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1. Les belles âmes ne ratent plus jamais
une occasion de fustiger le modèle capitaliste chinois et d’en
dénoncer ses « horreurs », surtout depuis que la Chine est
en passe de devenir la première puissance économique et, dans
la foulée, la première destination touristique de la
planète.
Pourquoi
ces satanés chinois ne sont-ils pas restés, comme dans les
années 60, tous pauvres ? Pour nos penseurs officiels, les gens sont
tellement plus sympathiques quand ils sont pauvres : ils auront besoin de
notre aide, de notre compassion et de notre « solidarité
». On reconnait cependant là le schéma marxiste
imperturbable : s’il y a des riches et s’il y a des pauvres,
c’est parce que les riches ont exploité et pillé les
pauvres. CQFD !
C’est
pourquoi ils convient de détester les riches (les américains,
les patrons, les entrepreneurs, les footballeurs…) et aduler les
pauvres. Puis, on finit même par détester les pauvres qui ont
l’audace de réussir et de s’enrichir…
Il
est vrai que la Chine a finit, après tant de
désastres humains, sociaux et culturels, par tourner le dos à
la délirante et criminelle « révolution culturelle
» théorisée et mise en œuvre par Mao. Quand
j’étais étudiant, les rares chinois, que je
fréquentais, avait fui leur pays et ils n’osaient pas toujours
me parler, terrorisés par la police politique qui les poursuivait
jusque chez nous (toujours bien accueillie par notre PCF local).
Aujourd’hui,
nos étudiants chinois retournent travailler dans et pour leur pays,
à l’image de tous les étudiants chinois dans le monde.
Quel contraste saisissant avec nos étudiants français qui sont
obligés, à contrecœur ou avec enthousiasme, de
s’expatrier pour faire une carrière à la hauteur de leurs
ambitions ! Mais puisqu’ils sont motivés par leur seule
carrière égoïste, sans doute ne sont-ils pas
patriotes… Ne faudrait-il pas les punir ? Certains politiciens
réfléchissent aujourd’hui à la question, faisant
plancher leurs experts et leurs conseillers.
Et
nos étudiants français, comme les étudiants chinois, ont
fait leurs études au frais du contribuable français alors
qu’ils vont en produire tous les effets économiques et en tirer
tous les bénéfices à l’étranger.
C’est
pour cette raison que j’ai dû mal à avaler les couleuvres
de nos moralisateurs intolérants qui, pendant que Mao massacrait sa
propre population au nom de « l’amour du peuple chinois et de la
solidarité », étaient en France ses plus fervents
admirateurs.
Ainsi,
la génération 68, menée notamment par un certain
Cohn-Bendit, s’affichait, sans aucun état d’âme,
maoïste, pensant ainsi prendre ses distances avec Staline, dont les
atrocités étaient plus proches de nous. Le goulag, quand il est
exotique et loin de nos regards, est sans doute plus sympathique [1].
Mais
diable ! Mao, tout comme Staline, avaient une référence commune
et unique : ils ne faisaient que lire Marx et lui obéir
scrupuleusement. Ces penseurs éclairés ne connaissent-ils pas
à ce point leur propre culture politique ? Je peux comprendre
qu’ils disent n’importe quoi en économie puisqu’ils
ne feront jamais l’effort de lire les grands textes, mais c’est
à se demander s’ils ont lu Marx, Lénine ou Mao. Et
même si ces régimes politiques sont heureusement tombés
aujourd’hui, on voit que les matrices intellectuelles, qui les ont
forgé et cautionné, existent toujours ; surtout dans la
tête de nos élites intellectuelles (merci Bourdieu), ce qui
contribue à l’étouffement de toute lumière
d’inspiration libérale et libératrice. Et pour ces
penseurs, le libre-échange, la mondialisation, l’OMC,
c’est forcément l’enfer et le diable ultime malgré
que l’histoire enseigne que les camps et les déportations furent
organisés par les régimes du socialisme réel. Mais non !
La réalité a forcément tort quand on ne veut pas
changer le modèle explicatif du monde qu’il serait
sacrilège de critiquer. L’horreur est libérale voire
néolibérale, donc les systèmes alternatifs au
libéralisme ne peuvent être donc que progressistes.
Avec
le temps, tous ces maoïstes convaincus, devenus nos
références morales, sont aujourd’hui
députés européens, experts en pédagogie
permanents auprès de l’éducation nationale, chercheurs
éminents en sciences sociales ou encore conseillers économiques
auprès de l’UNEF, d’ATTAC et du PS…
J’avoue
que les charmes et les mystères de notre exception culturelle –
à défaut d’une révolution culturelle – me
laissent toujours perplexes et pantois. Mais elle explique certainement notre
fermeture, nos retards économiques et la chute inexorable de la
croissance.
[1]
Delsol C., Grimpret M., Liquider
Mai 68, Presses de la Renaissance, Paris.
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