La Guerre froide fait référence à l’état de tension politique et
militaire, après la Deuxième Guerre, entre les puissances du bloc de l’Ouest
(États-Unis, Europe de l’Ouest et Japon) et celles du bloc de l’Est (Union
soviétique et pays du Pacte de Varsovie). Les historiens ne s’accordent pas
sur les dates exactes, mais on parle généralement de la période entre 1947 et
1991. Cette guerre était « froide », dans le sens où n’y avait pas de combats à grande échelle entre les deux
camps, malgré des conflits majeurs en Corée, au Vietnam et en Afghanistan,
supportés par les deux côtés. Cependant, la menace d’une guerre nucléaire
était toujours présente. La Crise des missiles de Cuba, en 1962, constituait
une confrontation directe et dangereuse entre les États-Unis et l’Union
soviétique durant la Guerre froide, et fut le moment où les deux
superpuissances ont frolé au plus près un conflit
nucléaire. Le Mur de Berlin, qui symbolise le mieux la Guerre froide, fut
érigé en 1961, et détruit en 1990. Il était présenté à l’Est, comme « rampart de protection anti-fasciste »
et, à l’Ouest, comme « mur de la honte ». J’ai passé près de la
moitié de la Guerre froide à l’Est et l’autre moitié à l’Ouest, alors j’ai eu
la chance de l’observer des deux côtés.
Le 3 décembre 1989, Mikhail Gorbachev
et George H.W. Bush ont déclaré la fin de la Guerre froide, lors du sommet de
Malte. Une nouvelle ère d’ouverture et de collaboration entre les deux blocs
débuta, qui fut confirmée par l’invitation à la Russie des leaders du G7 à se
joindre aux sommets annuels, qui devinrent les G8. Par la suite, la Russie
fut exclue du forum par les autres membres en 2014, suite à son implication
dans la crise de la Crimée, en Ukraine, mettant ainsi fin à cette période de
16 ans de détente et de désarmement.
Barak Obama et Vladimir Poutine – Fin de la détente, début de la
« nouvelle » Guerre froide entre les États-Unis et la Russie
Cependant, l’effondrement de cette nouvelle ère de détente et de
désarmement n’a pas débuté avec l’invasion de la Crimée, mais plutôt, selon
moi, avec la décision de George W. Bush, en 2007, d'installer dix missiles
intercepteurs au sol en Pologne et un système radar avancé en République
tchèque, sous prétexte de se protéger des missiles à longue portée de l’Iran.
Vladimir Poutine ne l’a pas vu ainsi. Selon lui, l’Iran n'était pas l'objet
de cette installation, mais bien la Russie, comme il l’a sarcastiquement
exprimé dans une récente interview.
En 2009, l’administration Obama annonça que le projet avait été abandonné,
mais le dommage était fait. Le président Poutine l’entend comme un retour à
la Guerre froide et, depuis ce temps, s'éloigne des États-Unis et se tourne
vers l’est pour forger des alliances contre les États-Unis. Poutine est
d’ailleurs un "nostalgique" de l’ère soviétique.
L’effondrement de Lehman Brothers,
en septembre 2008, a presque détruit le système financier mondial.
Contrairement aux pays du G7 (États-Unis, Canada, Royaume-Uni, Japon, France,
Allemagne, Italie et Union européenne), les pays du BRICs
(Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) sont sortis de la crise
financière remarquablement bien. Durant cette crise, l’or émergea en tant
qu’alternative plus sécuritaire pour les réserves que le dollar US, l’euro ou
le yen japonais. La crise financière et l’initiative américaine pour les
missiles ont poussé Vladimir Poutine à adopter une mentalité de Guerre
froide : une approche de confrontation avec les États-Unis, mais pas
nécessairement avec l’Europe. La crise Ukrainienne a donné la chance au
président Poutine de répondre à l’initiative des missiles en position de
force et, en bon joueur d’échecs, il a sauté sur l’opportunité.
Leaders du G7 – États-Unis, Canada, Royaume-Uni, France, Allemagne,
Italie, Union européenne et Japon
BRICs Leaders -
Brazil, India, Russia, China and South Africa
La « nouvelle » Guerre froide est similaire à l'ancienne mais,
en même temps, différente. Durant la Guerre froide, l’Europe était presque
intégralement alignée sur les États-Unis. Nous devons nous souvenir que, non
seulement la France, mais aussi l’Allemagne de l’Ouest, à plusieurs
occasions, agirent indépendamment des États-Unis envers l’Union soviétique,
tandis que, dans la seconde moitié de la Guerre froide, la Chine fut autant
en conflit avec l’Union soviétique qu’avec les États-Unis. La France joua un
rôle majeur dans l’effondrement du standard or, mais d’autres pays européens
furent également impliqués, comme le Royaume-Uni. Durant la Guerre
froide, la Russie (via la Suisse) et la Chine (via Hong Kong) utilisèrent
l’or pour leurs paiements à l’Ouest. Les deux pays connaissent donc
parfaitement le marché de l’or. Il devint évident, après la crise de
2008, pour la Russie et la Chine que le « privilège exorbitant » du
dollar US ne pouvait plus durer. Observez, dans le graphique ci-dessous,
l’accélération de l’augmentation des réserves d’or de la Chine et la Russie
après la crise, accélération suivie par la plupart des pays asiatiques.
Cette « nouvelle » Guerre froide, qui a débuté avec les devises
et l’or, est une guerre financière. Mais une guerre du commerce international
est en train de lentement se développer. Et l’or, là-dedans ? Chris Powell
(GATA), a déjà dit : « Les États-Unis préféreraient révéler
leurs secrets nucléaires que de révéler leurs actions sur le marché de
l’or ». Et j’ajouterais que la Chine, également, préférait révéler ses
secrets nucléaires que ses agissements sur le marché de l’or. Une Guerre
froide commerciale a définitivement débuté entre les États-Unis et la Russie,
avec l’or au coeur du conflit. L’Union européenne
s’est ralliée timidement aux États-Unis, pas jusqu’au bout, et la Chine n’est
pas, non plus, complètement alignée sur la Russie.
Dans cette « nouvelle » Guerre froide, nous avons un
environnement G0 dans lequel aucun pays ne domine. C'est la différence avec
"l'ancienne" Guerre froide. Les États-Unis et l’Europe sont
aussi faibles financièrement l’un que l’autre, à cause de dettes
exorbitantes, et la Chine et la Russie ne sont pas prêtes – encore – à se
frotter à la puissance militaire américaine. De nouvelles alliances se
forment et d’anciennes s’étiolent. La Russie s’en prend principalement aux
États-Unis en essayant de les isoler. Pour cela, elle forge des alliances
avec les pays des BRICs et essaie d’avoir une approche
beaucoup plus souple avec l’Union européenne qu’avec les États-Unis.
Et la Chine et la Russie accumulent de l’or à un rythme très rapide depuis
2008 avec, comme objectif clair, de contribuer à éliminer le « privilège
exorbitant » du dollar US dans le commerce international et comme
monnaie principale de réserve. La Chine et la Russie ont signé des accords
commerciaux qui contournent le dollar US. L’Arabie Saoudite, acteur
principal du marché des pétrodollars, s'éloigne de plus en plus des États-Unis…
Je ne serais pas surpris si, tôt ou tard, l’Arabie Saoudite abandonnait le
dollar US comme unique moyen de paiement pour son pétrole. Et la plupart des
pays producteurs arabes pourraient suivre dans la foulée.
Cependant, il faut faire attention à ce que cette « nouvelle »
Guerre froide ne dégénère pas en vraie guerre militaire. Le fait que la
Guerre froide n’ait pas dégénéré ne signifie pas que celle-ci ne le pourrait
pas. Une incompréhension des intentions de l’adversaire, un excès de
confiance et l’ignorance vis-à-vis de l’autre peuvent déclencher une nouvelle
Guerre mondiale. Barak Obama, dans une récente interview, a
déclaré : « Je crois qu’il est important de conserver une
perspective… la Russie ne fait rien. » Encore une fois, un président
américain démontre une ignorance des autres pays. La frustration de la Russie
envers les États-Unis est très bien présentée par Sergei Glaziev,
un conseiller du président Poutine, dans une récente interview.
Les principaux acteurs de cette « nouvelle » Guerre froide seront
les États-Unis et la Chine, et non pas la Russie, mais l’Union européenne
jouera, avec la Russie, un rôle majeur. La nouvelle Guerre froide est autant
financière que politique, mais elle pourrait facilement dégénérer en une
guerre militaire. Les guerres de devises et de l’or ont déjà
basculé en guerre commerciale, à cause des sanctions contre la Russie.
En cette période de transition vers un nouvel ordre mondial où
l’incertitude et le risque dominent, l’or représente la monnaie « de
dernier recours » et la monnaie de réserve préférée des banques centrales. Il
ne peut en aucun cas être confisqué si, et c’est un gros ‘si’, il est
entreposé dans son propre pays. Les États-Unis ont une longue tradition de
confiscation ou de gel d’actifs étrangers quand ils le considèrent dans leur
« intérêt national ». C'est pour cette raison que de plus en plus
de pays veulent rapatrier leurs réserves d’or. Nous savons que les grands
acteurs géopolitiques accumulent de l’or, mais nous ne connaissont
pas exactement les montants. Le marché de l’or est, et a toujours été, un
marché très opaque. La montée du pétro-Yuan et la lente, mais certaine,
érosion de l’hégémonie du dollar US joueront un rôle majeur dans cette
« nouvelle » Guerre froide qui se conclura par une remise à zéro du
système monétaire international. Tout nous indique que l’or sera au centre de
ce nouveau système. En attendant cette remise à zéro, qui j’espère ne sera
pas précédée d’une vraie Guerre mondiale, l’or performera mieux que toutes
les devises.