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Cours Or & Argent

L'existence des lois en économie politique.

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Publié le 05 février 2014
4803 mots - Temps de lecture : 12 - 19 minutes
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Rubrique : Fondamental



 
Existe-t-il des lois en économie politique comme il en existe en sciences physique qui, par exemple, permettent d'"aller plus vite", même si les méthodes sont différentes ?


La plupart des politiciens prouvent par leur comportement qu'ils répondent négativement à cette vieille question toujours d'actualité et qu'il faudrait leur faire confiance.


Selon des économistes, les libéraux, les lois économiques existent, on en a découvertes et il faut encore en découvrir (cf. ci-dessous, texte de Vilfredo Pareto, 1893).


Selon les autres, de diverses disciplines (en particulier, les historiens), il n'en existe pas, les hommes de l'Etat d'un pays ont le choix de faire ce qu'ils jugent bon (au nom de l'intérêt général, de l'utilité publique, de la justice sociale, etc.) avec les réglementations qu'ils prennent et les vols et dons légaux qu'ils opèrent.


Parmi ces derniers, il y a ceux qui ont contribué à (faire) interdire la convertibilité des substituts de monnaie bancaires en monnaie or ou argent attendu avec incertitude par les gens depuis la décennie 1930 et qui font tout pour qu'on n'en parle pas.

Soit dit en passant, aujourd'hui, des économistes américains fêtent le centenaire de la création de la Banque centrale des Etats-Unis en décembre 1913 mais à aucun moment, ils n'évoquent l'interdiction décidée en 1933-34, ni a fortiori celle de 1971-73 et leur désastre économique.


Et cent dix ans plus tôt, Napoléon avait engagé la voie de la création de la Banque centrale de France (loi de germinal an XI, 1803).

Bref, ce sont ces a-libéraux qui se font entendre sous couvert de donner aux pauvres en volant les riches et en ne s'oubliant pas au passage - toute peine mérite salaire, n'est-ce pas -.


Contrairement à ce qui est cru - aux réglementations près -, ce qu'on dénomme "monnaie" aujourd'hui ne doit rien aux hommes de l'Etat, mais tout aux actes des gens qui l'ont découvert comme en témoignait encore, par exemple, Ludwig von Mises (1881-1973) en 1917-18 dans un texte sur les « doctrines monétaires catallactique et a catallactique où il faisait apparaître que, selon les uns, la monnaie procèdait de l’échange et, selon les autres, elle procéderait de l’Etat.


Vingt ans plus tôt, Vilfredo Pareto avait eu l'occasion de faire connaître son point de vue sur la question, en particulier, dans trois articles de 1893 dans Le monde économique (23 et 30 septembre, 7 octobre).
http://classiques.uqac.ca/classiques/pareto_w..._ideologies.pdf.  
Ces articles méritent d'être connus une bonne fois pour toutes, les voici sous le titre général ... 


                         Ce maudit laissez-faire !

                                           I
                 [Les beautés de la libre concurrence.]


Il était écrit, ou, pour le dire en des termes moins clairs et un peu plus prétentieux, le présent moment historique exigeait que nos lecteurs eussent à subir une avalanche de lettres d'un économiste cristallisé dans les théories libérales.


Il vous écrivait, il y a quelque temps, pour demander humblement qu'on laissât faire les économistes qui voulaient employer les mathématiques ;
aujourd'hui, il ose porter encore plus haut ses regards téméraires et s'attaquer aux doctrines de la sacro-sainte école historique.


C'est l'occasion qui pousse au crime.


Nous jurons par tous les dieux infernaux que rien n'était plus loin de notre intention que de nous fourrer dans ce guêpier, quand le hasard fit tomber dans nos mains une brochure intitulée: La France, les partis, et les élections, par M. de Pressensé.


Le nom de l'auteur nous engagea à la lire.


Nous ne connaissons pas de plus éloquent plaidoyer en faveur du laissez-faire, en matière de conscience et de religion, que le livre L'Église et la Révolution française, par M. Edmond de Pressensé, c'est notre vade-mecum, notre arsenal où nous puisons les arguments historiques - les économistes libéraux, bien qu'indignes, s'en servent quelquefois - pour prouver qu'il n'y a rien de bon à attendre de l'intervention de l'État dans les questions religieuses.
Mais, hélas ! l'auteur de la brochure n'est pas M. Edmond, c'est M. Francis, et il maltraite fort le maudit laissez-faire.
Jugez-en par ces extraits.
L'auteur se demande quelle solution il faut donner à ce qu'on appelle la question sociale.
Il dit:

« J'ose croire qu'il est une solution, du moins, qui est totalement exclue, et c'est celle de l'individualisme économique pur et simple.
Cette parole a l'air téméraire ;
en France (sic !), en particulier, où l'orthodoxie économique a encore beaucoup de fidèles, ou plutôt, où elle règne en maîtresse (que dira M. Méline ?) dans les académies, dans les universités et dans la science, il peut sembler singulièrement présomptueux de s'exprimer de la sorte.
 Ah ! sans doute, si nous fermons systématiquement les yeux à tout ce qui se fait hors de nos frontières, si notre libre-échangisme doctrinaire ne croit pouvoir se défendre que par la protection ou même la prohibition des denrées intellectuelles d'Outre-Rhin ou d'Outre-Manche, il est aisé de s'endormir dans la contemplation des beautés de l'ordre social et de rejeter dédaigneusement les revendications de la foule ou les théories des novateurs ».

Vraiment, si notre auteur ne l'assurait, jamais nous n'aurions cru que les économistes français fussent aussi ignorants de ce qui se passe au dehors des frontières de leur pays, et qu'ils s'endormissent de la sorte en contemplant les beautés de l'ordre social.
Mais comme nous aimons suivre en tout la méthode expérimentale, on voudra bien nous excuser si nous avons tenu, nous ne dirons pas à vérifier, mais à constater, comment se manifestait cette admiration.
Ouvrons, par exemple, un livre de M. G. de Molinari : Les lois naturelles de l'économie politique et voici ce que nous trouvons à la page 218 :

« Le relâchement de la concurrence politique a transformé l'État en un instrument d'exploitation aux mains de ceux qui le possèdent et quelles que soient ces mains. jusqu'à présent il est demeuré au pouvoir des classes supérieure et moyenne.
Dans la plupart des pays civilisés, la classe moyenne a fini par conquérir une prépondérance décisive.
C'est elle qui gouverne.
Comme l'avaient fait ses devancières, la noblesse et le clergé, dès l'époque où leurs appétits avaient cessé d'être contenus par la permanence de l'état de guerre, et dans une plus forte mesure encore, car elle a un plus grand nombre de bouches à nourrir, la classe moyenne s'est servie de l'appareil à légiférer et à taxer pour augmenter les attributions de l'état et multiplier les emplois civils et militaires, elle a créé des monopoles à son usage et généralisé le protectionnisme, le tout en vue d'augmenter les jouissances de ses membres et de diminuer leur travail et leur peine ».

Il faut avouer que M. de Molinari a une singulière façon d'exprimer son « admiration pour l'ordre social» existant.


 Comment s'y prend-il donc quand il veut blâmer les gens ou les choses, si pour les louer il en parle de la sorte ?


Notre bon ami M. Ernest Brelay ne nous semble guère non plus admirer les classes dirigeantes, qu'il se permet d'appeler digérantes.


Il se peut qu'en iroquois ce mot se prenne pour un compliment, mais en français, nous serions assez porté à lui donner un sens contraire.


Un de nos maîtres, M. G. du Puynode, doit, lui aussi, employer quelque langue inconnue, qui attend encore son Champollion, mais comme elle ressemble étonnamment à du bon français, nous nous imaginions que ce n'était pas précisément en vue de payer son tribut de louange à l'ordre social existant qu'il disait :

« Voici trois années surtout que diminuent de plus en plus nos nouvelles sociétés commerciales et les capitaux qui les alimentent...


Ce sont les ignorances économiques des pouvoirs publics,
nos budgets accablants et
les excitations insensées adressées aux foules dont on convoite les votes,
qui donnent une fois de plus la raison de cette nouvelle crise 1) ».


1) Journal des économistes, janvier 1893.

Quant aux « revendications de la foule », il nous semble que M. Léon Say tâchait de les interpréter quand, à la tribune, il demandait qu'on n'imposât pas sur le pain des ouvriers un tribut au profit des grands propriétaires fonciers.


Il est vrai qu'il n'est pas partisan des « revendications » socialistes, mais il se pourrait que ce fut simplement parce qu'il les croit plus aptes à faire le mal que le bien du peuple et des travailleurs.
C'est en effet là le noeud du problème.
Il s'agit de savoir si, oui ou non, la libre concurrence produit le maximum du bien-être pour le plus grand nombre des humains.
Les économistes libéraux disent oui, et ils produisent leurs preuves.
Celles-ci sont de deux sortes.
Les unes déductives,
les autres vérifiant expérimentalement les résultats de la déduction.
Que l'on conteste ces preuves, rien de mieux, toute discussion sérieuse ne pouvant que servir au progrès de la science.
 Mais les partisans des différentes écoles socialistes se gardent bien de se laisser entraîner sur ce terrain.
Ils nous reprochent notre dogmatisme, et eux ne procèdent que par des assertions qu'ils ne daignent pas appuyer de preuves.
On ne saurait lire leurs écrits sans se rappeler ce que dit Montesquieu des livres de théologie
« doublement inintelligibles et par la matière qui y est traitée et par la manière de la traiter » 1).
1) Lettres persanes, CXXXIV.
Ce reproche ne s'adresse pas à notre auteur.
Il écrit en français c'est un avantage pour ses critiques, mais c'est un préjudice pour ses théories.
La langue française, avec son admirable clarté et sa précision, décèle immédiatement le sophisme des raisonnements lâches et vagues.
Il fallait une langue comme le grec de la décadence pour disserter à perte de vue sur [en grec...] et [en grec...].
Essayez d'expliquer en français ce que c'est que l'État de droit, ou l'État éthique des auteurs allemands, et vous vous apercevrez de suite que ce ne sont là que des ombres sans corps, des mots qui semblent vouloir dire quelque chose et qui ne signifient rien.
Nous avons peut-être eu tort de prendre à la lettre les termes que la précision de la langue française obligeait notre auteur d'employer.
Au fond, ce n'est pas l'admiration pour les beautés de l'ordre social qu'il a entendu reprocher aux économistes français, c'est l'admiration pour les beautés de la libre concurrence.
Ce n'est pas du tout la même chose, car les économistes se plaignent précisément de ce que l'ordre social actuel viole, en maintes occasions, la libre concurrence.
Mais ne chicanons pas là-dessus, et suivons notre auteur sur ce nouveau terrain.


                                         II
                            [ La phase socialiste.]


Rien n'est amusant comme de voir l'idée que messieurs les socialistes plus ou moins « historiques » se forment de l'économie politique classique.


Ils en sont demeurés au temps où Joseph Garnier 2)


2) Du principe de la population, 1857, p. 335.


nous dit que l'on chantait
Les malthusiens, quelle est donc cette engeance ?
Dit en riant le peuple travailleur.
Est-ce un canard rouge, blanc ou régence.
...................…………………………………...
Ne riez pas, tremblez plutôt mes frères
C'est une secte à qui l'Anglais Malthus
Osa léguer ses arrêts funéraires.

L'économiste libéral, on n'en saurait douter, est un être pervers et ignorant.
Il ne connaît que les dogmes de sa secte, et ne fait que répéter à tout propos : laisser-faire, laisser-passer.
Vous n'en pourriez tirer autre chose, car c'est là tout son savoir.
Il n'a jamais lu que la Richesse des nations d'Adam Smith, et vous l'étonneriez fort en lui disant que la science économique s'est enrichie d'autres ouvrages.
De sa nature, il est cruel, on pourrait même dire féroce, et K. Marx est bien bon de ne l'appeler que « l'idéologue du capital » 1).
1) Le Capital, trad. franç., p. 250.

« Agent fanatique de l'accumulation, il force les hommes sans merci ni trêves à produire pour produire » 2).
2) Le Capital, p. 259.

A vrai dire, K. Marx parle des capitalistes ;
mais puisque, suivant lui, les économistes sont leurs hommes liges, on peut aussi leur appliquer ces expressions.
Il n'a de pitié ni pour les femmes ni pour les enfants, et se réjouit en voyant les machines broyer les os et les chairs de ses semblables.
Les Aztèques avaient un dieu nommé Tlaloc, auquel on sacrifiait des enfants, tenus en cage comme des oiseaux.
L'économiste libéral aussi a ses idoles, auxquelles il sacrifie la vie et le bien-être de ses concitoyens.
Pour satisfaire son « libre-échangisme doctrinaire », il repousse la protection, qu'il sait bien être favorable aux intérêts du pays. 
Crainte d'offenser de prétendues lois économiques, il ne trouve pas convenable que l'État s'empare de la Banque de France ;
ce qui pourtant donnerait immédiatement et sûrement la gratuité du crédit à tous les Français.
Enfin, à toute occasion, il oppose ses dogmes aux mesures les plus utiles pour le bien du peuple.
Tantum [en grec...] potuit suadere malorum !
Si en toute chose, l'ignorance de l'économiste libéral est extrême, en histoire elle est phénoménale.
Son intelligence bornée se refuse à concevoir un temps où le boulevard des Italiens n'existait pas.
Il prend Lutèce pour une femme, le Pirée pour un homme, et confond volontiers la Gaule avec une gaule.


Les membres de l'Académie des inscriptions ne pourraient-ils pas donner quelques lumières, en cette matière, à leurs confrères de l'Académie des sciences morales et politiques ?

« Il ne se peut, dit notre auteur, qu'il ne se rencontre pas d'économistes pour retracer l'histoire de la révolution - ce n'est pas moins - qui a transformé la science d'Adam Smith. ...
L'esprit historique a fait invasion dans l'économie politique : le caractère dogmatique que des généralisations précipitées lui avaient conféré a disparu. »

Il est en effet déplorable que les savants français ne connaissent pas l'histoire de cette invasion, suivie d'une révolution.
Pour notre part, sans attendre le Messie qui doit nous en instruire, nous avons tenu à étudier consciencieusement les oeuvres des socialistes de la chaire, et des socialistes populaires.
 Nous n'oserions pas dire avoir toujours compris ces puits de science, car ils ont de bien étranges expressions.
Plus d'une fois, en les lisant, nous nous sommes rappelé le temps où nous avions formé le dessein chimérique de comprendre la philosophie de la nature de Hegel.
Par exemple, les explications de M. F. Enke sur l'éthique :

« Wenn die Ethik nichts anders ist als die Darstellung der handelnden Vernunft, » etc. (System der Nationalökonomie, Stuttgart, 1885),
en français:
"Si l'éthique n'est rien d'autre que la représentation de la raison agissante,"

ne nous semblent guère être plus claires que celles de Hegel, quand il nous dit que la lune est la lumière dans son premier état.
Mais enfin, pour autant que nos faibles lumières nous permettent d'en juger, nous sommes parfaitement d'accord avec notre auteur sur les tendances des doctrines « historiques ».

« Une série de recherches, dont l'école allemande surtout a pris l'initiative, ont démontré que l'organisation de la société moderne, avec les grands capitaux, la concurrence industrielle, le salariat, n'était pas une loi immuable de la nature. »

Vraiment quel économiste de bon sens a jamais pu croire cela ?


Immuable, veut dire, suivant le dictionnaire, qui n'éprouve aucun changement.
Se peut-il, qu'avant les recherches historiques de l'école allemande, on crut que « les grands capitaux, la concurrence industrielle, le salariat », aient existé de tout temps, même chez nos ancêtres préhistoriques?
Mais notre auteur doit probablement entendre le mot immuable seulement pour l'avenir, car il complète sa pensée en disant que notre organisation n'est
« qu'une étape particulière et temporaire dans la lente évolution de l'humanité ».
Cette proposition aussi ne trouvera pas beaucoup de contradicteurs.
Il serait plaisant de prétendre que la société humaine conservera, dans tous les siècles futurs, jusqu'à ce que le soleil, se refroidissant, rende la terre inhabitable, l'organisation qu'elle a en l'an de grâce 1893 !
M. G. de Molinari ne cesse d'insister, dans ses oeuvres, sur cette marche progressive de l'humanité.
Il a même écrit un livre qui a pour titre : l'Évolution économique.
Dans un autre livre, intitulé : Notions fondamentales d'économie politique, il nous expose les diverses phases des phénomènes économiques.
Bien plus, il se trouve d'accord avec notre auteur pour prévoir que notre société deviendra socialiste, et il ajoute
« que le programme économique ne sera réalisé qu'après l'échec des programmes socialistes ».


M. de Molinari serait-il passé à l'ennemi ?


Nous croyons, en général, toutes ces prévisions sur l'avenir de la société fort hypothétiques, mais s'il fallait absolument en faire une, nous accepterions celle de M. de Molinari.
Oui, nous croyons que notre société passera par une phase socialiste ; mais il y a encore une autre question, qui a bien son importance, et c'est de savoir si ce sera pour le plus grand bien ou le plus grand mal de l'humanité.
Les partisans de l'école historique confondent constamment ensemble ces deux ordres d'idées.
Ils découvrent - ou plutôt ils croient découvrir - que le cours des événements aura lieu dans un certain sens ;
et ils raisonnent comme si, par cela seul, il était démontré que c'est le meilleur.
Ce sont pourtant deux choses qui n'ont rien à voir ensemble.
Il y a quelques années, on pouvait se demander si certaines colonies de l'Australie se laisseraient envahir par le socialisme d'État.
C'était un problème.
Mais il y en avait aussi un autre : celui de savoir si la nouvelle organisation aurait profité à ces colonies, si elle y aurait porté la prospérité ou la ruine.
Les économistes libéraux pouvaient parfaitement se trouver d'accord avec les « historiques » sur la solution à donner au premier problème.
C'est sur la seconde question que l'accord cessait.
Maintenant que les faits ont prononcé, pourquoi les partisans de « l'École historique» n'en veulent-ils pas tenir compte 1) ?


1) Un économiste libéral, M. J. Chailley-Bert, a publié sur les expériences socialistes de l'Australie une étude « historique ».
Elle mérite d'être méditée par les personnes qui désirent se rendre compte où peut conduire le socialisme d'État.

Nous avons observé que, depuis quelque temps, on ne nous cite plus l'Australie parmi les pays à imiter pour faire du socialisme d'État.
Malheureux pays !


Aurait-il cessé d'appartenir à l'histoire, depuis que son exemple témoigne contre l'excellence des doctrines socialistes?


Eh bien ! malgré que les économistes libéraux ne soient que de purs doctrinaires, ils se montrent plus fidèles à l'histoire que l'école qui usurpe ce nom.
Ils recherchent avidement, dans le passé et dans le présent, tous les faits qui peuvent confirmer ou infirmer leurs théories.
C'est aux faits, aux seuls faits, qu'ils s'adressent pour juger, en dernier appel, de tout raisonnement.
Ils ne ferment pas si « systématiquement les yeux à tout ce qui se fait hors de leurs frontières », qu'ils aient manqué de s'enquérir des résultats qu'avait donnés en Allemagne l'exploitation des chemins de fer par l'État.
Il a paru là-dessus, dans la Revue des Deux Mondes, un article dont les socialistes se seraient probablement fort bien passés.
Les économistes libéraux poussent aussi la curiosité jusqu'à étudier les beaux résultats qu'a produits en l'Allemagne la loi sur l'assurance obligatoire ;
et ils n'ont garde d'oublier l'histoire fort instructive de l'intervention « éthique » de l'État dans les banques italiennes.
Ils [r]éunissent tous ces faits, et bien d'autres, ensemble, les [c]lassent, les comparent, et tâchent d'en tirer quelques lois.
Mais voilà assez « d'histoire » pour aujourd'hui.
La semaine prochaine nous reprendrons cet argument

.
                                         III
                      [ La doctrine de l'évolution.]


Les disciples de l'école « historique » se croient fort avancés, tandis qu'ils sont au contraire très arriérés et qu'ils discutent encore des questions qui sont résolues, et bien résolues, depuis près d'un siècle.
On comprend, à la rigueur, que quand Knies publia, en 1855, son livre Die politische Oekonomie, etc., il ait pu se faire l'illusion de croire qu'il était le premier à tenir compte de l'évolution historique.
Il a eu lui-même la loyauté de reconnaître, dans la seconde édition de son livre publiée en 1883, qu'en 1852 il ne connaissait pas encore la Philosophie positive d'Auguste Comte.


Mais comment les disciples de Knies n'ont-ils pas encore ouvert les yeux et ne se sont-ils pas aperçus que la doctrine de l'évolution, qu'ils s'imaginent naïvement avoir découverte, règne depuis longtemps dans toutes les sciences?


La connaissance de l'histoire est nécessaire pour l'étude de l'économie politique !


Oui, vraiment, et bien d'autres connaissances encore !
Un certain Herbert Spencer, qui jouit de quelque notoriété dans le monde, bien qu'il soit encroûté dans les théories classiques en économie politique, a expliqué clairement, dans l'Introduction à la science sociale, qu'on ne saurait aborder l'étude des sociétés humaines sans connaître la plupart des sciences naturelles.
Buckle, qui a donné d'excellentes démonstrations historiques des vérités de l'économie politique, insiste beaucoup sur la nécessité, pour l'historien, de tenir compte de toutes les sciences, de les connaître et d'en étudier le développement.
Si les disciples de l'école « historique » avaient bien voulu suivre ce conseil, ils auraient évité un grand nombre d'erreurs.
Voyez plutôt la grande découverte qu'ils croient avoir faite :

« La constitution économique de la société, à une époque quelconque, est le résultat des états antérieurs et la cause des états futurs ».

Cette proposition leur paraît tellement extraordinaire, le sens leur en semble tellement beau, profond, lumineux, mirifique, que, depuis quarante ans, ils ne cessent de la répéter, de la paraphraser de toutes les manières possibles.
Mais la doctrine du déterminisme est ancienne comme le monde!
Vous pouvez la suivre depuis l'antiquité jusqu'à nos jours, la voir pousser des rameaux dans le calvinisme et le jansénisme et s'épanouir complètement dans la science moderne.
Bien avant que les prophètes de l'école « historique » nous eussent annoncé la bonne nouvelle, Laplace avait déjà dit que :

« nous devons envisager l'état présent de l'univers comme l'effet de son état antérieur et comme la cause de celui qui va suivre 1)».
1) Théorie analytique des probabilités, Paris, 1810, p. ii de l'introduction.

Et, cet illustre astronome, par ses admirables travaux sur la mécanique céleste, avait donné au déterminisme l'appui d'une base solide.
Si l'école « historique » se bornait à énoncer comme nouvelles des propositions déjà connues, on pourrait sourire de son illusion et se trouver d'accord avec elle.
Malheureusement, après avoir établi ces théorèmes, elle prétend en tirer des conclusions qui y semblent étrangères.
 
Et quand on lui demande de les démontrer, elle s'obstine à donner, au contraire, la preuve des prémisses, sur lesquelles personne n'élève le moindre doute.
Prenons, comme exemple, une autre des prétendues découvertes de l'école « historique», c'est-à-dire la relativité des lois économiques.
Comme principe général, personne ne le conteste.
Il faudrait vraiment être dénué de bon sens pour prétendre que les phénomènes économiques qui s'observent dans l'Angleterre moderne sont de tous points les mêmes que ceux qu'on observe en Patagonie, ou que ceux qui se produisaient chez les anciens Bretons.


Mais, entre être de tous points identiques et n'avoir rien de commun, il y a un abîme et c'est ce dont ne paraissent pas se douter messieurs les « historiens »
qui ne veulent pas entendre parler de lois économiques générales et
qui affectent de ne traiter que de l'économie nationale d'un peuple.


Si nous disons à un zoologue que la structure des animaux est relative au milieu où ils vivent, il nous approuvera fort ;
mais si nous prétendons tirer la conséquence, qu'en Amérique, la circulation du sang des insectes se fait comme celle des mammifères européens, il nous engagera à acquérir quelque légère teinture d'anatomie générale.
Or, il n'y a rien d'étonnant à ce que tous les hommes, ayant en commun certains caractères anatomiques, biologiques et psychologiques, aient aussi quelques points de ressemblance dans leurs actions économiques;
et il est bien naturel que la science étudie les lois générales qui régissent ces problèmes, en tenant compte, bien entendu, des modifications qu'elles peuvent éprouver par l'action des différents milieux ambiants.
Ainsi, le principe hédonistique qui s'énonce en disant que
tout homme tâche, autant qu'il le petit, de se procurer le maximum de bien-être avec le minimum de peine,


paraît bien s'appliquer à toute l'humanité, telle que nous la connaissons et que nous la fait connaître l'histoire.
Si un jour - ce qui nous paraît fort douteux – on découvre des hommes auxquels ne s'applique pas le principe hédonistique, il faudra alors s'occuper de faire une autre économie politique à leur usage ;
mais, pour le moment, nous pouvons nous borner à considérer seulement les hommes tels qu'ils existent.
Bien d'autres lois secondaires, même des lois empiriques, s'appliquent à toutes nos sociétés civilisées.


[1] Par exemple, la loi de Gresham, qui veut que la mauvaise monnaie chasse la bonne, s'est toujours vérifiée jusqu'à présent.
 C'est l'application de cette loi qui nous a permis de prévoir, il y a deux ans, que les efforts du gouvernement italien pour empêcher d'émigrer la monnaie d'appoint seraient absolument vains.
Notre raisonnement était des plus simples.


L'histoire nous apprend qu'en un temps où les moyens de communication n'étaient pas aussi développés qu'ils le sont maintenant, et où les gouvernements punissaient de peines extrêmement sévères l'exportation de la monnaie, l'effet de la loi de Gresham n'était pas entravé.
Il était aisé d'en conclure que cet effet devait encore se produire dans des conditions qui se trouvaient être bien plus favorables.
 
Les faits, on le sait, sont venus confirmer entièrement ces prévisions.


[2] L'histoire nous enseigne que les efforts des gouvernements pour fixer arbitrairement les prix des marchandises ont toujours été vains.
Et cette loi générale est démontrée rationnellement en économie politique.
Aussi, quand le gouvernement des État-Unis d'Amérique entreprit de maintenir une valeur fictive de l'argent, les économistes prévirent qu'il ne réussirait qu'à faire naître une crise économique dans le pays.
Se sont-ils trompés ?


[3] L'expérience enseigne, et l'histoire confirme, que l'intérêt personnel et le sentiment de personnalité sont les causes les plus puissantes des actions de la grande masse des hommes.
Quand on prétend y substituer l'artifice de la loi, on va généralement contre le but qu'on se propose.
En partant de ces principes, les économistes n'eurent aucune difficulté pour prévoir que
la loi sur l'assurance obligatoire contre les accidents ferait augmenter plutôt que diminuer le nombre de ceux-ci.
Maintenant, les faits ont parlé.


En Allemagne, le nombre des accidents suit une progression inquiétante.
Années   Nombre d'accidents
 
1886              82.596
1887             105.897
1888             121.164
1889             139.549
1890             149.188
1891             162 .674


S'il plaît à l'école « historique » de fermer volontairement les yeux sur les faits les plus patents, nous avons le regret de ne pas pouvoir la suivre.


Pour nous, le criterium de vérité d'une théorie,
c'est qu'elle explique les faits du passé et mette en mesure de prévoir ceux de l'avenir, et
c'est parce que les théories de l'économie politique classique présentent ce caractère que nous les suivons.


Nous ignorons si l'Europe traversera ou non une période socialiste.


La chose nous paraît fort probable, mais la science manque d'une théorie qui permette de prévoir avec sûreté cet événement.
Au contraire, elle en possède une, éprouvée mainte et mainte fois par l'expérience, qui lui permet de prévoir, avec toute la précision désirable, l'effet économique qu'aura ce fait, s'il se produit.
Et cet effet sera une énorme destruction de richesse,
d'où suivra, comme conséquence inévitable,
la misère et la mort pour un grand nombre d'hommes.


Tel est le but auquel aboutiront nécessairement tous les systèmes qui, par ignorance et de parti pris, vont à l'encontre des conditions que la science enseigne pouvoir seules produire le maximum de bien-être.
Peu importe les beaux noms dont se décorent les différents systèmes socialistes.


Qu'il s'agisse
- du socialisme populaire,
- de celui de la chaire ou
- de celui qui se dit chrétien,
qu'on ait en vue la communauté des biens et des femmes, ou seulement, la socialisation des instruments de travail,
que, pour ne pas trop effaroucher le bourgeois, on parle de société coopérative au lieu de société socialiste,
qu'on y arrive par l'évolution naturelle du protectionnisme et du militarisme, ou bien par une révolution ;
que les socialistes, faisant taire leurs scrupules, s'unissent aux politiciens pour que la société glisse de la tyrannie des uns dans celle des autres, ou bien
que les socialistes chassent les politiciens et prennent leur place,
ce ne sont là que des questions de forme, plus ou moins importantes, mais qui ne changent rien au fond des choses.
L'effet final sera le même, et les maux qui en seront la conséquence retomberont précisément sur la classe des travailleurs, que l'on prétend vouloir soulager." 

Et l'Europe a connu misère et destructions depuis 1893.


Et cela ne semble pas fini en 2014 à cause des dirigismes nationaux ou régionaux (type Union européenne).
Et les lois économiques ne sont pas relatives "au sens de Pareto", mais à faire valoir et à découvrir contrairement à ce que pérorent les sbires de l'Etat qui croient toujours dans les réglementations qu'ils concoctent et dans tous les vols et destructions dont ils ne parlent pas.


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Georges Lane enseigne l’économie à l’Université de Paris-Dauphine. Il a collaboré avec Jacques Rueff, est un membre du séminaire J. B. Say que dirige Pascal Salin, et figure parmi les très rares intellectuels libéraux authentiques en France. Publié avec l’aimable autorisation de Georges Lane. Tous droits réservés par l’auteur
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