L'irrésistible ascension de l'or, semble
poser problème à certains analystes qui y voient une bulle.
L'or a, en effet, franchi allégrement 1300
dollars l'once et à même atteint le cours historique de 1349, 90
dollars l'once, le 6 octobre.
Nouriel Roubini avait résumé les
arguments de ceux qui voient une bulle sur le marché de l'or, dans un
article intitulé « la bulle spéculative de
l'or » (Les Echos), il expliquait en, effet, que l'or permet de se
couvrir contre une forte augmentation de l'inflation et une dépression
qui entraîne une implosion du système bancaire. Toutes
conditions qui ne lui semblaient pas remplies dans la phase actuelle.
Qu'est ce qu'une bulle en finance?:
Une bulle c'est l'augmentation d'un actif financier
qui repose sur la croyance que celui-ci va continuer à augmenter,
alors que celle-ci n'a aucune raison objective.
Mais c'est aussi et surtout, le fait qu'un actif
atteigne une valeur très supérieure à sa valeur
réelle (ou fondamentale).
Les prix de l'immobilier, aux États-Unis,
avaient atteint ainsi, en 2006, un niveau que rien ne justifiait.
La question qui se pose concernant l’or est de
savoir si sa valeur est surévaluée.
La valeur de l’or est-elle
surévaluée ? :
Schéma 1 :
l'once d'or ajusté par l'inflation (CPI).
Afin de répondre à cette question, on
prend en générale, le pic atteint en 1980 à 850 dollars
l’once et on le corrige de l’inflation.
Si on utilise l’indice des prix à la
consommation (CPI), le prix de l’once d’or ajusté de
l’inflation est d’environ 2300 dollars l’once (comme le
montre le schéma 1). On pourrait donc en déduire que la valeur
de l'or n'est pas surévaluée.
Schéma 2 :
cours de l'once d'or ajusté par le SGS.
Mais on peut utiliser, un autre indicateur
statistique, plus proche de la réalité : le SGS. On obtient
dans ce cas un prix ajusté de l'inflation de 7500 dollars. Résultat
qui parait surprenant.
Ajoutons à cela, que Jill Leyland (World Gold
Council) a mené une
étude (intitulé "The Golden Constant") qui montre que "l'or et les prix
à la consommation ont
globalement suivi le même rythme aux États-Unis de 1800
à nos jours". Si la chose est vraie, l'or a de la marge.
Dans un excellent article ( "L'or a 10 000
dollars l'once") Kenneth
Rogoff émet une critique pertinente. Il considère, en effet,
que le pic de 1980 est un point aberrant (non significatif) du aux tensions géopolitiques
de l'époque.
On pourrait utiliser une autre méthode : le
ratio Gold / SP 500. On se rendrait compte que ce ratio est bien en dessous
de sa moyenne historique (1928 à nos jours), qui se situe 1,4 x alors
qu'elle est actuellement de 1,15 x (29 juin 2010).
La lacune essentielle de ces analyses, c'est
qu'elles considèrent l'or comme une matière première ou
un actif financier, alors qu'il faut, avant tout, considérer l'or
comme une monnaie après la crise actuelle.
L'or est une monnaie :
Dans un contexte ou les taux d'intérêt
sont historiquement bas et où ils ne peuvent pas remonter, sous peine
d'entraîner la faillite des états; et où ceux-ci ont
recours à une création monétaire effrénée
afin de renflouer leurs systèmes bancaires et relancer leurs
économies, les monnaies ne peuvent plus jouer leur rôle
économique.
Premier exemple : le cas du Yen. Le yen a atteint
des niveaux historiques par rapport au dollar. Cela traduit-il la bonne
santé relative de l'économie japonaise par rapport à
l'économie américaine ?. Non, car cela risque de bloquer le
seul relais de croissance qui fonctionne : les exportations.
La hausse traduit simplement le fait que les Chinois
se soient mis à acheter de la dette japonaise.
Deuxième exemple : l'euro. La hausse de l'euro
vis avis du dollar ne traduit pas la meilleure santé de
l'économie de la zone euro par rapport à l'économie
américaine.
La zone euro est confrontée à un
nouvel épisode de la crise de la dette souveraine, avec les
déboires de l'Irlande : système financier en pleine
déroute et croissance en panne (-1,2 % au second trimestre).
La hausse de l'euro traduit simplement le fait que
la FED envisage de recourir à des mesures de "quantitative
easing" afin de stimuler son économie ( pour un montant
estimé de 1000 milliards de dollar).
Dans un contexte de forte incertitude, l'or joue le
rôle d'une monnaie qui inspire confiance.
L'or est une monnaie parce qu'il représente
l'essentiel des réserves de changes des banques centrales des pays
riches ( aux États-Unis 72,8 %, en Allemagne 68,1 % et en France 65,6
%). Ajoutons à cela que la banque centrale chinoise, les banques
centrales asiatiques achètent massivement de l'or et que les banques
centrales européennes ont cessé de vendre leur or.
On peut donc dire que globalement les banques
centrales sont acheteuses d’or et non plus vendeuses. Quelle meilleure
preuve de confiance peut-on trouver ?.
L’or permet, en outre, d’évaluer
à long terme, n’importe quel bien et service, ce qui est la
principale qualité d’une monnaie (un équivalent
général).
Enfin tout le monde sait, que le système
monétaire international, ne peut pas continuer à fonctionner
avec le dollar, comme monnaie de réserve internationale à cause
de l‘endettement public abyssal des États-Unis, et qu’il
faudra passer à une nouvelle monnaie internationale basée sur
un panier de monnaies en y incluant l’or.
En effet la crise actuelle n’a fait
qu’accroître l’écart grandissant existant entre la
richesse créée aux États-Unis et l’augmentation de
la masse monétaire (au sens de M3 qui est l’agrégat le
plus large), on peut estimer qu‘il existe un rapport de 1 à 10.
Le dollar est donc une monnaie virtuelle qui ne repose que sur la confiance
que l’on a dans l’économie américaine.
L’or a donc vocation, avec d’autres
monnaies, à se substituer au « roi dollar ».
La hausse de l’or à long terme repose
sur deux facteurs principaux : la baisse des taux
d’intérêt et le fait que les Chinois et les banques
centrales asiatiques achètent massivement de l’or. Ajoutons
à cela que l’augmentation du niveau de vie dans les pays
émergents accroît la capacité de leurs habitants à
acheter de l’or. Il faut, d’ailleurs, remarquer qu’ils
utilisent l’or comme une monnaie (en Inde par exemple).
La récente loi chinoise qui a
libéralisé le marché de l’or s’inscrit dans
ce cadre.
Un indicateur qui permette de
détecter une éventuelle bulle :
On pourrait, évidement, poser la question
à contrario: quelles seraient les conditions qui permettraient de
conclure à une bulle sur le marché de l’or ?.
Prenons, par exemple, le ratio taux de rendement des
bons du trésor à long terme / taux
d’intérêts à court terme (taux directeur). Dans le
contexte actuel, si ce ratio augmente, cela signifiera que le taux rendement
sur les bons du trésor à long terme augmente, traduisant la
difficulté pour les États-Unis de financer leur dette à
long terme. L’or devrait donc augmenter.
En revanche si celui-ci diminue, cela voudra dire
que les taux d’intérêt à court terme augmente et /
ou que le taux de rendement des bons du trésor à long terme
diminue. Il faut évidement que cette baisse soit significative,
jusqu’au point où les taux d’intérêt
réels à court terme redeviennent positifs. L’or devrait donc baisser.
Admettons maintenant que ce ratio baisse et que
l’or continue à augmenter, dans ce cas, on pourra se poser la
question de savoir s’il y a une bulle sur le marché de
l’or, surtout si on enfonce par le bas la moyenne mobile à 20
jours et un support majeur ( par exemple le support majeur de long terme des
1180 dollars).
En conclusion, il ne
pourra y avoir une bulle sur le marché de l’or que si les taux
d’intérêt remontent et si les Chinois et les banques
centrales asiatiques arrêtent d’acheter de l’or. Conditions
qui sont loin d’être remplies puisque la reprise n’est pas
au rendez-vous au États-Unis et que la crise de la dette souveraine
est loin d’être réglée dans la zone euro.
On peut donc penser que dans un avenir proche
l’or pourrait atteindre les 1500 dollars l’once d’or.
Simone Wapler (moneyweek) nous explique, en outre,
dans un excellent article (« Préférez la bulle de
l’or à celle des obligations souveraines »),
qu’il faut investir dans les minières : « Le ratio
Gold/XAU indique si les minières sont sous-évaluées ou
surévaluées par rapport à l'or. La frontière
d'achat se situe à 4,5. Au-dessus, les minières sont
sous-valorisées. En dessous, elles sont surévaluées. Le
ratio est actuellement favorable à l'achat puisqu'il s'établit
à 6,68.
Le ratio or/pétrole à 15,59 (une once
achète plus de 15 barils) est favorable à l'industrie
minière ».
En définitive plutôt que de
s’interroger pour savoir s’il y a une bulle sur le marché
de l’or, ne faudrait-il pas se poser la question de savoir quand
l’or avec d’autres monnaies va se substituer au « Roi
dollar » ?.
.
Paul Bara
Blog de la Finance et de l’Economie.com
Paul
Bara a été trader, économiste de marché puis
directeur financier. Il a parallèlement enseigné
l'économie et la finance à Paris X et à l'ENA. Vous
pouvez lire régulièrement ses analyses sur son site en cliquant
ici.
|