4 de ces bulles: 1972, 1980, 1990, et l'actuelle
bulle de 2000-2005 qui est plus prononcée et dure plus longtemps que
celles qui ont précédé.
un marché
propice à la formation de bulles
source: Priced
out
L'évolution
récente du marché anglais illustre donc parfaitement le
problème qui se pose à une société qui
libéralise l'essentiel de son économie, mais en oubliant de
libérer les règles qui régissent la construction et
l'usage des sols: La conjoncture favorable augmente la demande pour le
logement de la part des classes supérieures et moyennes, mais, l'offre
ne pouvant s'adapter, les prix des logements s'envolent,
pénalisant ceux et celles qui ne peuvent, pour quelque raison que ce
soit, monter dans le train de la croissance en même temps que les
autres.
Cela permet aux
politiciens anti-libéraux de se déchaîner contre "la
société de marché à deux vitesses", d'où
leur peu d'empressement lorsqu'ils sont au pouvoir à se saisir de
cette question, dont la résolution permettrait pourtant de
réduire considérablement les problèmes de
pauvreté, et les besoins d'interventions sociales qui en
découlent.
Mais si des politiques
libérales réduisaient à presque rien les poches de
pauvretés, en Grande Bretagne comme ailleurs, quel serait le fonds de
commerce des politiciens étatistes ? Voilà pourquoi il est
hélas plus que probable que ceux-ci continuent de se saisir de n'importe
quel prétexte pseudo-environnemental(*) pour continuer à
encadrer, limiter, brider, castrer, étouffer la construction
privée. Quoiqu'ils en disent, nos problèmes ne sont pas leur
problème, maintenir leur fond de commerce électoral est bien
plus crucial à leurs yeux.
Vincent
Bénard
Objectif Liberte.fr
Egalement par Vincent Bénard
Vincent Bénard, ingénieur
et auteur, est Président de l’institut Hayek (Bruxelles, www.fahayek.org) et Senior Fellow de Turgot (Paris, www.turgot.org), deux thinks tanks francophones
dédiés à la diffusion de la pensée
libérale. Spécialiste d'aménagement du territoire, Il
est l'auteur d'une analyse iconoclaste des politiques du logement en France, "Logement,
crise publique, remèdes privés", ouvrage publié
fin 2007 et qui conserve toute son acuité (amazon), où il
montre que non seulement l'état déverse des milliards sur le
logement en pure perte, mais que de mauvais choix publics sont directement
à l'origine de la crise. Au pays de l'état tout puissant, il
ose proposer des remèdes fondés sur les mécanismes de
marché pour y remédier.
Il est l'auteur du blog "Objectif
Liberté" www.objectifliberte.fr
Publications :
"Logement: crise publique,
remèdes privés", dec 2007, Editions Romillat
Avec Pierre de la Coste : "Hyper-république,
bâtir l'administration en réseau autour du citoyen", 2003, La
doc française, avec Pierre de la Coste
Publié avec
l’aimable autorisation de Vincent Bénard – Tous droits
réservés par Vincent Bénard.
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