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Cours Or & Argent

L’action humaine et la raison

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Extrait des Archives : publié le 17 mai 2015
9196 mots - Temps de lecture : 22 - 36 minutes
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Ouvrage majeur de Ludwig von Mises, L'action humaine – Traité d'économie, a été publié en 1949 en anglais par les presses de l'Université de Yale sous le titre Human Action: A Treatise on Economics. Il s'agissait alors d'une édition largement remaniée d'une première mouture en allemand, Nationalökonomie: Theorie des Handels und Wirtschaftens, publiée en 1940 à Genève.

          Comme l'écrivait Pierre Desrochers, ailleurs dans le QL: « Bien que L'action humaine soit l'un des plus implacables réquisitoires contre l'interventionnisme étatique, son auteur ne traite à peu près pas de l'actualité politique de la fin des années 1940, ou sinon d'une façon universelle [...] L'action humaine est en fait bien davantage une tentative de remettre l'analyse économique sur des bases épistémologiques radicalement différentes de celles que l'on connaît aujourd'hui, car près des deux tiers du livre traitent des fondements théoriques et des applications de la science économique... » Afin de souligner le 125e anniversaire de naissance de Mises (qui avait lieu le 29 septembre dernier), nous publions ici un chapitre.

 

Première partie – « L'Agir humain »
• Chapitre III – « L'économie et la révolte contre la raison »

 

1 / La révolte contre la raison

 

          Il est vrai que certains philosophes ont été enclins à surestimer le pouvoir de la raison humaine. Ils croyaient que l'homme peut découvrir par le raisonnement méthodique les causes finales des événements cosmiques, les fins immanentes que vise la Cause première en créant l'univers et en déterminant le cours de son évolution. Ils discouraient, hors de leur objet, à propos de « l'Absolu » comme si c'eut été leur montre de poche. Ils n'hésitaient pas à proclamer des valeurs absolues éternelles et à dresser des codes moraux impératifs pour tous les hommes.

          Ensuite il y eut la longue lignée des écrivains utopistes. Ils dessinèrent les plans d'un paradis terrestre, dans lequel la seule et pure raison régnerait. Ils ne se rendaient pas compte que ce qu'ils appelaient raison absolue et vérité manifeste n'était que l'imagination de leur propre esprit. Ils s'arrogeaient sereinement l'infaillibilité et préconisèrent maintes fois l'intolérance, l'oppression violente de tous les contradicteurs et hérétiques. Ils voulaient arriver à une dictature soit pour eux-mêmes soit pour des hommes qui mettraient exactement à exécution leurs plans. Il n'y avait, à leur avis, pas d'autre salut pour l'humanité souffrante.

          Il y eut Hegel. C'était un penseur profond et ses écrits sont un trésor d'idées stimulantes. Mais il oeuvrait sous l'emprise d'une illusion celle que l'Esprit (Geist), l'Absolu se révélait à travers ses paroles. Rien dans l'univers n'était caché pour Hegel. Le malheur était que son langage fût si ambigu qu'on pouvait l'interpréter de diverses manières. Les hégéliens de droite l'interprétaient comme une adhésion au système prussien de gouvernement autocratique et aux dogmes de l'Église de Prusse. Les hégéliens de gauche y lisaient l'athéisme, l'extrémisme révolutionnaire intransigeant, et des doctrines anarchisantes.

          Il y eut Auguste Comte. Il savait avec précision ce que l'avenir réserve au genre humain. Et naturellement, il se considérait comme le législateur suprême. Par exemple, il estimait que certaines recherches astronomiques étaient sans utilité et voulait qu'elles fussent prohibées. Il projetait de remplacer le christianisme par une nouvelle religion, et choisit une dame qui dans cette nouvelle église était destinée à remplacer la Vierge. Comte peut être déclaré non coupable, car il était fou au sens entier où la pathologie emploie ce terme. Mais que dire de ses adeptes?

          Bien d'autres faits du même ordre pourraient être évoqués. Mais ce ne sont pas des arguments que l'on puisse opposer à la raison, au rationalisme, ni à la rationalité. Ces rêveries n'ont absolument rien à voir avec la question de savoir si, oui ou non, la raison est le seul instrument disponible pour l'homme dans ses efforts pour atteindre tout le savoir qui lui est accessible. Les hommes qui cherchent la vérité honnêtement et consciencieusement n'ont jamais prétendu que la raison et la recherche scientifique soient capables de répondre à toutes les questions. Ils étaient pleinement conscients des limitations imposées à l'esprit humain. L'on ne saurait leur imputer la responsabilité des balourdises de la philosophie de Haeckel ni du simplisme des diverses écoles matérialistes.

          Les philosophes rationalistes eux-mêmes ont toujours veillé à montrer les bornes à la fois de la théorie aprioriste et de la recherche empirique(1). Le premier représentant de l'économie politique britannique, David Hume, les utilitariens, et les pragmatistes américains ne sont certes pas coupables d'avoir exagéré la capacité de l'homme d'atteindre la vérité. Il serait plus plausible de reprocher à la philosophie des deux cents dernières années un excès d'agnosticisme et de scepticisme qu'un excès de confiance dans ce que peut réaliser l'esprit humain.

          La révolte contre la raison, qui est l'attitude mentale caractéristique de notre temps, n'a pas eu pour cause un manque de modestie, de prudence et d'autocritique de la part des philosophes. Pas davantage n'a-t-elle été due à des échecs dans le développement de la science naturelle moderne. Les stupéfiantes réussites de la technologie et de la thérapeutique parlent un langage que nul ne peut ignorer. Il est sans espoir d'attaquer la science moderne, que ce soit sous l'angle de l'intuitionnisme et du mysticisme, ou de quelque autre point de vue. La révolte contre la raison a pris une autre cible. Elle ne visait pas la science naturelle, mais l'économie. L'attaque contre les sciences naturelles n'a été que la conséquence logiquement nécessaire de l'attaque contre l'économie. L'on ne pouvait se permettre de détrôner la raison dans un domaine seulement, et de ne pas la mettre en question aussi dans les autres champs du savoir.

          Le grand bouleversement a été engendré par la situation historique qui existait au milieu du XIXe siècle. Les économistes avaient entièrement démoli les illusions fantastiques des utopistes socialistes. Les déficiences du système classique les empêchèrent de saisir pourquoi tout plan socialiste quelconque est nécessairement irréalisable; mais ils en savaient assez pour démontrer la futilité de tous les projets socialistes formulés jusqu'à leur époque. Les idées communistes n'avaient plus aucun crédit. Les socialistes étaient incapables d'opposer une objection quelconque aux critiques qui pulvérisaient leurs programmes visionnaires ou d'avancer quelque argument à leur appui. Il semblait que le socialisme fût mort pour toujours.

          Une voie seulement pouvait mener les socialistes hors de cette impasse. Ils pouvaient attaquer la logique et la raison, et substituer l'intuition mystique au raisonnement. Ce fut le rôle historique de Karl Marx que de proposer cette solution. Partant du mysticisme dialectique de Hegel, il s'arrogea sereinement pour lui-même la capacité de prédire l'avenir. Hegel prétendait savoir que l'Esprit, en créant l'univers, entendait amener la monarchie de Frédéric Guillaume III. Mais Marx était mieux informé des plans de l'Esprit. Il savait que la Cause finale de l'évolution historique était l'avènement du millenium socialiste. Le socialisme est destiné à venir « avec l'inexorabilité d'une loi de nature ». Et comme, selon Hegel, chaque stade dernier venu de l'histoire est un stade supérieur et meilleur, il ne pouvait y avoir de doute que le socialisme, stade ultime et final de l'évolution du genre humain, serait parfait à tous les points de vue. Il est par conséquent inutile de discuter des détails du fonctionnement d'une Cité socialiste. L'Histoire, au moment voulu, réglera tout pour le mieux. Elle n'a que faire de l'avis des hommes mortels.

          Il restait encore le principal obstacle à surmonter: la critique dévastatrice des économistes. Marx avait une solution toute prête. La raison de l'homme, affirma-t-il, est congénitalement inapte à trouver la vérité. La structure logique de l'esprit est différente selon les classes sociales diverses. Il n'existe pas de logique universellement valable. Ce que l'esprit produit ne peut être autre chose qu'une « idéologie », c'est-à-dire dans la terminologie marxiste, un ensemble d'idées déguisant les intérêts égoïstes de la classe sociale à laquelle appartient celui qui pense. Donc, l'esprit « bourgeois » des économistes est entièrement incapable de produire plus qu'une apologie du capitalisme. Les enseignements de la science « bourgeoise », rejetons de la logique « bourgeoise », ne sont d'aucune utilité pour les prolétaires, la classe montante destinée à abolir toutes classes et à convertir la terre en un jardin d'Eden.

          Mais, bien sûr, la logique des prolétaires n'est pas seulement une logique de classe. « Les idées de la logique prolétarienne ne sont pas des idées de partis, mais l'émanation de la logique pure et simple »(2). De plus, en vertu d'un privilège spécial, la logique de certains bourgeois élus n'est pas entachée du péché originel d'être bourgeoise. Karl Marx, le fils d'un juriste aisé, marié à la fille d'un noble prussien, et son collaborateur Frederik Engels, un riche industriel du textile, n'ont jamais douté qu'ils fussent eux-mêmes au-dessus de la loi et que, malgré leur arrière-plan bourgeois, ils fussent dotés du pouvoir de découvrir la vérité absolue.

          C'est la tâche de l'histoire de décrire les conditions historiques qui ont rendu populaire une doctrine aussi rudimentaire. L'économie a une autre tâche. Elle doit analyser tant le polylogisme marxiste que les autres espèces de polylogisme formées sur son modèle, et montrer leurs erreurs et contradictions.
 

2 / L'aspect logique du polylogisme

 

          Le polylogisme marxiste affirme que la structure logique de l'esprit est différente entre membres de classes sociales différentes. Le polylogisme racial diffère du marxiste seulement en ceci, qu'il assigne à chaque race une structure logique particulière de son esprit, et soutient que tous les membres d'une même race, quelle que puisse être leur appartenance de classe, sont dotés de cette structure logique particulière.

          Il n'est pas besoin d'entrer ici dans une critique des concepts de classe sociale et de race tels qu'employés par ces doctrines. Il n'est pas nécessaire de demander aux marxistes quand et comment un prolétaire qui parvient à rejoindre les rangs de la bourgeoisie change son esprit prolétarien en un esprit bourgeois. Il est superflu de demander aux racistes d'expliquer quelle sorte de logique est propre aux gens qui ne sont pas de race pure. Des objections beaucoup plus sérieuses doivent être soulevées.

          Ni les marxistes, ni les racistes ni les adeptes d'aucune autre branche du polylogisme ne sont jamais allés plus loin que de déclarer que la structure logique de l'esprit est différente selon les classes, ou les races, ou les nations. Ils ne se sont jamais aventurés à démontrer précisément en quoi la logique des prolétaires diffère de la logique des bourgeois, ou en quoi la logique des Aryens diffère de la logique des non-Aryens, ou la logique des Allemands de la logique des Français ou des Anglais. Aux yeux des marxistes la théorie ricardienne des coûts comparés est sans valeur parce que Ricardo était un bourgeois. Les racistes allemands condamnent la même théorie parce que Ricardo était juif, et les nationalistes allemands parce qu'il était Anglais. Quelques professeurs allemands ont avancé simultanément ces trois arguments contre la validité des enseignements de Ricardo. Néanmoins, il ne suffit pas de rejeter en bloc une théorie en démasquant l'arrière-plan de son auteur. Ce qu'il faut c'est d'abord exposer un système de logique différent de celui qu'emploie l'auteur critiqué. Puis il serait nécessaire d'examiner la théorie contestée, point par point, et de montrer à quel endroit du raisonnement des déductions sont opérées qui – bien que correctes du point de vue de la logique de l'auteur – ne sont pas valables du point de vue de la logique prolétarienne, ou aryenne, ou germanique. Et finalement, il devrait être expliqué à quelle sorte de conclusions doit conduire le remplacement des déductions fautives de l'auteur, par des déductions correctes d'après la logique de celui qui le critique. Comme chacun sait, cela n'a jamais et ne pourra jamais être tenté par qui que ce soit.

          Puis il y a le fait qu'il existe des désaccords sur des problèmes essentiels, parmi des gens appartenant à la même classe, race ou nation. Malheureusement, disent les nazis, il y a des Allemands qui ne pensent pas d'une façon correctement allemande. Mais si un Allemand ne pense pas nécessairement toujours comme il le devrait, s'il peut arriver qu'il pense à la manière d'un homme équipé d'une logique non germanique, qui va décider quelles sont les idées d'Allemands vraiment germaniques et lesquelles sont non germaniques? Feu le Pr Oppenheimer dit que « L'individu se trompe souvent en veillant à ses intérêts; une classe ne se trompe jamais sur le long terme »(3). Cela suggérerait l'infaillibilité d'un vote majoritaire. Néanmoins, les nazis ont rejeté la décision par vote majoritaire comme manifestement non allemande. Les marxistes rendent un hommage verbal au principe démocratique du vote à la majorité(4). Mais chaque fois qu'il s'agit d'en faire usage pour décider, ils se prononcent pour la loi de la minorité pourvu que ce soit la loi de leur propre parti. Rappelons-nous comment Lénine a dispersé par la force l'Assemblée constituante, élue sous les auspices de son propre gouvernement au suffrage des adultes, parce qu'un cinquième seulement de ses membres étaient des bolcheviks.

          Un partisan conséquent du polylogisme aurait à soutenir que des idées sont correctes parce que leur auteur est membre de la classe, nation, ou race appropriée. Mais la cohérence n'est pas un de leurs points forts. Ainsi, les marxistes sont prêts à décerner le qualificatif de « penseur prolétarien » à quiconque soutient une doctrine qu'ils approuvent. Tous les autres, ils les disqualifient soit comme ennemis de classe, soit comme « social-traîtres ». Hitler eut même la franchise d'admettre que la seule méthode dont il disposait pour trier les vrais Allemands d'entre les bâtards et les étrangers, consistait à énoncer un programme authentiquement allemand et à voir qui était prêt à appuyer ce programme(5). Un homme brun dont les caractères physiques ne répondaient en rien au prototype de la race maîtresse des Aryens blonds, s'arrogeait le don de découvrir la seule doctrine adéquate à l'esprit germanique, et de chasser des rangs des Allemands tous ceux qui n'acceptaient pas cette doctrine, quelles que puissent être leurs caractéristiques physiques. Il n'est pas besoin d'autre preuve pour démontrer l'insincérité de la doctrine tout entière.
 

3 / L'aspect praxéologique du polylogisme

 

          Une idéologie, au sens marxiste de ce terme, est une doctrine qui, bien qu'erronée du point de vue de la correcte logique des prolétaires, est profitable aux intérêts égoïstes de la classe qui l'a élaborée. Une idéologie est objectivement viciée, mais elle sert les intérêts de la classe du penseur, précisément en fonction de son vice. Beaucoup de marxistes croient avoir prouvé cette affirmation en soulignant que les gens n'ont pas soif de connaissance pour l'amour de la connaissance seule. Le but du savant est d'ouvrir la voie pour une action qui réussisse. Les théories sont toujours élaborées en vue d'une application pratique. La pure science et la recherche désintéressée de la vérité, cela n'existe pas.

          Pour la clarté de la discussion, nous pouvons admettre que tout effort pour atteindre la vérité est motivé par des considérations d'utilisation pratique dans la poursuite de quelque objectif. Mais ce n'est pas une réponse à la question de savoir pourquoi une théorie « idéologique » – c'est-à-dire fausse – serait capable de rendre service, mieux qu'une théorie correcte. Le fait que l'application pratique d'une théorie ait effectivement les résultats prédits sur la base de cette théorie, est universellement considéré comme une confirmation de sa qualité de théorie correcte. Il est paradoxal d'affirmer qu'une théorie viciée puisse être, d'aucun point de vue, plus utile qu'une correcte.

          Les hommes emploient des armes à feu. Afin d'améliorer ces armes ils ont élaboré la science de la balistique; mais bien entendu – précisément parce qu'ils désiraient chasser du gibier et se tuer les uns les autres une balistique correcte. Une balistique simplement « idéologique » n'aurait eu aucune utilité.

          Pour les marxistes, l'idée que les savants travaillent pour la connaissance seule est une « comédie effrontée » des savants. Ils déclarent ainsi que Maxwell a été conduit à sa théorie des ondes électromagnétiques, parce que les hommes d'affaires mouraient d'envie de télégraphes sans fils(6). Il n'importe nullement, pour le problème de l'idéologie, que cela soit vrai ou faux. La question est de savoir si le fait allégué, que les industriels du XIXe siècle considéraient la télégraphie sans fil comme « la pierre philosophale et l'élixir de jouvence »(7), obligea Maxwell à formuler une théorie correcte, ou une superstructure idéologique des égoïstes intérêts de classe de la bourgeoisie. Il est hors de doute que la recherche bactériologique a été inspirée non seulement par le désir de combattre les maladies infectieuses, mais encore par le désir des producteurs de vin et de fromage d'améliorer leurs méthodes de production. Mais le résultat obtenu n'a certainement pas été « idéologique » au sens marxiste.

          Ce qui a conduit Marx à inventer sa doctrine des idéologies fut le désir de saper le prestige de la science économique. Il était pleinement conscient de l'incapacité où il était de réfuter les objections soulevées par les économistes, quant à la praticabilité des plans socialistes. En fait, il était si fasciné par le système théorique de l'économie classique britannique qu'il le croyait fermement inexpugnable. Ou bien il n'avait jamais eu connaissance des doutes que la théorie classique de la valeur éveillait dans l'esprit de savants judicieux, ou bien s'il en avait entendu parler, il n'en avait pas compris le poids. Ses propres idées économiques n'étaient guère davantage qu'une version confuse de celles de Ricardo. Quand Jevons et Menger inaugurèrent une nouvelle ère de la pensée économique, sa carrière d'écrivain économique était déjà terminée; le premier volume de Das Kapital avait déjà été publié depuis plusieurs années. La seule réaction de Marx à la théorie marginale de la valeur fut qu'il différa la publication des volumes suivants de son principal traité. Ils n'ont été mis à la disposition du public qu'après sa mort.

          En développant sa doctrine de l'idéologie, Marx vise exclusivement l'économie et la philosophie sociale de l'utilitarisme. Sa seule intention était de détruire la réputation d'enseignements économiques qu'il était impuissant à réfuter par la voie de la logique et du raisonnement systématique. Il donna à sa doctrine la forme d'une loi universelle valable pour la totalité de l'ère historique des classes sociales, parce qu'un énoncé qui s'applique uniquement à un fait historique déterminé ne pourrait être considéré comme une loi. Pour les mêmes raisons, il ne restreignit pas la validité de sa doctrine à la seule pensée économique, mais l'étendit à toutes les branches du savoir.

          Le service que l'économie bourgeoise rendait à la bourgeoisie était double, aux yeux de Marx. Elle avait aidé les bourgeois d'abord dans leur lutte contre la féodalité et le despotisme royal, et par la suite elle les aidait de nouveau dans leur lutte contre la classe montante des prolétaires. Elle fournissait une justification rationnelle et morale à l'exploitation capitaliste. Elle constituait, si nous voulons user d'une notion élaborée après la mort de Marx, une rationalisation des prétentions des capitalistes(8). Les capitalistes, honteux dans leur subconscient de l'avidité mesquine motivant leur conduite et vivement désireux d'éviter la désapprobation sociale, encouragèrent leurs flatteurs parasites – les économistes – à répandre des doctrines qui les pourraient réhabiliter dans l'opinion publique.

          Or, recourir à la notion de rationalisation fournit une description psychologique des mobiles qui ont incité un homme ou un groupe d'hommes à formuler un théorème ou une théorie entière. Mais cela n'affirme rien quant à la validité ou la non-validité de la théorie proposée. S'il est prouvé que la théorie en question est insoutenable, la notion de rationalisation est une interprétation psychologique des causes qui ont induit ses auteurs en erreur. Mais si nous ne sommes pas en mesure de trouver une faute quelconque dans la théorie avancée, aucun recours au concept de rationalisation ne peut l'invalider de quelque manière que ce soit. S'il était vrai que les économistes n'avaient dans leur subconscient aucun autre dessein que de justifier les injustes prétentions des capitalistes, leurs théories pourraient néanmoins être absolument correctes. Il n'y a pas de moyen de démasquer une théorie fausse, autre que de la réfuter par le raisonnement discursif et de lui substituer une théorie meilleure. Lorsque nous étudions le théorème de Pythagore, ou la théorie des coûts relatifs, nous n'avons aucun intérêt pour les facteurs psychologiques qui ont poussé Pythagore et Ricardo à construire ces théorèmes, bien que cela puisse être d'importance pour l'historien et le biographe. Pour la science, la seule question pertinente est de savoir si, oui ou non, ces théorèmes peuvent soutenir l'épreuve de l'examen rationnel. L'arrière-plan social ou racial de leur auteur est en dehors du sujet.

          C'est un fait que dans la poursuite de leurs intérêts égoïstes les gens tentent d'utiliser des doctrines plus ou moins universellement acceptées de l'opinion publique. En outre, ils cherchent à inventer et propager des doctrines dont ils pourraient tirer parti pour leurs intérêts propres. Mais ceci n'explique pas pourquoi de telles doctrines, favorisant les intérêts d'une minorité et contraires aux intérêts du reste du peuple, sont adoptées par l'opinion publique. Il n'importe pas que de telles doctrines « idéologiques » soient le produit d'une « fausse conscience » qui forcerait l'homme à penser, sans le savoir, dans un sens qui serve les intérêts de sa classe, ou qu'elles soient le produit d'une distorsion intentionnelle de la vérité: elles doivent affronter les idéologies des autres classes et essayer de les supplanter. Alors émerge une rivalité entre les idéologies antagonistes. Les marxistes expliquent la victoire et la défaite, dans de tels conflits, comme le résultat de l'intervention d'une providence historique. L'Esprit, le mythique Premier Moteur, opère suivant un plan défini. Il conduit l'humanité, à travers divers stades préliminaires, jusqu'à la béatitude finale du socialisme. Chaque stade est le produit d'un certain état de la technologie; toutes ses autres caractéristiques sont la superstructure idéologique nécessaire de cet état de la technologie. L'Esprit fait en sorte que l'homme invente en temps voulu les idées technologiques adéquates au stade dans lequel il vit, et qu'il les fasse passer dans la réalité. Tout le reste est une excroissance de l'état de la technologie. Le moulin à bras a fait la société féodale; le moulin à vapeur a fait le capitalisme(9). La volonté humaine et la raison jouent seulement un rôle ancillaire dans ces changements. La loi inexorable du développement historique force les hommes – indépendamment de leur volonté – à penser et à se comporter selon les schémas correspondant à la base matérielle de leur époque. Les hommes s'illusionnent en croyant qu'ils sont libres de choisir entre des idées diverses et entre ce qu'ils appellent vérité et erreur. Par eux-mêmes ils ne pensent pas; c'est la providence historique qui se manifeste dans leurs pensées.

          Ceci est une doctrine purement mystique. La seule preuve offerte à l'appui est la référence à la dialectique hégélienne. La propriété privée capitaliste est la première négation de la propriété privée individuelle. Elle engendre, avec l'inexorabilité d'une loi de nature, sa propre négation, à savoir la propriété commune des moyens de production) (10). Toutefois, une doctrine mystique fondée sur l'intuition ne perd point son mysticisme en faisant appel à une autre doctrine non moins mystique. Cet artifice ne répond en aucune façon à la question: pourquoi un penseur doit-il nécessairement élaborer une idéologie en accord avec les intérêts de sa classe? Afin de pousser plus loin la discussion, admettons que les pensées d'un homme doivent aboutir à des doctrines avantageant ses intérêts. Mais les intérêts d'un homme sont-ils nécessairement identiques à ceux de l'ensemble de sa classe? Marx lui-même dut admettre que l'organisation des prolétaires en une classe, et par suite en un parti politique, est continuellement contrariée par la concurrence entre les travailleurs eux-mêmes(11). C'est un fait indéniable qu'il existe un conflit irréductible d'intérêts entre ceux des travailleurs qui sont employés au tarif syndical et ceux qui restent sans emploi parce que l'imposition des tarifs syndicaux empêche l'offre et la demande de travail de trouver le prix approprié à leur équilibre. Il n'est pas moins vrai que les intérêts des travailleurs des pays comparativement surpeuplés et ceux des pays comparativement sous-peuplés sont antagonistes en matière de barrières aux migrations. L'affirmation que les intérêts de tous les prolétaires requièrent uniformément la substitution du socialisme au capitalisme, est un postulat arbitraire de Marx et des autres socialistes. Cela ne peut être prouvé en déclarant simplement que l'idée socialiste est l'émanation de la pensée prolétarienne et par conséquent certainement bénéfique pour les intérêts du prolétariat comme tel.

          Une interprétation en vogue des vicissitudes du commerce extérieur britannique, fondée sur les idées de Sismondi, Frederick List, Marx, et de l'École historique allemande, se présente de la manière suivante: dans la seconde partie du XVIIIe siècle et dans la majeure partie du XIXe siècle, les intérêts de classe de la bourgeoisie britannique réclamaient une politique de libre-échange. En conséquence, l'économie politique britannique élabora une doctrine de libre-échange, et les manufacturiers britanniques organisèrent un mouvement populaire qui réussit finalement à faire abolir les tarifs protecteurs. Puis par la suite les conditions changèrent. La bourgeoisie britannique ne pouvait plus désormais soutenir la concurrence des manufactures étrangères et avait grandement besoin de tarifs protecteurs. En conséquence, les économistes substituèrent une théorie de la protection à la désuète idéologie de libre-échange, et la Grande-Bretagne en revint au protectionnisme.

          La première erreur, dans cette interprétation, est de considérer la « bourgeoisie » comme une classe homogène composée de membres dont les intérêts sont identiques. Un homme d'affaires est toujours dans la nécessité d'ajuster la conduite de ses affaires aux données institutionnelles de son pays. Dans le long terme il n'est, en sa qualité d'entrepreneur et de capitaliste, ni favorisé ni gêné par les droits de douane ou par leur inexistence. Il se tournera vers la production des utilités qu'il peut fournir avec le meilleur profit dans l'état de choses donné. Ce qui peut léser ou avantager ses intérêts à court terme, c'est seulement qu'il y ait des changements dans le cadre institutionnel. Mais de tels changements n'affectent pas les diverses branches d'activité et les diverses entreprises, de la même façon et avec la même ampleur. Une mesure qui avantage telle branche ou entreprise peut nuire à d'autres branches ou entreprises. Ce qui compte pour un chef d'entreprise, c'est seulement un nombre limité d'articles du tarif douanier. Et relativement à ces articles les intérêts des diverses branches et firmes sont le plus généralement antagonistes.

 

Les intérêts de chaque branche ou firme peuvent être favorisés par toutes sortes de privilèges que lui confère le pouvoir. Mais si ces privilèges sont conférés dans la même mesure aux autres branches et firmes aussi, chaque chef d'entreprise perd d'un côté non seulement en tant que consommateur, mais aussi comme acheteur de matières premières, de produits semi-finis, de machines et autres équipements autant qu'il ç gagne d'autre côté. Les intérêts égoïstes de groupe peuvent inciter un homme à réclamer protection pour sa propre branche ou firme. Ces intérêts ne peuvent jamais le pousser à demander une protection universelle de toutes les branches et firmes, s'il n'est sûr d'être protégé davantage que les autres industries ou entreprises.

          Les manufacturiers britanniques n'étaient pas non plus, du point de vue de leurs préoccupations de classe, plus intéressés à l'abolition des droits sur les céréales, que les autres citoyens britanniques. Les propriétaires fonciers étaient opposés à l'abrogation des Corn Laws parce qu'une baisse du prix des produits agricoles réduisait la rente foncière. Un intérêt de classe particulier aux manufacturiers ne peut être prétendu exister que sur la base de la « loi d'airain des salaires » depuis longtemps reconnue sans valeur, et de la doctrine tout aussi insoutenable d'après laquelle les profits proviennent de l'exploitation des travailleurs.

          Dans un monde organisé sur la base de la division du travail, tout changement doit, d'une façon ou d'une autre, affecter les intérêts à court terme de nombreux groupes. II est, de ce fait, toujours aisé d'attaquer toute doctrine proposant de modifier les conditions existantes, comme un déguisement « idéologique » des intérêts égoïstes d'un certain groupe de gens. La principale occupation de beaucoup d'auteurs, de nos jours, consiste en de tels procès d'intentions. Marx n'a pas inventé le procédé; il était connu bien avant lui. Sa manifestation la plus curieuse fut l'essai auquel se livrèrent plusieurs écrivains du XVIIIe siècle, pour expliquer les confessions religieuses comme autant d'entreprises de tromperie montées par les prêtres afin d'acquérir pouvoir et richesses tant pour eux-mêmes que pour leurs alliés, les exploiteurs. Les marxistes adoptèrent cette vue en étiquetant la religion « opium pour les masses »(12). Il n'est jamais venu à l'esprit des partisans de ces idées, que là où il y a des intérêts égoïstes dans un sens, il doit nécessairement y en avoir en sens inverse. Ce n'est en aucune façon expliquer valablement un événement quel qu'il soit, que de dire qu'il avantageait une classe spéciale. La question à résoudre est de savoir pourquoi le reste de la population, dont il lésait les intérêts, n'a pas réussi à déjouer l'entreprise de ceux qu'il avantageait.

          Toute firme et toute branche d'activité sont, à court terme, intéressées à vendre davantage de ce qu'elles produisent. Dans le long terme, toutefois, prévaut une tendance à l'égalisation de la rentabilité des diverses branches de production. Si la demande des produits d'une branche augmente et y accroît les profits, davantage de capital y affluera et la concurrence des nouvelles entreprises y réduira les profits. La rentabilité n'est en aucune façon plus élevée dans la vente des articles socialement nuisibles, que dans celle des articles socialement bénéfiques. Si une certaine branche est légalement proscrite et que ceux qui s'y engagent risquent des poursuites, des amendes et des peines de prison, les profits bruts doivent être assez élevés pour compenser les risques encourus. Mais cela est sans conséquences sur le taux des profits nets.

          Les riches, les propriétaires d'établissements déjà en activité, n'ont pas d'intérêt de classe spécial dans le maintien de la libre concurrence. Ils sont contre la confiscation et l'expropriation de leurs fortunes, mais leurs situations acquises les inclinent plutôt en faveur de mesures empêchant des nouveaux venus de mettre en jeu leur position. Les gens qui combattent pour la libre entreprise et la libre concurrence ne défendent pas les intérêts de ceux qui sont riches aujourd'hui. Ils réclament les mains libres pour les inconnus qui seront les entrepreneurs de demain et dont l'esprit inventif rendra la vie des générations à venir plus agréable. Ils veulent que la voie reste ouverte à de nouvelles améliorations économiques. Ce sont les avocats du progrès économique.

          Le succès des idées de libre-échange au XIXe siècle a été assuré par les théories de l'économie classique. Le prestige de ces idées fut si grand que ceux dont elles gênaient les intérêts de classe égoïstes ne purent empêcher qu'elles fussent adoptées par l'opinion publique et mises en oeuvre par des mesures législatives. Ce sont les idées qui font l'histoire, et non l'histoire qui fait les idées.

          Il est inutile de discuter avec des mystiques et des visionnaires. Ils fondent leurs assertions sur l'intuition et ne consentent pas à les soumettre à l'examen rationnel. Les marxistes prétendent que ce que proclame leur voix intérieure est la révélation de l'Histoire par elle-même. Si d'autres gens n'entendent pas cette voix, cela prouve seulement qu'ils ne sont pas au nombre des élus. C'est insolence, de la part de ceux qui tâtonnent dans les ténèbres, que de contredire les inspirés. La décence devrait les inciter à ramper dans un coin et se taire.

          Cependant, la science ne peut s'abstenir de penser, quoi qu'il soit évident qu'elle ne parviendra jamais à convaincre ceux qui contestent la suprématie de la raison. La science doit souligner que l'appel à l'intuition ne peut régler la question de savoir quelle doctrine, d'entre plusieurs qui s'opposent, est correcte et quelles sont erronées. C'est un fait incontestable que le marxisme n'est pas la seule doctrine proposée de nos jours. Il y a d'autres « idéologies », en dehors du marxisme. Les marxistes affirment que la mise en pratique de ces autres doctrines lèserait les intérêts du grand nombre. Mais les partisans de ces dernières disent exactement la même chose du marxisme.

          Évidemment, les marxistes considèrent qu'une doctrine est mauvaise si le milieu de son auteur n'est pas prolétarien. Mais qui est prolétaire? Le docteur Marx, le manufacturier et « exploiteur » Engels, et Lénine, rejeton de la noblesse russe, n'étaient certes pas d'origine et de milieu prolétaire. Mais Hitler et Mussolini étaient d'authentiques prolétaires et avaient passé leur jeunesse dans la pauvreté. Le conflit entre bolcheviks et mencheviks ou celui entre Staline et Trotski ne peuvent pas être présentés comme des conflits de classe. Ce furent des conflits entre des sectes de fanatiques différentes, qui s'accusaient mutuellement de trahison.

          L'essence de la philosophie marxiste est ceci: nous sommes dans le vrai parce que nous sommes les porte-parole de la classe prolétarienne montante. Le raisonnement discursif ne peut invalider nos thèses, car elles sont inspirées par le suprême pouvoir qui détermine la destinée de l'humanité. Nos adversaires ont tort parce qu'il leur manque l'intuition qui guide nos esprits. Ce n'est, évidemment, pas leur faute si en raison de leur origine de classe ils ne sont pas pourvus de l'authentique logique prolétarienne et sont aveuglés par des idéologies. Les insondables décrets de l'histoire nous ont élus et les ont condamnés. L'avenir est à nous.
 

4 / Polylogisme racial

 

          Le polylogisme marxiste est un artifice avorté, pour le sauvetage des intenables doctrines du socialisme. Sa tentative de substituer l'intuition au raisonnement méthodique flatte les superstitions populaires. Mais c'est précisément cette attitude qui place le polylogisme marxiste et son rejeton – la prétendue « sociologie de la connaissance » en antagonisme irréconciliable avec la science et la raison.

          Le cas du polylogisme des racistes est différent. Cette sorte de polylogisme est en accord avec des tendances à la mode, bien qu'erronées, dans l'empirisme contemporain. C'est un fait établi, que le genre humain est divisé en races variées. Les races diffèrent par les caractères corporels. Les philosophes matérialistes affirment que les pensées sont une sécrétion du cerveau comme la bile est une sécrétion de la vésicule biliaire. Il serait illogique de leur part de rejeter a priori l'hypothèse que la sécrétion mentale des diverses races puisse différer en qualités essentielles. Le fait que l'anatomie n'a pas réussi jusqu'à maintenant à découvrir des différences anatomiques dans les cellules du cerveau des diverses races ne peut invalider la thèse d'une structure logique de l'esprit différant d'une race à une autre. Il n'exclut pas la supposition qu'une recherche future puisse découvrir de telles particularités anatomiques.

          Certains ethnologues nous disent que c'est une erreur de parler de civilisations supérieures et inférieures, et d'un prétendu caractère attardé des races étrangères. Les civilisations des diverses races sont différentes de la civilisation occidentale des peuples du tronc caucasien, elles ne lui sont pas inférieures. Chaque race a sa mentalité particulière. Il est fautif d'appliquer à la civilisation d'aucune d'entre elles, des critères tirés des réalisations des autres races. Les Occidentaux appellent la civilisation de la Chine civilisation stationnaire, et celle de la Nouvelle-Guinée barbarie primitive. Mais les Chinois et les aborigènes de la Nouvelle-Guinée ne méprisent pas moins notre civilisation que nous la leur. De telles estimations sont des jugements de valeur et donc arbitraires. Ces autres races ont une autre structure de l'esprit. Leurs civilisations sont adéquates à leur esprit comme notre civilisation l'est à notre esprit. Nous sommes incapables de comprendre que ce que nous qualifions d'attardé ne leur apparaît point tel. C'est, du point de vue de leur logique, une meilleure méthode que notre progressivisme pour parvenir à un arrangement satisfaisant avec les conditions naturelles données de la vie.

          Ces ethnologues ont raison de souligner que ce n'est pas l'affaire de l'historien – et l'ethnologue aussi est un historien – d'exprimer des jugements de valeur. Mais ils sont complètement dans l'erreur en soutenant que ces autres races ont été guidées dans leurs activités par des motifs autres que ceux qui ont fait agir la race blanche. Les Asiatiques et les Africains non moins que les peuples de souche européenne se sont efforcés de lutter avec succès pour survivre, et d'employer la raison comme l'arme par excellence dans un tel effort. Ils ont cherché à se débarrasser des bêtes de proie et de la maladie, de parer aux famines et d'accroître la productivité du travail. Il est indubitable que dans la poursuite de ces objectifs ils ont été moins efficaces que les Blancs. La preuve en est qu'ils s'empressent de profiter de toutes les réussites de l'Occident. Ces ethnologues auraient raison, si des Mongols ou des Africains, affligés par une maladie douloureuse, préféraient se passer des soins d'un médecin européen parce que leur mentalité ou leur conception du monde les faisait croire qu'il est meilleur de souffrir que d'être soulagé. Le mahatma Gandhi désavoua toute sa philosophie en entrant dans un hôpital moderne pour soigner une appendicite.

          Les Indiens d'Amérique du Nord n'avaient pas eu le sens pratique d'inventer la roue. Les habitants des Alpes ne furent pas assez malins pour façonner des skis qui eussent rendu beaucoup plus agréable leur rude existence. De telles contre-performances ne furent pas l'effet d'une mentalité différente de celle des races qui avaient depuis longtemps utilisé les roues et les skis; ce furent des insuffisances déplorables, même au jugement des Indiens et des montagnards alpins.

          Toutefois, ces considérations portent seulement sur les mobiles déterminant des actions définies, et non sur le seul problème qui importe en la matière, à savoir si oui ou non existe entre les diverses races une différence de structure de l'esprit. C'est là précisément ce qu'affirment les racistes(13).

          Nous pouvons nous reporter à ce qui a été dit aux chapitres précédents sur les problèmes fondamentaux de la structure logique de l'esprit et les principes catégoriels de la pensée et de l'action. Quelques observations complémentaires suffiront à porter le coup final au polylogisme racial et à n'importe quelle autre sorte de polylogisme.

          Les catégories du penser et de l'agir de l'homme ne sont ni des productions arbitraires de l'esprit humain, ni des conventions. Elles ne se situent pas hors de l'univers, ni hors du cours des événements cosmiques. Elles sont des faits biologiques et remplissent une fonction définie dans la vie et la réalité. Elles sont des instruments dans la lutte de l'homme pour l'existence, et dans ses efforts pour s'ajuster lui-même le mieux possible à l'état réel de l'univers, et pour écarter ce qui le gêne autant qu'il est en son pouvoir de le faire. Elles sont par conséquent appropriées à la structure du monde extérieur et reflètent les propriétés du monde et du réel. Elles sont efficaces, et dans ce sens elles sont vraies et valables.

          Il est par conséquent inexact de dire que l'intuition aprioriste et le raisonnement pur ne fournissent pas d'information quant à la réalité et à la structure de l'univers. Les relations logiques fondamentales, et les catégories de la pensée et de l'action sont la source ultime de toute connaissance humaine. Elles sont adéquates à la structure de la réalité, elles révèlent cette structure à l'esprit humain, et dans ce sens, elles sont pour l'homme des faits ontologiques de base(14). Nous ne savons pas ce qu'un intellect super-humain peut bien penser et comprendre. Pour l'homme, toute cognition est conditionnée par la structure de son esprit et impliquée dans cette structure. Ce sont précisément les résultats satisfaisants des sciences empiriques et leur application pratique qui rendent cette vérité évidente. Dans l'orbite à l'intérieur de laquelle l'action de l'homme est capable d'atteindre des buts qu'elle vise, il n'y a pas d'espace libre pour l'agnosticisme.

          S'il y avait eu des races qui eussent développé une structure logique de l'esprit différente, elles n'auraient pu se servir utilement de la raison comme instrument dans la lutte pour l'existence. Le seul moyen de survivre, qui eût pu les protéger contre l'extermination, aurait été le jeu de leurs réactions instinctives. La sélection naturelle aurait éliminé ceux d'entre les spécimens de telles races qui eussent tenté d'employer la raison pour diriger leur comportement. Seuls auraient survécu ceux qui s'en seraient rapportés à leurs seuls instincts. Cela signifie que seuls ceux-là auraient eu chance de survivre, qui ne se seraient pas haussés au-dessus du niveau mental des animaux.

          Les érudits de l'Occident ont amassé une quantité énorme de matériaux concernant les hautes civilisations de la Chine et de l'Inde, ainsi que sur les civilisations primitives des aborigènes asiatiques, américains, australiens et africains. Il n'est pas imprudent de dire que tout ce qui vaut la peine d'être connu des idées de ces races est connu. Mais jamais aucun partisan actif du polylogisme n'a tenté d'utiliser ces données pour une description de la logique prétendue différente de ces peuples et civilisations.
 

5 / Polylogisme et vision du monde

 

          Certains partisans des idées du marxisme et du racisme interprètent les thèses épistémologiques de leurs partis d'une manière particulière. Ils sont tout disposés à admettre que la structure logique de l'esprit est uniforme pour toutes les races, nations et classes. Le marxisme ou le racisme, déclarent-ils, n'ont jamais entendu nier cet indéniable fait. Ce qu'ils voulaient réellement dire est que l'appréciation historique, les affinités esthétiques et les jugements de valeur sont conditionnés par le milieu et l'origine d'un individu. Il est certain que cette interprétation ne peut être soutenue sur la base des écrits des champions du polylogisme. Néanmoins, il faut l'analyser comme une théorie indépendante.

          Il n'est pas besoin d'insister à nouveau sur le fait que les jugements de valeur d'un homme et le choix de ses objectifs reflètent ses caractères corporels innés et toutes les vicissitudes de sa vie(15). Mais il y a loin entre constater la réalité de ce fait et croire que l'hérédité raciale ou l'appartenance de classe déterminent les jugements de valeur et le choix des fins. Les dissemblances fondamentales dans la façon de voir le monde et dans les schémas de comportement ne correspondent pas aux différences de race, de nationalité, ou d'appartenance de classe.

          Il est difficile d'imaginer divergence plus grande des jugements de valeur, qu'entre des ascètes et des gens avides de jouir de la vie sans se faire de souci. Un abîme infranchissable sépare les dévots moines et nonnes du reste du genre humain. Mais il y a eu des gens pour se consacrer à l'idéal monastique parmi toutes les races, nations, classes et castes. Certains étaient fils ou filles de rois et de nobles fortunés, d'autres étaient des mendiants. Saint François, sainte Claire et leurs fervents disciples étaient nés en Italie, dont les autres habitants ne peuvent être décrits comme dégoûtés des biens temporels. Le puritanisme fut anglo-saxon, mais il en était de même de la lascivité des Britanniques sous les Tudor, les Stuart et les Hanovriens. Le plus célèbre champion de l'ascétisme au XIXe siècle fut le comte Léon Tolstoï, un riche membre de l'aristocratie russe au luxe extravagant. Tolstoï voyait la moelle de la philosophie qu'il attaquait, dans la Sonate à Kreutzer de Beethoven, ce chef-d'oeuvre d'un fils de très pauvres gens.

          Il en est de même des valeurs esthétiques. Toutes les races et nations ont eu à la fois un art classique et un art romantique. Malgré toute leur ardente propagande, les marxistes n'ont pas réussi à faire naître un art ou une littérature spécifiquement prolétariens. Les écrivains, peintres et musiciens « prolétariens » n'ont pas créé de styles nouveaux ni établi de nouvelles valeurs esthétiques. Ce qui les caractérise se ramène simplement à leur habitude d'appeler « bourgeois » tout ce qu'ils détestent et « prolétarien » tout ce qui leur plaît.

          L'appréciation historique, aussi bien de l'historien que de l'homme qui agit, reflète toujours la personnalité de son auteur(16). Mais si l'historien et le politicien sont animés par le désir du vrai, ils ne se laisseront jamais séduire par les préjugés de parti, à condition qu'ils soient à la hauteur de leur tâche. Il n'importe pas qu'un historien ou un politicien considère que l'intervention d'un certain facteur ait été bienfaisante ou nuisible. Il ne peut tirer aucun avantage de sous-évaluer ou de surévaluer l'influence de l'un des éléments opérants. Seuls de maladroits historiens amateurs s'imaginent pouvoir servir leur cause par une distorsion.

          Cela n'est pas moins vrai de l'entendement de l'homme d'État. À quoi servirait, pour un champion du protestantisme, de méconnaître l'énorme pouvoir et prestige du catholicisme, ou pour un libéral de méconnaître l'influence des idées socialistes? Afin de réussir un politicien doit voir les choses comme elles sont; quiconque se laisse aller à prendre ses désirs pour des réalités échouera certainement. Les jugements d'influence diffèrent des jugements de valeur en ce qu'ils visent à apprécier un état de choses d'une façon qui ne dépend pas de l'arbitraire de celui qui juge. Ces jugements sont colorés par la personnalité de leur auteur et par conséquent ils ne peuvent jamais être ratifiés unanimement par tout le monde. Mais ici encore on doit poser la question: quel avantage une race ou une classe pourrait-elle tirer d'une distorsion « idéologique » de l'appréciation?

          Comme il a déjà été souligné, les discordances importantes que l'on trouve dans les études historiques sont la conséquence de différences dans le domaine des sciences non historiques, et non de modes différents de l'entendement.

          Aujourd'hui, nombre d'historiens et d'écrivains sont imbus du dogme marxiste selon quoi la réalisation des projets socialistes est à la fois inévitable et le bien suprême, cependant que le mouvement ouvrier est chargé de la mission historique d'accomplir cette tâche en renversant par la violence le système capitaliste. Partant de cet axiome, ils estiment comme allant de soi que les partis de « gauche », les justes choisis, doivent dans la poursuite de leur politique recourir aux violences et au meurtre. Une révolution ne peut être accomplie par des méthodes pacifiques. C'est perdre son temps que de s'attarder sur le massacre des quatre filles du dernier tsar, de Léon Trotski, de dizaines de millions de bourgeois russes, etc. « On ne peut faire d'omelette sans casser des veufs »; pourquoi mentionner explicitement les veufs cassés? Mais bien sûr, c'est différent si l'un des assaillis se hasarde à se défendre ou même frappe en retour. Peu de gens font état des actes de sabotage, de destruction, de violence commis par des grévistes. Mais tous les auteurs s'étendent sur les essais des entrepreneurs pour protéger leurs biens et la subsistance de leurs employés et de leurs clients, contre de tels attentats.

          De telles dissonances ne sont dues ni à des jugements de valeur, ni à des différences d'entendement. Elles sont des conséquences de théories antagonistes sur l'évolution économique et historique. Si l'avènement du socialisme est inéluctable et ne peut être accompli que par des méthodes révolutionnaires, les meurtres commis par les « progressistes » sont des incidents mineurs sans signification. Mais l'auto-défense et les contre-attaques des « réactionnaires », qui peuvent éventuellement retarder la victoire finale du socialisme, sont de la plus grande importance. Ce sont des événements remarquables, alors que les actes révolutionnaires sont de la simple routine.
 

6 / Plaidoyer pour la raison

 

          Les rationalistes judicieux ne prétendent pas que la raison humaine puisse jamais rendre l'homme omniscient. Ils sont pleinement conscients du fait que, si fort que puisse s'accroître le savoir, il restera toujours quelque donné ultime, non susceptible d'élucidation plus poussée. Mais, disent-ils, dans toute la mesure où l'homme est capable d'atteindre la cognition, il doit s'appuyer sur la seule raison. Le donné ultime est l'irrationnel. Le connaissable est, dans toute la mesure où il est déjà connu, nécessairement rationnel. Il n'y a ni un mode irrationnel de cognition, ni une science de l'irrationalité.

          En ce qui concerne les problèmes non résolus, des hypothèses diverses sont légitimes à condition qu'elles ne contredisent pas la logique et les données d'expérience incontestables. Mais ce sont seulement des hypothèses.

          Nous ne savons pas ce qui cause les différences innées dans les talents humains. La science est sans voix pour expliquer pourquoi Newton et Mozart étaient remplis du génie créateur et pourquoi la plupart des gens ne le sont pas. Mais de toute façon c'est une réponse non satisfaisante de dire qu'un génie doit sa grandeur à ses ancêtres ou à sa race. La question est précisément pourquoi un tel homme diffère-t-il de ses frères et des autres membres de sa race?

          Il est un peu moins fautif d'attribuer les grandes réussites de la race blanche à une supériorité raciale. Encore n'est-ce rien de plus qu'une vague hypothèse, contredite par le fait que les fondements initiaux de la civilisation furent posés par des peuples d'autres races. Nous ne pouvons savoir si plus tard d'autres races supplanteront ou non la civilisation occidentale.

          Cependant, une telle hypothèse doit être appréciée sur ses mérites propres. Elle ne doit pas être rejetée de prime abord parce que les racistes fondent sur elle leur postulat qu'il y a un conflit irréconciliable entre les divers groupes raciaux, et que les races supérieures doivent asservir les inférieures. La loi d'association de Ricardo a depuis longtemps réfuté cette interprétation erronée de l'inégalité des hommes(17). Il est absurde de combattre l'hypothèse raciale en niant des faits évidents. Il est vain de nier que jusqu'à maintenant certaines races n'ont rien apporté ou très peu de chose au développement de la civilisation et peuvent, dans ce sens, être dites inférieures.

          Si quelqu'un voulait à tout prix distiller un grain de vérité dans les thèses de Marx, il pourrait dire que les émotions influent beaucoup sur les raisonnements de l'homme. Personne ne s'est jamais aventuré à nier ce fait évident, et le marxisme ne peut être crédité de sa découverte. Mais il est sans aucune portée pour l'épistémologie. Il y a de nombreuses sources de succès et d'erreur. C'est la tâche de la psychologie de les énumérer et de les classifier.

          L'envie est une faiblesse très répandue. Il est certain que beaucoup d'intellectuels envient les revenus plus élevés des hommes d'affaires prospères et que ces sentiments les poussent vers le socialisme. Ils croient que les autorités d'une collectivité socialiste leur paieraient de plus hauts salaires que ceux qu'ils peuvent gagner en régime capitaliste. Mais démontrer l'existence de cette envie ne dispense pas la science du devoir d'effectuer l'examen le plus soigneux des doctrines socialistes. Les savants sont tenus de traiter toute doctrine comme si ses partisans n'étaient inspirés par rien d'autre que la soif de connaissance. Les diverses sortes de polylogisme substituent à un examen purement théorique des doctrines adverses la dénonciation de l'origine et des motivations de leurs auteurs. Une telle procédure est incompatible avec les principes primordiaux du raisonnement systématique.

          C'est un pauvre artifice que de rejeter une théorie en se référant à son arrière-plan historique, à l'« esprit » de son temps, aux conditions matérielles du pays d'où elle vient, ou à quelque trait de caractère de ses auteurs. Une théorie relève uniquement du tribunal de la raison. Le critère à appliquer est toujours le critère de la raison. Une théorie est correcte ou incorrecte. Il peut se produire que l'état présent de nos connaissances ne permette pas de décider si elle est correcte ou non. Mais une théorie ne peut jamais être valide pour un bourgeois ou un Américain si elle ne l'est pas pour un prolétaire ou un Chinois.

          Si les marxistes et les racistes étaient dans le vrai, il serait impossible d'expliquer pourquoi les détenteurs du pouvoir tiennent à réduire au silence les théories divergentes et à persécuter leurs partisans. Le fait même qu'il y ait des gouvernements intolérants et des partis politiques résolus à mettre hors la loi et exterminer les opposants, est une preuve de l'excellence de la raison. Ce n'est pas une preuve conclusive de l'exactitude d'une doctrine, que ses adversaires recourent à la police, au bourreau, et aux violences des foules pour la combattre. Mais cela dénote que ceux qui recourent à l'oppression et à la violence sont, dans leur subconscient, convaincus que leurs propres doctrines sont insoutenables.

          Il est impossible de démontrer la validité des fondements a priori de la logique et de la praxéologie sans se référer à ces fondements mêmes. La raison est un donné ultime et ne peut être analysée ou mise en question par elle-même. L'existence même de la raison humaine est un fait non rationnel. La seule proposition qui puisse être affirmée, s'agissant de la raison, est qu'elle est la marque distinctive de l'homme par rapport aux animaux, et qu'elle a produit à peu près tout ce qui est spécifiquement humain.

          À ceux qui prétendent que l'homme serait plus heureux s'il en venait à renoncer à l'usage de la raison, et s'il essayait de se laisser guider uniquement par l'intuition et les instincts, nulle autre réponse ne peut être donnée qu'une analyse des réalisations de la société humaine. En décrivant la genèse et le fonctionnement de la coopération sociale, l'économie fournit tout ce qu'il faut d'information pour décider en dernier ressort entre la raison et l'absence de raison. Si l'homme envisage après coup de se débarrasser de la suprématie de la raison, il faut qu'il sache ce à quoi il devra renoncer.

 

¤ On retrouve ce chapitre ainsi que le livre dans leur version anglaise, sur le site du Mises Institute.
1. Voir, par exemple, Louis Rougier, Les paralogismes du rationalisme, Paris, 1920.

2. Voir Joseph Dietzgen, Briefe über Logik, speziell demokratisch-proletarische Logik, 2e éd., Stuttgart, 1903, p. 112.

3. Voir Franz Oppenheimer, System der Soziologie, Iéna, 1926, II, p. 559.

4. Il faut souligner que la justification de la démocratie ne se fonde pas sur la supposition que les majorités ont toujours raison, et encore moins qu'elles sont infaillibles. Voir pp. 158 à 160.

5. Voir son discours au Congrès du Parti à Nuremberg, le 3 septembre 1933 (Frankfurter Zeitung, 4 septembre 1933, p. 2).

6. Voir Lancelot Hogben, Science for the Citizen, New York, 1938, pp. 726 à 728.
7. Ibid., p. 726.
8. Bien que le terme de rationalisation soit nouveau, la chose même était connue depuis longtemps. Voir par exemple les mots de Benjamin Franklin: « C'est une chose si utile que d'être une créature raisonnable, puisque cela vous permet de trouver ou fabriquer une raison pour toute chose que l'on a l'intention de faire », Autobiography, éd. New York, 1944, p. 41.

9. « Le moulin à bras vous donnera la société avec le suzerain; le moulin à vapeur, la société avec le capitaliste industriel », K. Marx, Misère de la philosophie, Paris et Bruxelles, 1847, p. 100.

10. K. Marx, Das Kapital, 7e éd., Hamburg, 1914, I, 728-729.

11. Le Manifeste communiste, I.

12. La signification que le marxisme contemporain attache à cette expression – à savoir que la drogue religieuse a été intentionnellement administrée au peuple, peut avoir aussi été celle de Marx lui-même. Mais cela n'est pas impliqué par le passage dans lequel – en 1843 – Marx a forgé l'expression.
Voir R. P. Casey, Religion in Russia, New York, 1946, pp. 67 à 69.
13. Voir L. G. Tirala, Rasse, Geist und Seele, Munich, 1935, pp. 190 et suiv.
14.
Voir Morris R. Cohen, Reason and Nature, New York, 1931, pp. 202 à 205; A Preface to Logic, New York, 1944, pp. 42 à 44, 54 à 56, 92, 180 à 187.
15. Voir pp. 51 et 52.
16. Voir pp. 62 à 63.

17. Voir pp. 166 à 171.

 

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Article originellement publié par le Québéquois Libre ici

 

 

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Ludwig von Mises (1881 - 1973) est un économiste majeur de l'école autrichienne d'économie. Il expose dans son magnum opus, L'Action humaine, les positions épistémologiques et méthodologiques qui caractérisent l'école autrichienne : conception subjective de la valeur, individualisme méthodologique et praxéologie. Son nom reste également attaché à la critique théorique du socialisme, que Mises considère voué irrémédiablement à l'échec en raison de l'absence des mécanismes de fixation des prix par le marché. Friedrich Hayek, Murray Rothbard et Israel Kirzner comptent parmi ses élèves les plus éminents.
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