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La « propriété
intellectuelle » fait, depuis quelques années,
l’objet d’une « protection » juridique de
plus en plus poussée. Certains battages médiatiques soigneusement
initiés par quelques chanteurs de renom ont su toucher les cœurs
de nombreuses personnes.
Il est évident qu’il n’est pas plaisant
pour un artiste de voir ses œuvres être diffusées
gratuitement sur le Net. Malheureusement – et cela n’est en aucun
cas un message de désespoir ou de dépit à
défendre la cause de ces artistes – le soutien à cette
cause ne peut être que moral et, en aucun cas, il n’est possible
techniquement d’accéder à leur demande de protection. Une
protection juridique pourrait donner lieu à de dangereuses
dérives, dues notamment à la confusion sémantique
qu’elle entraîne.
En effet, la « propriété
intellectuelle » n’est qu’un mirage juridique, sorte
de dernier legs empoisonné de Louis
XVI, peu avant sa guillotine. Hélas, un terme, bien enrobé,
peut ainsi suffire à changer profondément les mœurs et
à dérouter les juristes eux-mêmes, lesquels ont fait
preuve d’une intolérable pusillanimité face à
cette mutation. La « propriété
intellectuelle » (copyrights, brevets, marques) touche des biens
immatériels. Nous sommes en pleine dénaturation de
l’aspect physique qui est un des éléments essentiels
permettant de définir convenablement le droit de
propriété classique.
Curieusement, alors que, depuis plusieurs
décennies, le droit de propriété
« classique » subit des limitations de plus en plus
importantes, remettant en cause son caractère sacré, le
non-respect de la propriété intellectuelle peut faire
l’objet de poursuites pénales. Une nouvelle discipline juridique
est ainsi en train de se créer : le droit pénal de la
propriété intellectuelle.
Mais, depuis les années 1980, un programmeur,
souvent décrié – en partie pour son
« look » atypique – mène un combat contre
la propriété intellectuelle : Richard Stallman,
auteur d’un manifeste
à ce sujet.
Ne se contentant pas d’une lutte doctrinale, Stallman mit en pratique ses idées, créant,
dans le domaine informatique, un système d’exploitation libre,
GNU, lequel permet l’utilisation de tous les logiciels libres.
Stallman souhaitait
éviter une cartellisation du domaine informatique. Le personnage,
malgré ses excès, n’avait pas tort : en effet, une
entreprise comme Microsoft
profite allègrement de ses brevets pour monopoliser ce secteur. Le
problème est que nous ne nous trouvons alors plus dans un
marché libre : ce type d’entreprises jouissent de monopoles
légaux mais transmettent pourtant à la population
l’illusion qu’elles sont l’émanation d’un
marché déréglementé, ce qui est loin
d’être le cas.
Souhaitant maximiser la portée de son projet, Stallman créera une organisation à but non
lucratif, la Free Software Foundation, dont
l’objet principal sera de financer des développeurs qui
contribueront au projet GNU.
À l’heure actuelle, les craintes de Stallman sur la protection toujours plus poussée
de la « propriété intellectuelle »
s’avèrent justifiées. Après la chute
de Napster, il y a onze ans, la justice
américaine s’en prend désormais
à Megaupload.
Les pouvoirs publics de tous pays (et la France
n’est pas épargnée
par la colère des « hacktivistes »
du fait de la loi HADOPI) vivent encore dans l’illusion qu’ils
peuvent nettoyer le Net à leur guise. Quand ils ont réduit Napster à portion congrue, ils ne
s’attendaient sans doute pas à ce que d’autres sites de
téléchargement apparaissent. Et, de la même façon,
il serait utopique de croire que personne ne se substituera à Megaupload. Surtout quand on observe la colère du
mouvement Anonymous, bien décidé
à contrer les lois des pouvoirs publics en la matière.
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