Léonard Sartoni
Après la gueule de bois provoquée par l’effondrement du cours de l’or, la
presse spécialisée demande unanimement si cette baisse va se poursuivre.
Passées les
tentatives d’explications – multiples et conjoncturelles – nous vous
apportons un éclairage différent apporté par un des plus éminents
spécialistes de l’or, Léonard Sartoni, auteur du très visionnaire “2008-2015 :
pourquoi l’or va battre la performance des actions et des obligations et
comment vous pouvez en profiter“. Ouvrage de référence écrit en 2007,
pour tous ceux, investisseurs et épargnants, qui souhaitent se positionner
sur l’or ou qui sont déjà placés sur l’or. Une interview révélation.
Léonard Sartoni
« Ce qu’on vit en ce moment sur le marché de l’or est vraiment dingue
et il faut informer le maximum de petits investisseurs possible sur ce qui se
passe vraiment ». Voilà la première chose que nous répond Léonard
Sartoni concernant la chute de 13% de l’or en deux jours.
Comment l’expliquez-vous ? Quelles perspectives envisagez-vous pour le
cours de l’or en 2013/2014 ? Que conseilleriez-vous aux investisseurs et
épargnants qui souhaitent se positionner sur l’or ou qui le sont déjà ?
Léonard Sartoni, référent sur l’or depuis de nombreuses années nous livre son
analyse et ses conseils.
La baisse du cours de l’or : un braquage orchestré par les
banquiers centraux pour répondre à une situation d’urgence.
Léonard Sartoni : Cela m’amuse de lire les explications des analystes
au sujet du krach de l’or. Ils racontent n’importe quoi pour
justifier la baisse en allant chercher plusieurs éléments qui, bout
à bout, pourraient à peine faire baisser le marché de $50. Certains ont la
franchise de dire qu’ils ne savent pas vraiment pourquoi l’or a soudainement
plongé de la sorte. A peu près tous les vétérans de ce marché ont été pris de
court, moi y compris.
Le problème des explications que l’on peut lire dans les médias,
c’est qu’ils partent du principe que le marché est efficient. Ça,
c’est la théorie. En pratique, certains marchés peuvent occasionnellement
être pris pour cible par des groupes de banquiers, dans des cas d’extrême
urgence. Et je pense qu’une telle situation d’urgence existait pour la Fed.
L’explication que je vais vous donner ne pourra jamais être reprise par un
journal, car elle accuse les banques centrales et leurs banques
d’investissement complices de manipulation de marché. Pourtant, les
banques centrales nous ont donné ces dernières années des exemples
d’interventions énergiques et non conventionnelles sur toutes sortes de
marchés à des fins de relance économique. Elles fixent aussi les taux
d’intérêts beaucoup plus bas que ce que le marché libre ferait. Elles ont
déjà admis par inadvertance qu’elles disposaient d’assez d’or en réserve pour
intervenir sur le marché de l’or au besoin (par des menaces de ventes d’or ou
en se servant de banques complices pour emprunter cet or et le déverser sur
le marché, tout en prenant des positions massives vendeuses sur le COMEX). Pour
conserver cette croissance anémique, empêcher la hausse du prix des matières
premières en protégeant le dollar, tout est permis pour la Fed.
D’ailleurs le krach de l’or a entraîné la baisse d’autres matières premières
par effet de contagion. Pourquoi une banque centrale se gênerait-elle
d’intervenir sur le marché de l’or par l’intermédiaire de banques
d’investissement complices… afin d’éviter une crise de grande ampleur?
L’or des banques centrales détenu par la FED prêté à des banques
d’investissement
Le premier mobile qui me vient à l’esprit, c’est le niveau des réserves
d’or physique de la Fed et la demande de rapatriement d’or
(600t) des Allemands qui comporte un délai étonnamment long
(!), jusqu’en 2020. D’autres banques centrales ont déjà demandé leur or en
retour, c’était de petites quantité, mais d’autres pourraient aussi être
tentées de le faire! Comme vous le voyez, la confiance règne dans ce monde
financier, qui aimerait nous faire croire que tout va s’arranger depuis que
le prix de l’or a mordu la poussière!
Pourquoi le Trésor US n’aurait plus physiquement tout l’or qu’il est sensé
détenir ? Parce que l’or peut être prêté à des banques
d’investissement, comme votre épargne peut être utilisée à d’autres
fins et ne se trouve plus entièrement dans votre banque. Et c’est tout à fait
légal, même si ça ouvre la porte à toutes sortes d’abus. Il n’existe plus que
sous une forme papier, tandis que l’or physique se promène dans la rue ou se
retrouve dans un coffre très loin de chez lui. Beaucoup d’or papier est aussi
vendu sur le COMEX, alors que personne n’en prend livraison. C’est l’arène
des spéculateurs et des commerciaux. Cela permet à des gros acteurs
d’en vendre des centaines de tonnes en un jour, sans les posséder, juste pour
faire baisser les prix.
C’est une longue histoire, je n’ai pas le temps de tout expliquer en
détails, mais à voir la réaction sur le marché de l’or depuis la demande de
rapatriement des Allemands, cette hypothèse est loin d’être farfelue.
Beaucoup moins farfelue que la menace des 10t d’or de Chypre et sa contagion
à l’ensemble des pays à problème de la zone euro. Il faut savoir que dans les
années 90 et au début des années 2000, les banques centrales étaient
vendeuses jusqu’à 500t d’or par année, le quota maximal fixé par les accords
de Washington. Depuis quelques années, les banques centrales sont
redevenues acheteuses nettes d’or et des pays comme la Chine et la Russie
ne semblent pas prêtes d’inverser cette tendance. Il y a d’autres pays parmi
les pays émergents qui sont intéressés pour augmenter leurs réserves d’or,
qui restent faibles en regard à leurs réserves de devises. Il faut se
rappeler que le prix de l’or grimpait au début des années 2000, même avec le
quota maximal autorisé des ventes! De toute manière je ne crois pas qu’un
pays comme l’Italie n’envisage une seconde de vendre son or!
Comment racheter l’or « prêté » sans provoquer une forte
hausse du prix de l’or ?
Si la Fed ne dispose plus de tout l’or qu’elle dit détenir, elle
doit procéder à un rachat d’or physique sur le marché. Mais le
marché de l’or physique était justement tendu juste avant le krach! Le niveau
des stocks d’or à Londres sur le marché des métaux précieux, le LBMA, étaient
déjà très bas. Se procurer 600t d’or sans provoquer une forte hausse
du prix n’aurait pas été facile, et peut-être que la Fed doit
récupérer plus d’or physique encore! De l’or, il y en a plein dans les ETFs
sur l’or, créés depuis 10 ans, mais comment faire sortir cet or sans proposer
un prix plus élevé? En attaquant le marché de l’or papier à New-York en
brisant violemment le support important des $1525.
En prenant des positions short massives et en faisant des déclarations
publiques juste avant, en annonçant la fin du marché haussier sur l’or et en
recommandant aux investisseurs de vendre l’or à découvert. En
travaillant l’opinion publique sur l’idée que le marché haussier de l’or est
terminé et en insistant bien pour dire que l’économie se porte comme
un charme à présent. Goldman Sachs s’est distinguée avec ses annonces, mais
beaucoup d’autres banques étaient au courant de ce qui allait se passer et
ont participé à cette opération de grande envergure sur le marché de l’or,
par effet de “tuyau facile”.
Les anomalies sur les mines d’or s’expliquent
D’après les anomalies que j’observais sur le marché des mines d’or
depuis le mois d’octobre 2012, on peut comprendre après coup que ces
banques vendaient aussi les mines d’or à découvert pour profiter de la baisse
de l’or sur tous les tableaux, car le jour J, l’or n’aurait aucune chance de
tenir sur son support à $1525 et les mines d’or plongeraient avec. Les mines
d’or ont parfaitement anticipé ce plongeon de l’or, comme si elles avaient
une boule de cristal ! Ensuite la panique s’est entretenue d’elle-même, ils
n’avaient plus qu’à racheter leurs énormes positions vendeuses (je pense
qu’ils doivent déjà être sortis car leur cible a été largement dépassée). Il
y a un effet vicieux dans ce genre de panique, car les investisseurs qui
restent cherchent à protéger leur portefeuille d’or physique avec une
couverture en vendant aussi l’or papier à découvert pour cela, créant
ainsi une spirale baissière particulièrement dévastatrice.
Deux implications : faire main basse sur l’or physique à bas
prix et bloquer les issues du secours public avant une crise inéluctable
Si on n’est pas certain de la raison qui a conduit ces banques à attaquer
le marché de l’or, on peut être quasiment certain de leur implication. C’est
comme si un poulailler avait été attaqué avec un bombardier lourd, et
qu’après sa vaporisation on accuse le renard du coin ! La
raison peut être un besoin de récupérer le maximum d’or physique à bas prix,
ou alors on veut casser son rôle de valeur refuge pour fermer les
issues de secours du public avant une crise inéluctable qui se profile.
Du terrorisme financier : même les petits épargnants sont
visés
Quelque chose de grave doit ou devait être sur le point de se produire.
Leur opération a bien fonctionné, car beaucoup d’or physique est sorti des
ETFs ! Les gens sont effrayés et ont perdu confiance dans l’or, en tout cas
ici en Europe, car en Asie les gens ont un autre rapport avec l’or et
profitent actuellement des prix soldés ! Un rabais de 30%, cela ne
se refuse pas! Quelle va être la réaction des banques centrales en Chine et
en Russie? Toujours est-il que ce genre d’opération ressemble à
ce qui s’est passé à Chypre mais en pire : on dépouille les gens de leur
actif, mais cette fois même les petits épargnants sont visés.
Certains parlent de terrorisme financier.
L’or, seul rempart contre l’irresponsabilité des gouvernements
Je crois qu’on en est effectivement arrivé là, on est capable de poser des
bombes sur des marchés pour faire le plus de morts possibles! On vit une
période vraiment troublée, croyez-moi, et la dernière chose à faire
est de paniquer et de vendre la seule monnaie honnête qui reste : l’or.
L’or est un rempart contre l’irresponsabilité des gouvernements
et la destruction programmée de la valeur du papier monnaie. Il a fait ses
preuves depuis 5000 ans. Ce n’est pas parce qu’on vit à l’ère de l’i-pad que
les gens qui sont à la tête des institutions possèdent plus de sagesse. Ils
vont se livrer aux mêmes folies destructrices que leurs “ancêtres” avec le
papier monnaie actuel. Quelque part, ils vont y être forcés, car il n’y a
plus de retour en arrière possible. Les problèmes dans lesquels nous sommes
empêtrés nous garantissent une fin tragique pour le papier monnaie. Ceux
qui paniquent actuellement sont ceux qui ne possèdent pas de vision à long
terme des marchés ou qui sont pris à la gorge. Les Chinois et
surtout les dirigeants chinois possèdent plus de sagesse à ce niveau-là.
Suivez le flux de l’or, il se dirige vers les nouvelles grandes puissances de
demain ! Poser une bombe sur le marché de l’or est un acte désespéré, qui va
sans doute permettre aux banquiers de faire le plein d’or et d’argent
physique à bon compte, mais cela va surtout accélérer le flux de l’or vers
l’Asie.
Perspectives positives pour les prochains mois
Je ne vois pas l’once d’or rester longtemps à ces niveaux ($1350), car
beaucoup de mines ont des projets qui ne sont plus rentables à ces prix-là.
De plus, tous ceux qui sont assis sur de gros profits avec leurs positions
vendeuses sur l’or vont vouloir encaisser leur bénéfice et racheter l’or
papier, cela peut provoquer un puissant rebond technique. Ensuite, il faut
bien se rendre compte que ce krach a lessivé complètement le marché
des mains faibles, des acteurs qui jouaient sur marge ou avec des
leviers. Donc ceux qui restent peuvent vouloir sortir plus haut, mais dans la
majorité je pense que les investisseurs qui ont bravé cette tempête sont
plutôt bien instruits et qu’ils ne sont pas dupes par ce qui s’est passé. L’or
représente pour beaucoup une assurance incendie, et il n’y a pas de
raison de s’en défaire parce que la prime a baissé. Donc je suis plutôt
positif pour ces prochains mois. La demande d’or physique a toutes les
chances de produire un assèchement du marché, mais cette fois on ne pourra
plus secouer le prunier une seconde fois. On ne peut dépouiller les mains
faibles qu’une seule fois. Je suis confiant pour la reprise de la hausse,
malgré ces dégâts techniques importants, et je pense qu’on clôturera l’année
beaucoup plus haut.
L’autre facteur qui pourrait remettre l’or plus vite sur les rails de la
hausse, c’est un sommet sur les actions pour cause de rattrapage avec la dure
réalité économique. Les initiés ont déjà vendu depuis un bout de temps et les
banquiers essaient de refiler au grand public ces actions pour sortir de ce
marché qui ne demande qu’à se retourner. Comme l’or s’est comporté de façon
contre-cyclique depuis de nombreux mois, il profitera forcément des
déboires du marché actions. On réalisera à ce moment-là que tout ce
qu’on avait raconté sur l’or n’était pas vrai, et cela pourrait conduire à
une panique acheteuse chez tous ceux qui sont sortis pour profiter de la
hausse des actions ou qui ont vraiment pensé que le marché haussier de l’or
était terminé.
Il n’y a pas de bulle de l’or
Se positionner sur l’or avec un rabais de 25% à 30% par rapport à son
dernier sommet? Evidemment que je pense que c’est une bonne idée, mais mes
vues sont biaisées, car je pense que ce krach n’est qu’un accident de
parcours, en direction d’une réévaluation massive du prix de l’or
pour sauver le bilan catastrophique des banques centrales. L’or n’a
jamais été dans une bulle, car on n’a pas encore vu d’emballement
réel du prix sur une échelle logarithmique jusqu’en 2011, contrairement au
sommet final du précédent marché haussier des années 70. Et puis la part d’or
dans les portefeuilles reste marginale. On a rien vu d’une fièvre de l’or
chez les investisseurs, juste un regard intéressé ou agacé. J’ai aussi
déterminé un prix minimal de $3000 sur différentes bases de raisonnement, et
je pense toujours qu’on va y arriver dans les 2 à 3 ans à venir, et sans
doute dépasser largement cette cible. Même après ce qui s’est passé ces
derniers jours!
Vous trouverez plus de précisions dans
cet article paru sur thenewamerican.com.
Pour compléter vos connaissances sur l’or, consulter les fiches de Léonard
Sartoni sur l’or sur le blog Objectifeco.com