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Il aura suffi d'une hausse
légère des taux d'intérêts des prêts
immobiliers et d'une
sévérité accrue des prêteurs (8% des
dossiers rejetés au lieu de 3%, selon le courtier meilleurtaux.com ),
pour réduire la demande globale de logement d'environ 1/5ème,
selon diverses sources immobilières, et de fait, engendrer un
mouvement - encore léger - de baisse du marché français,
que la hausse totalement déconnectée du revenu des
ménages du début de la décennie avait rendu
inévitable.
Nombreux sont ceux qui parlent de "crise
de l'immobilier". Première nouvelle.
L'immobilier, parce qu'il est à la fois placement et bien de
consommation, suscite parfois des analyses économiques...
surprenantes. En tout cas, c'est le seul secteur d'activité dans
lequel l'on parle de « crise » quand les prix baissent. En
général, c'est plutôt la hausse des prix qui pose des
problèmes aux ménages consommateurs, comme on le voit dans le
domaine des transports ou de l'alimentation.
Si aujourd'hui, plus de 4 ménages
sur 5 disposent d'un lecteur de DVD, c'est parce que le prix de cet article
est passé de 300 euros et plus il y 10 ans à moins de 50 euros
pour un matériel premier prix aujourd'hui. Idem pour tous les produits
d'électronique grand public : personne ne parle de crise dans ce
secteur. Au contraire, toute baisse de prix d'un produit de grande
consommation est perçue comme une bonne nouvelle, et cela
n'empêche pas les entreprises opérant sur ce secteur
d'être profitables.
Bien que la baisse du prix du
logement puisse être dommageable pour les offreurs qui ont mal
évalué l'état du marché, elle est a priori
profitable aux nouveaux acheteurs ou aux locataires, ce qui est bon pour le
pouvoir d'achat... Et donc pour l'économie générale.
Hélas, les conditions dans
lesquelles se produit cette baisse sont de nature à tempérer
cet optimisme.
Une baisse conjoncturelle, pas
structurelle
En effet, la présente baisse n'est
liée qu'à une baisse de solvabilité de la demande. Moins
de capacité d'emprunt, moins d'investissement dans la pierre, baisse
des prix... Cette baisse ne se traduira donc pas, dans l'immédiat, par
une capacité plus grande des ménages à accéder
à la propriété, en tant qu'occupant ou qu'investisseur,
la baisse de la pierre étant compensée par la hausse du
coût du financement. Et la baisse des loyers sera vite
tempérée par la faiblesse de l'offre dans les grandes villes
les plus tendues, qui regroupent la majorité des ménages ayant
des difficultés à se loger. Seules un certain nombre de villes
moyennes, où les
primes fiscales de type Robien ont provoqué un mal
investissement notable, verront leurs prix durablement détendus. Seul
problème, ce n'est pas forcément dans ces villes que les
besoins de logement seront les plus importants dans les années
à venir. Les projections démographiques, que ce soient les
miennes (exposées dans mon
livre), ou celles du Crédit Foncier, évoquent un besoin
de nouveaux logements au moins égal à 500 000 par an jusqu'en
2015-2020 pour résorber l'actuel pénurie. Or, avec un pic
à 430 000 mises en chantier au plus fort de la bulle, lesquelles se
sont fortement ralenties depuis, on est très loin du compte.
Et dès que la conjoncture
macro-économique se retournera, ce qui finira par arriver, et
qu'à nouveau une demande soutenue remplira les agences et les bureaux
de vente des promoteurs, alors une nouvelle bulle se formera, car aucun des fondamentaux
qui empêchent l'offre de logement de s'adapter en période
de forte demande n'aura évolué par rapport à la
situation actuelle: Tout d'abord, la sur-protection des locataires et les
contrôles de loyers dissuaderont toujours les particuliers, et plus
encore les investisseurs institutionnels, d'investir dans le locatif, ce qui
multipliera les situation insatisfaisantes vis à vis du logement
(colocation subie, logement trop petit, insalubre, logement de fortune,
trottoir...).
Ensuite, et surtout, faute du moindre
assouplissement de nos
règles malthusiennes d'urbanisme, les prix du foncier
recommenceront à grimper à des niveaux insupportables,
provoquant une hausse démesurée du neuf comme de l'ancien, et
écartant les classes moyennes basses et les recalés de la file
d'attente du logement social de toute solution de logement acceptable.
Le gouvernement aurait tort de croire que
la baisse conjoncturelle du logement va l'aider à
résoudre les problèmes de logement que rencontrent
les moins fortunés, et qu'il n'a qu'à attendre que cela se
passe, en jetant un peu de poudre aux yeux du public pour
faire croire qu'il agit. Tout plan en faveur du logement, c'est à dire
en faveur des consommateurs de logement, devrait s'attacher à
permettre de retrouver un marché durablement bon marché, c'est
à dire où les transactions moyennes se négocient
à moins de trois fois le revenu moyen de la zone
considérée, même lorsque la solvabilité des
ménages augmente.
Impossible, voire utopique ? Certainement
pas ! En fait, la plupart des agglomérations en très forte
croissance démographique de la Middle America (Houston, Atlanta, Dallas, principalement),
malgré des niveaux de demande inconnus du reste de l'Amérique
du Nord, et des conditions macro-économiques strictement identiques
à celles du reste du monde, ont réussi à conserver des
marchés immobiliers abordables (prix moyen < 3 fois le revenu moyen
des ménages), contrairement à des états comme la
Californie, la Floride, et les « vieux » états du Nord
Est. Ces agglomérations connaissent comme les autres une crise du
Subprime (les excès de la machine à crédit y ont
été les même qu'ailleurs) mais les taux de
défaillance et les montants des crédits en défaut y sont
nettement moins élevés que dans les états les plus
chers.
Leur secret ? Une réglementation
des sols très souple, pouvant aller jusqu'à l'absence de plan
d'occupation des sols (Houston), dont l'objectif premier est de maintenir un
large excès de terrain constructible par rapport à la demande
de logement. Les ménages modestes, qui bénéficient de
logements d'occasion de bonne qualité à des prix défiant
toute concurrence, tant à l'achat qu'en location, et les
créateurs d'entreprises, qui ont besoin de surfaces à prix
abordables, sont les principaux bénéficiaires de cette
souplesse. Et les nombreux quartiers développés sous maîtrise
d'ouvrage le plus souvent intégralement privée tendent à
rivaliser en terme de qualité de construction et d'aménagement
des abords, pour trouver une clientèle qui peut très facilement
trouver mieux ailleurs si un produit ne convient pas.
Là bas, nul besoin de dilapider
des milliards pris aux contribuables pour arriver à loger les familles
modestes, ou plutôt, s'agissant de chez nous, pour ne pas arriver
à les loger. Les victimes du cyclone Katrina à la Nouvelle Orléans
ne s'y sont pas trompées: elles ont en très grand nombre choisi
Houston pour reconstruire leur vie, parfois définitivement, tant
l'immobilier abordable et l'économie foisonnante y
créent des opportunités.
Contrairement à ce que certains
voudraient bien nous faire croire, un marché du logement où les
prix restent faibles lorsque la demande est vigoureuse n'est pas une utopie,
mais une réelle possibilité, à condition que les
règlementations étatiques frappant le foncier ou le bâti
ne provoquent pas de fluctuations artificielles des valeurs en fonction de la
solvabilité de la demande. La France ne résoudra pas
durablement ses problèmes de logement sans une réforme de
sa réglementation foncière allant dans le sens d'une bien
plus grande liberté d'usage des terrains. Sans cela, la baisse
actuelle ne sera qu'une brève accalmie avant la prochaine
tempête sur les prix du logement, qui fera encore sombrer la
galère de bien des ménages modestes et moyens.
Vincent
Bénard
Objectif Liberte.fr
Egalement par Vincent Bénard
Vincent Bénard, ingénieur
et auteur, est Président de l’institut Hayek (Bruxelles, www.fahayek.org) et Senior Fellow de Turgot (Paris, www.turgot.org), deux thinks tanks francophones
dédiés à la diffusion de la pensée
libérale. Spécialiste d'aménagement du territoire, Il
est l'auteur d'une analyse iconoclaste des politiques du logement en France, "Logement,
crise publique, remèdes privés", ouvrage publié
fin 2007 et qui conserve toute son acuité (amazon), où il
montre que non seulement l'état déverse des milliards sur le
logement en pure perte, mais que de mauvais choix publics sont directement
à l'origine de la crise. Au pays de l'état tout puissant, il
ose proposer des remèdes fondés sur les mécanismes de
marché pour y remédier.
Il est l'auteur du blog "Objectif
Liberté" www.objectifliberte.fr
Publications :
"Logement: crise publique,
remèdes privés", dec 2007, Editions Romillat
Avec Pierre de la Coste : "Hyper-république,
bâtir l'administration en réseau autour du citoyen", 2003, La
doc française, avec Pierre de la Coste
Publié avec
l’aimable autorisation de Vincent Bénard – Tous droits
réservés par Vincent Bénard.
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