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Ouvrage majeur de Ludwig von Mises, L'action
humaine – Traité d'économie, a
été publié en 1949 en anglais par les presses de
l'Université de Yale sous le titre Human Action: A Treatise on
Economics. Il s'agissait alors d'une édition largement
remaniée d'une première mouture en allemand, Nationalökonomie:
Theorie des Handels und Wirtschaftens, publiée en 1940 à
Genève.
Comme
l'écrivait Pierre Desrochers, ailleurs
dans le QL: « Bien que L'action humaine
soit l'un des plus implacables réquisitoires contre
l'interventionnisme étatique, son auteur ne traite à peu
près pas de l'actualité politique de la fin des années
1940, ou sinon d'une façon universelle [...] L'action humaine
est en fait bien davantage une tentative de remettre l'analyse
économique sur des bases épistémologiques radicalement
différentes de celles que l'on connaît aujourd'hui, car près
des deux tiers du livre traitent des fondements théoriques et des
applications de la science économique... » Afin de
souligner le 125e anniversaire de naissance de Mises (qui avait lieu le 29
septembre dernier), nous publions ici un chapitre.
Première partie
– « L'Agir humain »
• Chapitre III – « L'économie et la
révolte contre la raison »
1 /
La révolte contre la raison
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Il est vrai que certains philosophes ont été enclins à
surestimer le pouvoir de la raison humaine. Ils croyaient que l'homme peut
découvrir par le raisonnement méthodique les causes finales des
événements cosmiques, les fins immanentes que vise la Cause
première en créant l'univers et en déterminant le cours
de son évolution. Ils discouraient, hors de leur objet, à
propos de « l'Absolu » comme si c'eut été leur
montre de poche. Ils n'hésitaient pas à proclamer des valeurs
absolues éternelles et à dresser des codes moraux
impératifs pour tous les hommes.
Ensuite il y eut la
longue lignée des écrivains utopistes. Ils dessinèrent
les plans d'un paradis terrestre, dans lequel la seule et pure raison régnerait.
Ils ne se rendaient pas compte que ce qu'ils appelaient raison absolue et
vérité manifeste n'était que l'imagination de leur
propre esprit. Ils s'arrogeaient sereinement l'infaillibilité et
préconisèrent maintes fois l'intolérance, l'oppression violente
de tous les contradicteurs et hérétiques. Ils voulaient arriver
à une dictature soit pour eux-mêmes soit pour des hommes qui
mettraient exactement à exécution leurs plans. Il n'y avait,
à leur avis, pas d'autre salut pour l'humanité souffrante.
Il y eut Hegel.
C'était un penseur profond et ses écrits sont un trésor
d'idées stimulantes. Mais il oeuvrait sous l'emprise d'une illusion
celle que l'Esprit (Geist), l'Absolu se révélait
à travers ses paroles. Rien dans l'univers n'était caché
pour Hegel. Le malheur était que son langage fût si ambigu qu'on
pouvait l'interpréter de diverses manières. Les
hégéliens de droite l'interprétaient comme une
adhésion au système prussien de gouvernement autocratique et
aux dogmes de l'Église de Prusse. Les hégéliens de
gauche y lisaient l'athéisme, l'extrémisme
révolutionnaire intransigeant, et des doctrines anarchisantes.
Il y eut Auguste
Comte. Il savait avec précision ce que l'avenir réserve au
genre humain. Et naturellement, il se considérait comme le
législateur suprême. Par exemple, il estimait que certaines
recherches astronomiques étaient sans utilité et voulait
qu'elles fussent prohibées. Il projetait de remplacer le christianisme
par une nouvelle religion, et choisit une dame qui dans cette nouvelle
église était destinée à remplacer la Vierge.
Comte peut être déclaré non coupable, car il était
fou au sens entier où la pathologie emploie ce terme. Mais que dire de
ses adeptes?
Bien d'autres faits du
même ordre pourraient être évoqués. Mais ce ne sont
pas des arguments que l'on puisse opposer à la raison, au
rationalisme, ni à la rationalité. Ces rêveries n'ont
absolument rien à voir avec la question de savoir si, oui ou non, la
raison est le seul instrument disponible pour l'homme dans ses efforts pour
atteindre tout le savoir qui lui est accessible. Les hommes qui cherchent la
vérité honnêtement et consciencieusement n'ont jamais
prétendu que la raison et la recherche scientifique soient capables de
répondre à toutes les questions. Ils étaient pleinement
conscients des limitations imposées à l'esprit humain. L'on ne
saurait leur imputer la responsabilité des balourdises de la
philosophie de Haeckel ni du simplisme des diverses écoles matérialistes.
Les philosophes rationalistes
eux-mêmes ont toujours veillé à montrer les bornes
à la fois de la théorie aprioriste et de la recherche empirique(1). Le premier représentant de l'économie
politique britannique, David Hume, les utilitariens, et les pragmatistes
américains ne sont certes pas coupables d'avoir exagéré
la capacité de l'homme d'atteindre la vérité. Il serait
plus plausible de reprocher à la philosophie des deux cents
dernières années un excès d'agnosticisme et de
scepticisme qu'un excès de confiance dans ce que peut réaliser
l'esprit humain.
La révolte
contre la raison, qui est l'attitude mentale caractéristique de notre
temps, n'a pas eu pour cause un manque de modestie, de prudence et
d'autocritique de la part des philosophes. Pas davantage n'a-t-elle
été due à des échecs dans le développement
de la science naturelle moderne. Les stupéfiantes réussites de
la technologie et de la thérapeutique parlent un langage que nul ne
peut ignorer. Il est sans espoir d'attaquer la science moderne, que ce soit
sous l'angle de l'intuitionnisme et du mysticisme, ou de quelque autre point
de vue. La révolte contre la raison a pris une autre cible. Elle ne
visait pas la science naturelle, mais l'économie. L'attaque contre les
sciences naturelles n'a été que la conséquence
logiquement nécessaire de l'attaque contre l'économie. L'on ne
pouvait se permettre de détrôner la raison dans un domaine
seulement, et de ne pas la mettre en question aussi dans les autres champs du
savoir.
Le grand
bouleversement a été engendré par la situation
historique qui existait au milieu du XIXe siècle. Les
économistes avaient entièrement démoli les illusions
fantastiques des utopistes socialistes. Les déficiences du
système classique les empêchèrent de saisir pourquoi tout
plan socialiste quelconque est nécessairement irréalisable;
mais ils en savaient assez pour démontrer la futilité de tous
les projets socialistes formulés jusqu'à leur époque.
Les idées communistes n'avaient plus aucun crédit. Les
socialistes étaient incapables d'opposer une objection quelconque aux
critiques qui pulvérisaient leurs programmes visionnaires ou d'avancer
quelque argument à leur appui. Il semblait que le socialisme fût
mort pour toujours.
Une voie seulement
pouvait mener les socialistes hors de cette impasse. Ils pouvaient attaquer
la logique et la raison, et substituer l'intuition mystique au raisonnement.
Ce fut le rôle historique de Karl Marx que de proposer cette solution.
Partant du mysticisme dialectique de Hegel, il s'arrogea sereinement pour
lui-même la capacité de prédire l'avenir. Hegel
prétendait savoir que l'Esprit, en créant l'univers, entendait
amener la monarchie de Frédéric Guillaume III. Mais Marx
était mieux informé des plans de l'Esprit. Il savait que la
Cause finale de l'évolution historique était l'avènement
du millenium socialiste. Le socialisme est destiné à venir
« avec l'inexorabilité d'une loi de nature ». Et
comme, selon Hegel, chaque stade dernier venu de l'histoire est un stade
supérieur et meilleur, il ne pouvait y avoir de doute que le
socialisme, stade ultime et final de l'évolution du genre humain,
serait parfait à tous les points de vue. Il est par conséquent
inutile de discuter des détails du fonctionnement d'une Cité
socialiste. L'Histoire, au moment voulu, réglera tout pour le mieux.
Elle n'a que faire de l'avis des hommes mortels.
Il restait encore le
principal obstacle à surmonter: la critique dévastatrice des
économistes. Marx avait une solution toute prête. La raison de
l'homme, affirma-t-il, est congénitalement inapte à trouver la
vérité. La structure logique de l'esprit est différente
selon les classes sociales diverses. Il n'existe pas de logique
universellement valable. Ce que l'esprit produit ne peut être autre
chose qu'une « idéologie », c'est-à-dire
dans la terminologie marxiste, un ensemble d'idées déguisant
les intérêts égoïstes de la classe sociale à
laquelle appartient celui qui pense. Donc, l'esprit « bourgeois »
des économistes est entièrement incapable de produire plus
qu'une apologie du capitalisme. Les enseignements de la science «
bourgeoise », rejetons de la logique
« bourgeoise », ne sont d'aucune utilité pour
les prolétaires, la classe montante destinée à abolir
toutes classes et à convertir la terre en un jardin d'Eden.
Mais, bien sûr,
la logique des prolétaires n'est pas seulement une logique de classe.
« Les idées de la logique prolétarienne ne sont pas
des idées de partis, mais l'émanation de la logique pure et
simple »(2). De plus, en vertu d'un
privilège spécial, la logique de certains bourgeois élus
n'est pas entachée du péché originel d'être
bourgeoise. Karl Marx, le fils d'un juriste aisé, marié
à la fille d'un noble prussien, et son collaborateur Frederik Engels,
un riche industriel du textile, n'ont jamais douté qu'ils fussent
eux-mêmes au-dessus de la loi et que, malgré leur arrière-plan
bourgeois, ils fussent dotés du pouvoir de découvrir la
vérité absolue.
C'est la tâche
de l'histoire de décrire les conditions historiques qui ont rendu
populaire une doctrine aussi rudimentaire. L'économie a une autre
tâche. Elle doit analyser tant le polylogisme marxiste que les autres
espèces de polylogisme formées sur son modèle, et
montrer leurs erreurs et contradictions.
2 /
L'aspect logique du polylogisme
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Le polylogisme marxiste affirme que la structure logique de l'esprit est
différente entre membres de classes sociales différentes. Le
polylogisme racial diffère du marxiste seulement en ceci, qu'il
assigne à chaque race une structure logique particulière de son
esprit, et soutient que tous les membres d'une même race, quelle que
puisse être leur appartenance de classe, sont dotés de cette
structure logique particulière.
Il n'est pas besoin
d'entrer ici dans une critique des concepts de classe sociale et de race
tels qu'employés par ces doctrines. Il n'est pas nécessaire de
demander aux marxistes quand et comment un prolétaire qui parvient
à rejoindre les rangs de la bourgeoisie change son esprit
prolétarien en un esprit bourgeois. Il est superflu de demander aux
racistes d'expliquer quelle sorte de logique est propre aux gens qui ne sont
pas de race pure. Des objections beaucoup plus sérieuses doivent
être soulevées.
Ni les marxistes, ni
les racistes ni les adeptes d'aucune autre branche du polylogisme ne sont
jamais allés plus loin que de déclarer que la structure logique
de l'esprit est différente selon les classes, ou les races, ou les
nations. Ils ne se sont jamais aventurés à démontrer
précisément en quoi la logique des prolétaires
diffère de la logique des bourgeois, ou en quoi la logique des Aryens
diffère de la logique des non-Aryens, ou la logique des Allemands de
la logique des Français ou des Anglais. Aux yeux des marxistes la
théorie ricardienne des coûts comparés est sans valeur
parce que Ricardo était un bourgeois. Les racistes allemands
condamnent la même théorie parce que Ricardo était juif,
et les nationalistes allemands parce qu'il était Anglais. Quelques
professeurs allemands ont avancé simultanément ces trois
arguments contre la validité des enseignements de Ricardo.
Néanmoins, il ne suffit pas de rejeter en bloc une théorie en
démasquant l'arrière-plan de son auteur. Ce qu'il faut c'est
d'abord exposer un système de logique différent de celui
qu'emploie l'auteur critiqué. Puis il serait nécessaire
d'examiner la théorie contestée, point par point, et de montrer
à quel endroit du raisonnement des déductions sont
opérées qui – bien que correctes du point de vue de la
logique de l'auteur – ne sont pas valables du point de vue de la
logique prolétarienne, ou aryenne, ou germanique. Et finalement, il
devrait être expliqué à quelle sorte de conclusions doit
conduire le remplacement des déductions fautives de l'auteur, par des
déductions correctes d'après la logique de celui qui le
critique. Comme chacun sait, cela n'a jamais et ne pourra jamais être
tenté par qui que ce soit.
Puis il y a le fait
qu'il existe des désaccords sur des problèmes essentiels, parmi
des gens appartenant à la même classe, race ou nation.
Malheureusement, disent les nazis, il y a des Allemands qui ne pensent pas
d'une façon correctement allemande. Mais si un Allemand ne pense pas
nécessairement toujours comme il le devrait, s'il peut arriver qu'il
pense à la manière d'un homme équipé d'une
logique non germanique, qui va décider quelles sont les idées
d'Allemands vraiment germaniques et lesquelles sont non germaniques? Feu le
Pr Oppenheimer dit que « L'individu se trompe souvent en veillant
à ses intérêts; une classe ne se trompe jamais sur le
long terme »(3). Cela suggérerait
l'infaillibilité d'un vote majoritaire. Néanmoins, les nazis
ont rejeté la décision par vote majoritaire comme manifestement
non allemande. Les marxistes rendent un hommage verbal au principe
démocratique du vote à la majorité(4).
Mais chaque fois qu'il s'agit d'en faire usage pour décider, ils se
prononcent pour la loi de la minorité pourvu que ce soit la loi de
leur propre parti. Rappelons-nous comment Lénine a dispersé par
la force l'Assemblée constituante, élue sous les auspices de
son propre gouvernement au suffrage des adultes, parce qu'un cinquième
seulement de ses membres étaient des bolcheviks.
Un partisan
conséquent du polylogisme aurait à soutenir que des idées
sont correctes parce que leur auteur est membre de la classe, nation, ou race
appropriée. Mais la cohérence n'est pas un de leurs points
forts. Ainsi, les marxistes sont prêts à décerner le
qualificatif de « penseur prolétarien » à quiconque
soutient une doctrine qu'ils approuvent. Tous les autres, ils les
disqualifient soit comme ennemis de classe, soit comme
« social-traîtres ». Hitler eut même la
franchise d'admettre que la seule méthode dont il disposait pour trier
les vrais Allemands d'entre les bâtards et les étrangers,
consistait à énoncer un programme authentiquement allemand et
à voir qui était prêt à appuyer ce programme(5). Un homme brun dont les caractères physiques ne répondaient
en rien au prototype de la race maîtresse des Aryens blonds,
s'arrogeait le don de découvrir la seule doctrine adéquate
à l'esprit germanique, et de chasser des rangs des Allemands tous ceux
qui n'acceptaient pas cette doctrine, quelles que puissent être leurs
caractéristiques physiques. Il n'est pas besoin d'autre preuve pour
démontrer l'insincérité de la doctrine tout
entière.
3 /
L'aspect praxéologique du polylogisme
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Une idéologie, au sens marxiste de ce terme, est une doctrine qui,
bien qu'erronée du point de vue de la correcte logique des
prolétaires, est profitable aux intérêts
égoïstes de la classe qui l'a élaborée. Une
idéologie est objectivement viciée, mais elle sert les
intérêts de la classe du penseur, précisément en
fonction de son vice. Beaucoup de marxistes croient avoir prouvé cette
affirmation en soulignant que les gens n'ont pas soif de connaissance pour
l'amour de la connaissance seule. Le but du savant est d'ouvrir la voie pour
une action qui réussisse. Les théories sont toujours
élaborées en vue d'une application pratique. La pure science et
la recherche désintéressée de la vérité,
cela n'existe pas.
Pour la clarté
de la discussion, nous pouvons admettre que tout effort pour atteindre la
vérité est motivé par des considérations
d'utilisation pratique dans la poursuite de quelque objectif. Mais ce n'est
pas une réponse à la question de savoir pourquoi une
théorie « idéologique » –
c'est-à-dire fausse – serait capable de rendre service, mieux
qu'une théorie correcte. Le fait que l'application pratique d'une
théorie ait effectivement les résultats prédits sur la
base de cette théorie, est universellement considéré
comme une confirmation de sa qualité de théorie correcte. Il
est paradoxal d'affirmer qu'une théorie viciée puisse
être, d'aucun point de vue, plus utile qu'une correcte.
Les hommes emploient
des armes à feu. Afin d'améliorer ces armes ils ont
élaboré la science de la balistique; mais bien entendu –
précisément parce qu'ils désiraient chasser du gibier et
se tuer les uns les autres une balistique correcte. Une balistique simplement
« idéologique » n'aurait eu aucune
utilité.
Pour les marxistes,
l'idée que les savants travaillent pour la connaissance seule est une
« comédie effrontée » des savants. Ils
déclarent ainsi que Maxwell a été conduit à sa
théorie des ondes électromagnétiques, parce que les
hommes d'affaires mouraient d'envie de télégraphes sans fils(6). Il n'importe nullement, pour le problème de
l'idéologie, que cela soit vrai ou faux. La question est de savoir si
le fait allégué, que les industriels du XIXe siècle
considéraient la télégraphie sans fil comme
« la pierre philosophale et l'élixir de
jouvence »(7), obligea Maxwell à formuler
une théorie correcte, ou une superstructure idéologique des
égoïstes intérêts de classe de la bourgeoisie. Il
est hors de doute que la recherche bactériologique a été
inspirée non seulement par le désir de combattre les maladies
infectieuses, mais encore par le désir des producteurs de vin et de
fromage d'améliorer leurs méthodes de production. Mais le
résultat obtenu n'a certainement pas été «
idéologique » au sens marxiste.
Ce qui a conduit Marx
à inventer sa doctrine des idéologies fut le désir de
saper le prestige de la science économique. Il était pleinement
conscient de l'incapacité où il était de réfuter
les objections soulevées par les économistes, quant à la
praticabilité des plans socialistes. En fait, il était si
fasciné par le système théorique de l'économie
classique britannique qu'il le croyait fermement inexpugnable. Ou bien il
n'avait jamais eu connaissance des doutes que la théorie classique de
la valeur éveillait dans l'esprit de savants judicieux, ou bien s'il
en avait entendu parler, il n'en avait pas compris le poids. Ses propres
idées économiques n'étaient guère davantage
qu'une version confuse de celles de Ricardo. Quand Jevons et Menger
inaugurèrent une nouvelle ère de la pensée
économique, sa carrière d'écrivain économique
était déjà terminée; le premier volume de Das
Kapital avait déjà été publié depuis
plusieurs années. La seule réaction de Marx à la théorie
marginale de la valeur fut qu'il différa la publication des volumes
suivants de son principal traité. Ils n'ont été mis
à la disposition du public qu'après sa mort.
En développant
sa doctrine de l'idéologie, Marx vise exclusivement l'économie
et la philosophie sociale de l'utilitarisme. Sa seule intention était
de détruire la réputation d'enseignements économiques
qu'il était impuissant à réfuter par la voie de la
logique et du raisonnement systématique. Il donna à sa doctrine
la forme d'une loi universelle valable pour la totalité de
l'ère historique des classes sociales, parce qu'un
énoncé qui s'applique uniquement à un fait historique
déterminé ne pourrait être considéré comme
une loi. Pour les mêmes raisons, il ne restreignit pas la validité
de sa doctrine à la seule pensée économique, mais
l'étendit à toutes les branches du savoir.
Le service que
l'économie bourgeoise rendait à la bourgeoisie était
double, aux yeux de Marx. Elle avait aidé les bourgeois d'abord dans
leur lutte contre la féodalité et le despotisme royal, et par
la suite elle les aidait de nouveau dans leur lutte contre la classe montante
des prolétaires. Elle fournissait une justification rationnelle et
morale à l'exploitation capitaliste. Elle constituait, si nous voulons
user d'une notion élaborée après la mort de Marx, une
rationalisation des prétentions des capitalistes(8).
Les capitalistes, honteux dans leur subconscient de l'avidité mesquine
motivant leur conduite et vivement désireux d'éviter la
désapprobation sociale, encouragèrent leurs flatteurs parasites
– les économistes – à répandre des doctrines
qui les pourraient réhabiliter dans l'opinion publique.
Or, recourir à
la notion de rationalisation fournit une description psychologique des
mobiles qui ont incité un homme ou un groupe d'hommes à
formuler un théorème ou une théorie entière. Mais
cela n'affirme rien quant à la validité ou la
non-validité de la théorie proposée. S'il est
prouvé que la théorie en question est insoutenable, la notion
de rationalisation est une interprétation psychologique des causes qui
ont induit ses auteurs en erreur. Mais si nous ne sommes pas en mesure de
trouver une faute quelconque dans la théorie avancée, aucun
recours au concept de rationalisation ne peut l'invalider de quelque
manière que ce soit. S'il était vrai que les économistes
n'avaient dans leur subconscient aucun autre dessein que de justifier les
injustes prétentions des capitalistes, leurs théories
pourraient néanmoins être absolument correctes. Il n'y a pas de
moyen de démasquer une théorie fausse, autre que de la
réfuter par le raisonnement discursif et de lui substituer une théorie
meilleure. Lorsque nous étudions le théorème de
Pythagore, ou la théorie des coûts relatifs, nous n'avons aucun
intérêt pour les facteurs psychologiques qui ont poussé
Pythagore et Ricardo à construire ces théorèmes, bien
que cela puisse être d'importance pour l'historien et le biographe.
Pour la science, la seule question pertinente est de savoir si, oui ou non,
ces théorèmes peuvent soutenir l'épreuve de l'examen
rationnel. L'arrière-plan social ou racial de leur auteur est en
dehors du sujet.
C'est un fait que dans
la poursuite de leurs intérêts égoïstes les gens
tentent d'utiliser des doctrines plus ou moins universellement
acceptées de l'opinion publique. En outre, ils cherchent à
inventer et propager des doctrines dont ils pourraient tirer parti pour leurs
intérêts propres. Mais ceci n'explique pas pourquoi de telles
doctrines, favorisant les intérêts d'une minorité et
contraires aux intérêts du reste du peuple, sont adoptées
par l'opinion publique. Il n'importe pas que de telles doctrines «
idéologiques » soient le produit d'une « fausse
conscience » qui forcerait l'homme à penser, sans le
savoir, dans un sens qui serve les intérêts de sa classe, ou
qu'elles soient le produit d'une distorsion intentionnelle de la
vérité: elles doivent affronter les idéologies des
autres classes et essayer de les supplanter. Alors émerge une
rivalité entre les idéologies antagonistes. Les marxistes
expliquent la victoire et la défaite, dans de tels conflits, comme le
résultat de l'intervention d'une providence historique. L'Esprit, le
mythique Premier Moteur, opère suivant un plan défini. Il
conduit l'humanité, à travers divers stades
préliminaires, jusqu'à la béatitude finale du
socialisme. Chaque stade est le produit d'un certain état de la technologie;
toutes ses autres caractéristiques sont la superstructure
idéologique nécessaire de cet état de la technologie.
L'Esprit fait en sorte que l'homme invente en temps voulu les idées
technologiques adéquates au stade dans lequel il vit, et qu'il les
fasse passer dans la réalité. Tout le reste est une excroissance
de l'état de la technologie. Le moulin à bras a fait la
société féodale; le moulin à vapeur a fait le
capitalisme(9). La volonté humaine et la raison
jouent seulement un rôle ancillaire dans ces changements. La loi
inexorable du développement historique force les hommes –
indépendamment de leur volonté – à penser et
à se comporter selon les schémas correspondant à la base
matérielle de leur époque. Les hommes s'illusionnent en croyant
qu'ils sont libres de choisir entre des idées diverses et entre ce
qu'ils appellent vérité et erreur. Par eux-mêmes ils ne
pensent pas; c'est la providence historique qui se manifeste dans leurs
pensées.
Ceci est une doctrine
purement mystique. La seule preuve offerte à l'appui est la
référence à la dialectique hégélienne. La
propriété privée capitaliste est la première
négation de la propriété privée individuelle.
Elle engendre, avec l'inexorabilité d'une loi de nature, sa propre
négation, à savoir la propriété commune des
moyens de production) (10). Toutefois, une doctrine
mystique fondée sur l'intuition ne perd point son mysticisme en
faisant appel à une autre doctrine non moins mystique. Cet artifice ne
répond en aucune façon à la question: pourquoi un
penseur doit-il nécessairement élaborer une idéologie en
accord avec les intérêts de sa classe? Afin de pousser plus loin
la discussion, admettons que les pensées d'un homme doivent aboutir
à des doctrines avantageant ses intérêts. Mais les
intérêts d'un homme sont-ils nécessairement identiques
à ceux de l'ensemble de sa classe? Marx lui-même dut admettre
que l'organisation des prolétaires en une classe, et par suite en un
parti politique, est continuellement contrariée par la concurrence
entre les travailleurs eux-mêmes(11). C'est un fait
indéniable qu'il existe un conflit irréductible
d'intérêts entre ceux des travailleurs qui sont employés
au tarif syndical et ceux qui restent sans emploi parce que l'imposition des
tarifs syndicaux empêche l'offre et la demande de travail de trouver le
prix approprié à leur équilibre. Il n'est pas moins vrai
que les intérêts des travailleurs des pays comparativement
surpeuplés et ceux des pays comparativement sous-peuplés sont
antagonistes en matière de barrières aux migrations.
L'affirmation que les intérêts de tous les prolétaires
requièrent uniformément la substitution du socialisme au
capitalisme, est un postulat arbitraire de Marx et des autres socialistes.
Cela ne peut être prouvé en déclarant simplement que
l'idée socialiste est l'émanation de la pensée prolétarienne
et par conséquent certainement bénéfique pour les
intérêts du prolétariat comme tel.
Une
interprétation en vogue des vicissitudes du commerce extérieur
britannique, fondée sur les idées de Sismondi, Frederick List,
Marx, et de l'École historique allemande, se présente de la
manière suivante: dans la seconde partie du XVIIIe siècle et
dans la majeure partie du XIXe siècle, les intérêts de
classe de la bourgeoisie britannique réclamaient une politique de
libre-échange. En conséquence, l'économie politique
britannique élabora une doctrine de libre-échange, et les
manufacturiers britanniques organisèrent un mouvement populaire qui
réussit finalement à faire abolir les tarifs protecteurs. Puis
par la suite les conditions changèrent. La bourgeoisie britannique ne
pouvait plus désormais soutenir la concurrence des manufactures
étrangères et avait grandement besoin de tarifs protecteurs. En
conséquence, les économistes substituèrent une
théorie de la protection à la désuète idéologie
de libre-échange, et la Grande-Bretagne en revint au protectionnisme.
La première
erreur, dans cette interprétation, est de considérer la «
bourgeoisie » comme une classe homogène composée de
membres dont les intérêts sont identiques. Un homme d'affaires
est toujours dans la nécessité d'ajuster la conduite de ses
affaires aux données institutionnelles de son pays. Dans le long terme
il n'est, en sa qualité d'entrepreneur et de capitaliste, ni
favorisé ni gêné par les droits de douane ou par leur
inexistence. Il se tournera vers la production des utilités qu'il peut
fournir avec le meilleur profit dans l'état de choses donné. Ce
qui peut léser ou avantager ses intérêts à court
terme, c'est seulement qu'il y ait des changements dans le cadre
institutionnel. Mais de tels changements n'affectent pas les diverses
branches d'activité et les diverses entreprises, de la même
façon et avec la même ampleur. Une mesure qui avantage telle
branche ou entreprise peut nuire à d'autres branches ou entreprises.
Ce qui compte pour un chef d'entreprise, c'est seulement un nombre
limité d'articles du tarif douanier. Et relativement à ces
articles les intérêts des diverses branches et firmes sont le
plus généralement antagonistes.
Les
intérêts de chaque branche ou firme peuvent être
favorisés par toutes sortes de privilèges que lui
confère le pouvoir. Mais si ces privilèges sont
conférés dans la même mesure aux autres branches et
firmes aussi, chaque chef d'entreprise perd d'un côté non
seulement en tant que consommateur, mais aussi comme acheteur de
matières premières, de produits semi-finis, de machines et
autres équipements autant qu'il ç gagne d'autre
côté. Les intérêts égoïstes de groupe
peuvent inciter un homme à réclamer protection pour sa propre
branche ou firme. Ces intérêts ne peuvent jamais le pousser
à demander une protection universelle de toutes les branches et
firmes, s'il n'est sûr d'être protégé davantage que
les autres industries ou entreprises.
Les manufacturiers
britanniques n'étaient pas non plus, du point de vue de leurs
préoccupations de classe, plus intéressés à
l'abolition des droits sur les céréales, que les autres
citoyens britanniques. Les propriétaires fonciers étaient
opposés à l'abrogation des Corn Laws parce qu'une baisse
du prix des produits agricoles réduisait la rente foncière. Un
intérêt de classe particulier aux manufacturiers ne peut
être prétendu exister que sur la base de la « loi
d'airain des salaires » depuis longtemps reconnue sans valeur, et
de la doctrine tout aussi insoutenable d'après laquelle les profits
proviennent de l'exploitation des travailleurs.
Dans un monde
organisé sur la base de la division du travail, tout changement doit,
d'une façon ou d'une autre, affecter les intérêts
à court terme de nombreux groupes. II est, de ce fait, toujours
aisé d'attaquer toute doctrine proposant de modifier les conditions
existantes, comme un déguisement
« idéologique » des intérêts
égoïstes d'un certain groupe de gens. La principale occupation de
beaucoup d'auteurs, de nos jours, consiste en de tels procès
d'intentions. Marx n'a pas inventé le procédé; il
était connu bien avant lui. Sa manifestation la plus curieuse fut
l'essai auquel se livrèrent plusieurs écrivains du XVIIIe
siècle, pour expliquer les confessions religieuses comme autant
d'entreprises de tromperie montées par les prêtres afin
d'acquérir pouvoir et richesses tant pour eux-mêmes que pour
leurs alliés, les exploiteurs. Les marxistes adoptèrent cette
vue en étiquetant la religion « opium pour les masses »(12). Il n'est jamais venu à l'esprit des partisans de
ces idées, que là où il y a des intérêts
égoïstes dans un sens, il doit nécessairement y en avoir
en sens inverse. Ce n'est en aucune façon expliquer valablement un
événement quel qu'il soit, que de dire qu'il avantageait une
classe spéciale. La question à résoudre est de savoir
pourquoi le reste de la population, dont il lésait les
intérêts, n'a pas réussi à déjouer l'entreprise
de ceux qu'il avantageait.
Toute firme et toute
branche d'activité sont, à court terme,
intéressées à vendre davantage de ce qu'elles
produisent. Dans le long terme, toutefois, prévaut une tendance
à l'égalisation de la rentabilité des diverses branches
de production. Si la demande des produits d'une branche augmente et y
accroît les profits, davantage de capital y affluera et la concurrence
des nouvelles entreprises y réduira les profits. La rentabilité
n'est en aucune façon plus élevée dans la vente des articles
socialement nuisibles, que dans celle des articles socialement
bénéfiques. Si une certaine branche est légalement
proscrite et que ceux qui s'y engagent risquent des poursuites, des amendes
et des peines de prison, les profits bruts doivent être assez
élevés pour compenser les risques encourus. Mais cela est sans
conséquences sur le taux des profits nets.
Les riches, les
propriétaires d'établissements déjà en
activité, n'ont pas d'intérêt de classe spécial
dans le maintien de la libre concurrence. Ils sont contre la confiscation et
l'expropriation de leurs fortunes, mais leurs situations acquises les
inclinent plutôt en faveur de mesures empêchant des nouveaux
venus de mettre en jeu leur position. Les gens qui combattent pour la libre
entreprise et la libre concurrence ne défendent pas les
intérêts de ceux qui sont riches aujourd'hui. Ils
réclament les mains libres pour les inconnus qui seront les
entrepreneurs de demain et dont l'esprit inventif rendra la vie des
générations à venir plus agréable. Ils veulent
que la voie reste ouverte à de nouvelles améliorations
économiques. Ce sont les avocats du progrès économique.
Le succès des
idées de libre-échange au XIXe siècle a
été assuré par les théories de l'économie
classique. Le prestige de ces idées fut si grand que ceux dont elles
gênaient les intérêts de classe égoïstes ne
purent empêcher qu'elles fussent adoptées par l'opinion publique
et mises en oeuvre par des mesures législatives. Ce sont les
idées qui font l'histoire, et non l'histoire qui fait les
idées.
Il est inutile de
discuter avec des mystiques et des visionnaires. Ils fondent leurs assertions
sur l'intuition et ne consentent pas à les soumettre à l'examen
rationnel. Les marxistes prétendent que ce que proclame leur voix intérieure
est la révélation de l'Histoire par elle-même. Si
d'autres gens n'entendent pas cette voix, cela prouve seulement qu'ils ne
sont pas au nombre des élus. C'est insolence, de la part de ceux qui
tâtonnent dans les ténèbres, que de contredire les
inspirés. La décence devrait les inciter à ramper dans
un coin et se taire.
Cependant, la science
ne peut s'abstenir de penser, quoi qu'il soit évident qu'elle ne
parviendra jamais à convaincre ceux qui contestent la
suprématie de la raison. La science doit souligner que l'appel
à l'intuition ne peut régler la question de savoir quelle
doctrine, d'entre plusieurs qui s'opposent, est correcte et quelles sont
erronées. C'est un fait incontestable que le marxisme n'est pas la
seule doctrine proposée de nos jours. Il y a d'autres « idéologies »,
en dehors du marxisme. Les marxistes affirment que la mise en pratique de ces
autres doctrines lèserait les intérêts du grand nombre.
Mais les partisans de ces dernières disent exactement la même
chose du marxisme.
Évidemment, les
marxistes considèrent qu'une doctrine est mauvaise si le milieu de son
auteur n'est pas prolétarien. Mais qui est prolétaire? Le
docteur Marx, le manufacturier et « exploiteur » Engels, et
Lénine, rejeton de la noblesse russe, n'étaient certes pas
d'origine et de milieu prolétaire. Mais Hitler et Mussolini
étaient d'authentiques prolétaires et avaient passé leur
jeunesse dans la pauvreté. Le conflit entre bolcheviks et mencheviks
ou celui entre Staline et Trotski ne peuvent pas être
présentés comme des conflits de classe. Ce furent des conflits
entre des sectes de fanatiques différentes, qui s'accusaient
mutuellement de trahison.
L'essence de la
philosophie marxiste est ceci: nous sommes dans le vrai parce que nous sommes
les porte-parole de la classe prolétarienne montante. Le raisonnement
discursif ne peut invalider nos thèses, car elles sont
inspirées par le suprême pouvoir qui détermine la
destinée de l'humanité. Nos adversaires ont tort parce qu'il
leur manque l'intuition qui guide nos esprits. Ce n'est, évidemment,
pas leur faute si en raison de leur origine de classe ils ne sont pas pourvus
de l'authentique logique prolétarienne et sont aveuglés par des
idéologies. Les insondables décrets de l'histoire nous ont
élus et les ont condamnés. L'avenir est à nous.
Le polylogisme marxiste est un artifice avorté, pour le sauvetage des
intenables doctrines du socialisme. Sa tentative de substituer l'intuition au
raisonnement méthodique flatte les superstitions populaires. Mais
c'est précisément cette attitude qui place le polylogisme
marxiste et son rejeton – la prétendue « sociologie
de la connaissance » en antagonisme irréconciliable avec la
science et la raison.
Le cas du polylogisme
des racistes est différent. Cette sorte de polylogisme est en accord
avec des tendances à la mode, bien qu'erronées, dans
l'empirisme contemporain. C'est un fait établi, que le genre humain
est divisé en races variées. Les races diffèrent par les
caractères corporels. Les philosophes matérialistes affirment
que les pensées sont une sécrétion du cerveau comme la
bile est une sécrétion de la vésicule biliaire. Il
serait illogique de leur part de rejeter a priori l'hypothèse que la
sécrétion mentale des diverses races puisse différer en
qualités essentielles. Le fait que l'anatomie n'a pas réussi
jusqu'à maintenant à découvrir des différences
anatomiques dans les cellules du cerveau des diverses races ne peut invalider
la thèse d'une structure logique de l'esprit différant d'une
race à une autre. Il n'exclut pas la supposition qu'une recherche
future puisse découvrir de telles particularités anatomiques.
Certains ethnologues
nous disent que c'est une erreur de parler de civilisations
supérieures et inférieures, et d'un prétendu
caractère attardé des races étrangères. Les
civilisations des diverses races sont différentes de la civilisation
occidentale des peuples du tronc caucasien, elles ne lui sont pas
inférieures. Chaque race a sa mentalité particulière. Il
est fautif d'appliquer à la civilisation d'aucune d'entre elles, des
critères tirés des réalisations des autres races. Les
Occidentaux appellent la civilisation de la Chine civilisation stationnaire,
et celle de la Nouvelle-Guinée barbarie primitive. Mais les Chinois et
les aborigènes de la Nouvelle-Guinée ne méprisent pas
moins notre civilisation que nous la leur. De telles estimations sont des
jugements de valeur et donc arbitraires. Ces autres races ont une autre
structure de l'esprit. Leurs civilisations sont adéquates à
leur esprit comme notre civilisation l'est à notre esprit. Nous sommes
incapables de comprendre que ce que nous qualifions d'attardé ne leur
apparaît point tel. C'est, du point de vue de leur logique, une
meilleure méthode que notre progressivisme pour parvenir à un
arrangement satisfaisant avec les conditions naturelles données de la
vie.
Ces ethnologues ont
raison de souligner que ce n'est pas l'affaire de l'historien – et
l'ethnologue aussi est un historien – d'exprimer des jugements de
valeur. Mais ils sont complètement dans l'erreur en soutenant que ces
autres races ont été guidées dans leurs activités
par des motifs autres que ceux qui ont fait agir la race blanche. Les
Asiatiques et les Africains non moins que les peuples de souche
européenne se sont efforcés de lutter avec succès pour
survivre, et d'employer la raison comme l'arme par excellence dans un tel
effort. Ils ont cherché à se débarrasser des bêtes
de proie et de la maladie, de parer aux famines et d'accroître la
productivité du travail. Il est indubitable que dans la poursuite de
ces objectifs ils ont été moins efficaces que les Blancs. La
preuve en est qu'ils s'empressent de profiter de toutes les réussites
de l'Occident. Ces ethnologues auraient raison, si des Mongols ou des
Africains, affligés par une maladie douloureuse,
préféraient se passer des soins d'un médecin
européen parce que leur mentalité ou leur conception du monde
les faisait croire qu'il est meilleur de souffrir que d'être
soulagé. Le mahatma Gandhi désavoua toute sa philosophie en
entrant dans un hôpital moderne pour soigner une appendicite.
Les Indiens
d'Amérique du Nord n'avaient pas eu le sens pratique d'inventer la
roue. Les habitants des Alpes ne furent pas assez malins pour façonner
des skis qui eussent rendu beaucoup plus agréable leur rude existence.
De telles contre-performances ne furent pas l'effet d'une mentalité
différente de celle des races qui avaient depuis longtemps
utilisé les roues et les skis; ce furent des insuffisances
déplorables, même au jugement des Indiens et des montagnards
alpins.
Toutefois, ces
considérations portent seulement sur les mobiles déterminant
des actions définies, et non sur le seul problème qui importe
en la matière, à savoir si oui ou non existe entre les diverses
races une différence de structure de l'esprit. C'est là
précisément ce qu'affirment les racistes(13).
Nous pouvons nous
reporter à ce qui a été dit aux chapitres
précédents sur les problèmes fondamentaux de la
structure logique de l'esprit et les principes catégoriels de la
pensée et de l'action. Quelques observations complémentaires
suffiront à porter le coup final au polylogisme racial et à
n'importe quelle autre sorte de polylogisme.
Les catégories
du penser et de l'agir de l'homme ne sont ni des productions arbitraires de
l'esprit humain, ni des conventions. Elles ne se situent pas hors de
l'univers, ni hors du cours des événements cosmiques. Elles
sont des faits biologiques et remplissent une fonction définie dans la
vie et la réalité. Elles sont des instruments dans la lutte de
l'homme pour l'existence, et dans ses efforts pour s'ajuster lui-même
le mieux possible à l'état réel de l'univers, et pour
écarter ce qui le gêne autant qu'il est en son pouvoir de le
faire. Elles sont par conséquent appropriées à la structure
du monde extérieur et reflètent les propriétés du
monde et du réel. Elles sont efficaces, et dans ce sens elles sont
vraies et valables.
Il est par
conséquent inexact de dire que l'intuition aprioriste et le
raisonnement pur ne fournissent pas d'information quant à la
réalité et à la structure de l'univers. Les relations
logiques fondamentales, et les catégories de la pensée et de
l'action sont la source ultime de toute connaissance humaine. Elles sont
adéquates à la structure de la réalité, elles
révèlent cette structure à l'esprit humain, et dans ce
sens, elles sont pour l'homme des faits ontologiques de base(14).
Nous ne savons pas ce qu'un intellect super-humain peut bien penser et
comprendre. Pour l'homme, toute cognition est conditionnée par la
structure de son esprit et impliquée dans cette structure. Ce sont
précisément les résultats satisfaisants des sciences
empiriques et leur application pratique qui rendent cette vérité
évidente. Dans l'orbite à l'intérieur de laquelle
l'action de l'homme est capable d'atteindre des buts qu'elle vise, il n'y a
pas d'espace libre pour l'agnosticisme.
S'il y avait eu des
races qui eussent développé une structure logique de l'esprit
différente, elles n'auraient pu se servir utilement de la raison comme
instrument dans la lutte pour l'existence. Le seul moyen de survivre, qui
eût pu les protéger contre l'extermination, aurait
été le jeu de leurs réactions instinctives. La
sélection naturelle aurait éliminé ceux d'entre les
spécimens de telles races qui eussent tenté d'employer la
raison pour diriger leur comportement. Seuls auraient survécu ceux qui
s'en seraient rapportés à leurs seuls instincts. Cela signifie
que seuls ceux-là auraient eu chance de survivre, qui ne se seraient
pas haussés au-dessus du niveau mental des animaux.
Les érudits de
l'Occident ont amassé une quantité énorme de
matériaux concernant les hautes civilisations de la Chine et de
l'Inde, ainsi que sur les civilisations primitives des aborigènes
asiatiques, américains, australiens et africains. Il n'est pas
imprudent de dire que tout ce qui vaut la peine d'être connu des
idées de ces races est connu. Mais jamais aucun partisan actif du
polylogisme n'a tenté d'utiliser ces données pour une
description de la logique prétendue différente de ces peuples
et civilisations.
5 /
Polylogisme et vision du monde
|
Certains partisans des idées du marxisme et du racisme
interprètent les thèses épistémologiques de leurs
partis d'une manière particulière. Ils sont tout
disposés à admettre que la structure logique de l'esprit est
uniforme pour toutes les races, nations et classes. Le marxisme ou le
racisme, déclarent-ils, n'ont jamais entendu nier cet
indéniable fait. Ce qu'ils voulaient réellement dire est que
l'appréciation historique, les affinités esthétiques et
les jugements de valeur sont conditionnés par le milieu et l'origine
d'un individu. Il est certain que cette interprétation ne peut
être soutenue sur la base des écrits des champions du polylogisme.
Néanmoins, il faut l'analyser comme une théorie
indépendante.
Il n'est pas besoin
d'insister à nouveau sur le fait que les jugements de valeur d'un
homme et le choix de ses objectifs reflètent ses caractères
corporels innés et toutes les vicissitudes de sa vie(15).
Mais il y a loin entre constater la réalité de ce fait et
croire que l'hérédité raciale ou l'appartenance de
classe déterminent les jugements de valeur et le choix des fins. Les
dissemblances fondamentales dans la façon de voir le monde et dans les
schémas de comportement ne correspondent pas aux différences de
race, de nationalité, ou d'appartenance de classe.
Il est difficile
d'imaginer divergence plus grande des jugements de valeur, qu'entre des
ascètes et des gens avides de jouir de la vie sans se faire de souci.
Un abîme infranchissable sépare les dévots moines et
nonnes du reste du genre humain. Mais il y a eu des gens pour se consacrer
à l'idéal monastique parmi toutes les races, nations, classes
et castes. Certains étaient fils ou filles de rois et de nobles
fortunés, d'autres étaient des mendiants. Saint
François, sainte Claire et leurs fervents disciples étaient
nés en Italie, dont les autres habitants ne peuvent être
décrits comme dégoûtés des biens temporels. Le
puritanisme fut anglo-saxon, mais il en était de même de la
lascivité des Britanniques sous les Tudor, les Stuart et les Hanovriens.
Le plus célèbre champion de l'ascétisme au XIXe
siècle fut le comte Léon Tolstoï, un riche membre de
l'aristocratie russe au luxe extravagant. Tolstoï voyait la moelle de la
philosophie qu'il attaquait, dans la Sonate à Kreutzer de Beethoven,
ce chef-d'oeuvre d'un fils de très pauvres gens.
Il en est de
même des valeurs esthétiques. Toutes les races et nations ont eu
à la fois un art classique et un art romantique. Malgré toute
leur ardente propagande, les marxistes n'ont pas réussi à faire
naître un art ou une littérature spécifiquement prolétariens.
Les écrivains, peintres et musiciens
« prolétariens » n'ont pas créé de
styles nouveaux ni établi de nouvelles valeurs esthétiques. Ce
qui les caractérise se ramène simplement à leur habitude
d'appeler « bourgeois » tout ce qu'ils détestent
et « prolétarien » tout ce qui leur plaît.
L'appréciation
historique, aussi bien de l'historien que de l'homme qui agit, reflète
toujours la personnalité de son auteur(16). Mais si
l'historien et le politicien sont animés par le désir du vrai,
ils ne se laisseront jamais séduire par les préjugés de
parti, à condition qu'ils soient à la hauteur de leur
tâche. Il n'importe pas qu'un historien ou un politicien
considère que l'intervention d'un certain facteur ait
été bienfaisante ou nuisible. Il ne peut tirer aucun avantage
de sous-évaluer ou de surévaluer l'influence de l'un des
éléments opérants. Seuls de maladroits historiens amateurs
s'imaginent pouvoir servir leur cause par une distorsion.
Cela n'est pas moins
vrai de l'entendement de l'homme d'État. À quoi servirait, pour
un champion du protestantisme, de méconnaître l'énorme
pouvoir et prestige du catholicisme, ou pour un libéral de
méconnaître l'influence des idées socialistes? Afin de
réussir un politicien doit voir les choses comme elles sont; quiconque
se laisse aller à prendre ses désirs pour des
réalités échouera certainement. Les jugements
d'influence diffèrent des jugements de valeur en ce qu'ils visent
à apprécier un état de choses d'une façon qui ne
dépend pas de l'arbitraire de celui qui juge. Ces jugements sont
colorés par la personnalité de leur auteur et par
conséquent ils ne peuvent jamais être ratifiés
unanimement par tout le monde. Mais ici encore on doit poser la question:
quel avantage une race ou une classe pourrait-elle tirer d'une distorsion
« idéologique » de l'appréciation?
Comme il a
déjà été souligné, les discordances
importantes que l'on trouve dans les études historiques sont la
conséquence de différences dans le domaine des sciences non
historiques, et non de modes différents de l'entendement.
Aujourd'hui, nombre
d'historiens et d'écrivains sont imbus du dogme marxiste selon quoi la
réalisation des projets socialistes est à la fois
inévitable et le bien suprême, cependant que le mouvement
ouvrier est chargé de la mission historique d'accomplir cette
tâche en renversant par la violence le système capitaliste.
Partant de cet axiome, ils estiment comme allant de soi que les partis de
« gauche », les justes choisis, doivent dans la poursuite de
leur politique recourir aux violences et au meurtre. Une révolution ne
peut être accomplie par des méthodes pacifiques. C'est perdre
son temps que de s'attarder sur le massacre des quatre filles du dernier
tsar, de Léon Trotski, de dizaines de millions de bourgeois russes,
etc. « On ne peut faire d'omelette sans casser des
veufs »; pourquoi mentionner explicitement les veufs
cassés? Mais bien sûr, c'est différent si l'un des
assaillis se hasarde à se défendre ou même frappe en
retour. Peu de gens font état des actes de sabotage, de destruction,
de violence commis par des grévistes. Mais tous les auteurs
s'étendent sur les essais des entrepreneurs pour protéger leurs
biens et la subsistance de leurs employés et de leurs clients, contre
de tels attentats.
De telles dissonances
ne sont dues ni à des jugements de valeur, ni à des
différences d'entendement. Elles sont des conséquences de
théories antagonistes sur l'évolution économique et
historique. Si l'avènement du socialisme est inéluctable et ne
peut être accompli que par des méthodes révolutionnaires,
les meurtres commis par les « progressistes » sont des
incidents mineurs sans signification. Mais l'auto-défense et les
contre-attaques des « réactionnaires », qui
peuvent éventuellement retarder la victoire finale du socialisme, sont
de la plus grande importance. Ce sont des événements
remarquables, alors que les actes révolutionnaires sont de la simple
routine.
6 /
Plaidoyer pour la raison
|
Les rationalistes judicieux ne prétendent pas que la raison humaine
puisse jamais rendre l'homme omniscient. Ils sont pleinement conscients du
fait que, si fort que puisse s'accroître le savoir, il restera toujours
quelque donné ultime, non susceptible d'élucidation plus
poussée. Mais, disent-ils, dans toute la mesure où l'homme est
capable d'atteindre la cognition, il doit s'appuyer sur la seule raison. Le
donné ultime est l'irrationnel. Le connaissable est, dans toute
la mesure où il est déjà connu, nécessairement
rationnel. Il n'y a ni un mode irrationnel de cognition, ni une science de
l'irrationalité.
En ce qui concerne les
problèmes non résolus, des hypothèses diverses sont
légitimes à condition qu'elles ne contredisent pas la logique
et les données d'expérience incontestables. Mais ce sont
seulement des hypothèses.
Nous ne savons pas ce
qui cause les différences innées dans les talents humains. La
science est sans voix pour expliquer pourquoi Newton et Mozart étaient
remplis du génie créateur et pourquoi la plupart des gens ne le
sont pas. Mais de toute façon c'est une réponse non
satisfaisante de dire qu'un génie doit sa grandeur à ses ancêtres
ou à sa race. La question est précisément pourquoi un
tel homme diffère-t-il de ses frères et des autres membres de
sa race?
Il est un peu moins
fautif d'attribuer les grandes réussites de la race blanche à
une supériorité raciale. Encore n'est-ce rien de plus qu'une
vague hypothèse, contredite par le fait que les fondements initiaux de
la civilisation furent posés par des peuples d'autres races. Nous ne
pouvons savoir si plus tard d'autres races supplanteront ou non la
civilisation occidentale.
Cependant, une telle
hypothèse doit être appréciée sur ses
mérites propres. Elle ne doit pas être rejetée de prime
abord parce que les racistes fondent sur elle leur postulat qu'il y a un
conflit irréconciliable entre les divers groupes raciaux, et que les
races supérieures doivent asservir les inférieures. La loi
d'association de Ricardo a depuis longtemps réfuté cette
interprétation erronée de l'inégalité des hommes(17). Il est absurde de combattre l'hypothèse raciale
en niant des faits évidents. Il est vain de nier que jusqu'à
maintenant certaines races n'ont rien apporté ou très peu de
chose au développement de la civilisation et peuvent, dans ce sens,
être dites inférieures.
Si quelqu'un voulait
à tout prix distiller un grain de vérité dans les
thèses de Marx, il pourrait dire que les émotions influent
beaucoup sur les raisonnements de l'homme. Personne ne s'est jamais
aventuré à nier ce fait évident, et le marxisme ne peut
être crédité de sa découverte. Mais il est sans
aucune portée pour l'épistémologie. Il y a de
nombreuses sources de succès et d'erreur. C'est la tâche de la
psychologie de les énumérer et de les classifier.
L'envie est une
faiblesse très répandue. Il est certain que beaucoup d'intellectuels
envient les revenus plus élevés des hommes d'affaires
prospères et que ces sentiments les poussent vers le socialisme. Ils
croient que les autorités d'une collectivité socialiste leur
paieraient de plus hauts salaires que ceux qu'ils peuvent gagner en
régime capitaliste. Mais démontrer l'existence de cette envie
ne dispense pas la science du devoir d'effectuer l'examen le plus soigneux
des doctrines socialistes. Les savants sont tenus de traiter toute doctrine
comme si ses partisans n'étaient inspirés par rien d'autre que
la soif de connaissance. Les diverses sortes de polylogisme substituent
à un examen purement théorique des doctrines adverses la
dénonciation de l'origine et des motivations de leurs auteurs. Une
telle procédure est incompatible avec les principes primordiaux du
raisonnement systématique.
C'est un pauvre
artifice que de rejeter une théorie en se référant
à son arrière-plan historique, à
l'« esprit » de son temps, aux conditions
matérielles du pays d'où elle vient, ou à quelque trait
de caractère de ses auteurs. Une théorie relève
uniquement du tribunal de la raison. Le critère à appliquer est
toujours le critère de la raison. Une théorie est correcte ou
incorrecte. Il peut se produire que l'état présent de nos connaissances
ne permette pas de décider si elle est correcte ou non. Mais une
théorie ne peut jamais être valide pour un bourgeois ou un
Américain si elle ne l'est pas pour un prolétaire ou un
Chinois.
Si les marxistes et
les racistes étaient dans le vrai, il serait impossible d'expliquer
pourquoi les détenteurs du pouvoir tiennent à réduire au
silence les théories divergentes et à persécuter leurs
partisans. Le fait même qu'il y ait des gouvernements
intolérants et des partis politiques résolus à mettre
hors la loi et exterminer les opposants, est une preuve de l'excellence de la
raison. Ce n'est pas une preuve conclusive de l'exactitude d'une doctrine,
que ses adversaires recourent à la police, au bourreau, et aux
violences des foules pour la combattre. Mais cela dénote que ceux qui
recourent à l'oppression et à la violence sont, dans leur
subconscient, convaincus que leurs propres doctrines sont insoutenables.
Il est impossible de
démontrer la validité des fondements a priori de la
logique et de la praxéologie sans se référer à
ces fondements mêmes. La raison est un donné ultime et ne peut
être analysée ou mise en question par elle-même.
L'existence même de la raison humaine est un fait non rationnel. La
seule proposition qui puisse être affirmée, s'agissant de la
raison, est qu'elle est la marque distinctive de l'homme par rapport aux
animaux, et qu'elle a produit à peu près tout ce qui est
spécifiquement humain.
À ceux qui
prétendent que l'homme serait plus heureux s'il en venait à
renoncer à l'usage de la raison, et s'il essayait de se laisser guider
uniquement par l'intuition et les instincts, nulle autre réponse ne
peut être donnée qu'une analyse des réalisations de la
société humaine. En décrivant la genèse et le
fonctionnement de la coopération sociale, l'économie fournit
tout ce qu'il faut d'information pour décider en dernier ressort entre
la raison et l'absence de raison. Si l'homme envisage après coup de se
débarrasser de la suprématie de la raison, il faut qu'il sache
ce à quoi il devra renoncer.
¤
On retrouve ce chapitre ainsi
que le livre dans leur version anglaise, sur
le site du Mises Institute.
1. Voir, par exemple, Louis Rougier, Les paralogismes du rationalisme,
Paris, 1920.
2. Voir Joseph Dietzgen, Briefe über Logik, speziell
demokratisch-proletarische Logik, 2e éd., Stuttgart, 1903, p. 112.
3. Voir Franz Oppenheimer, System der Soziologie, Iéna, 1926,
II, p. 559.
4. Il faut souligner que la justification de la démocratie ne se fonde
pas sur la supposition que les majorités ont toujours raison, et
encore moins qu'elles sont infaillibles. Voir pp. 158 à 160.
5. Voir son discours au Congrès du Parti à Nuremberg, le 3
septembre 1933 (Frankfurter Zeitung, 4 septembre 1933, p. 2).
6. Voir Lancelot Hogben, Science for the Citizen,
New York, 1938, pp. 726 à 728.
7. Ibid., p. 726.
8. Bien que le terme de rationalisation soit nouveau, la chose même
était connue depuis longtemps. Voir par exemple les mots de Benjamin
Franklin: « C'est une chose si utile que d'être une
créature raisonnable, puisque cela vous permet de trouver ou fabriquer
une raison pour toute chose que l'on a l'intention de faire », Autobiography,
éd. New York, 1944, p. 41.
9. « Le moulin à bras vous donnera la société avec
le suzerain; le moulin à vapeur, la société avec le
capitaliste industriel », K. Marx, Misère de la
philosophie, Paris et Bruxelles, 1847, p. 100.
10. K. Marx, Das Kapital, 7e éd., Hamburg, 1914, I, 728-729.
11. Le Manifeste communiste, I.
12. La signification que le marxisme contemporain attache à cette
expression – à savoir que la drogue religieuse a
été intentionnellement administrée au peuple, peut avoir
aussi été celle de Marx lui-même. Mais cela n'est pas
impliqué par le passage dans lequel – en 1843 – Marx a
forgé l'expression. Voir R. P. Casey, Religion
in Russia, New York, 1946, pp. 67 à 69.
13. Voir L. G. Tirala, Rasse, Geist und Seele,
Munich, 1935, pp. 190 et suiv.
14. Voir Morris R. Cohen, Reason and Nature, New York,
1931, pp. 202 à 205; A Preface to Logic, New York, 1944, pp. 42
à 44, 54 à 56, 92, 180 à 187.
15. Voir pp. 51 et 52.
16. Voir pp. 62 à 63.
17. Voir pp. 166 à 171.
24hGold
www.24hGold.com
Article
originellement publié par le Québéquois Libre ici
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