J’ai regardé le weekend
dernier un documentaire au sujet des difficultés
rencontrées par ceux qui cherchent à protéger la forêt d’Amazonie, qui se
concentre principalement sur le Pérou.
Le documentaire suit le
caméraman animalier Charlie Hamilton James alors qu’il observe les 100 acres
de forêt tropicale qu’il vient d’acquérir. Il a acheté son terrain dans l’idée
de pouvoir au moins protéger une petite partie de la forêt d’Amazonie contre
l’exploitation forestière et minière clandestine. Le documentaire ne tarde
pas à montrer à quel point Hamilton James a été naïf, et que derrière chaque
cas d’exploitation forestière ou minière illégale se cache le combat d’hommes
pour leur survie.
Le documentaire fait partie d’une
série, mais il a particulièrement attiré mon attention parmi les autres,
parce qu’il se penche sur les activités minières illégales au Pérou, ou plus
précisément au cœur de la forêt tropicale.
Lorsque l’industrie minière
aborde le sujet de l’exploitation minière clandestine, elle fait souvent
référence à l’Afrique. Peut-être est-ce un signe des temps qui courent, et qu’on
ait pu parler autrefois de la situation en Amérique du Sud, mais je ne m’intéresse
pas au sujet depuis assez longtemps pour en avoir souvenir. Je me demande
souvent si c’est dû au fait que le Pérou soit un gros producteur d’or qui ne
profiterait en rien d’attirer l’attention sur les quantités d’or clandestin
qui finissent sur le marché international.
Le Pérou est un gros acteur du marché de l’or
Selon le Ministre péruvien de
l’énergie et des minéraux de l’époque, le Pérou est connu depuis longtemps
comme « le pays de l’or ». Lorsque nous parlons de l’histoire de l’or,
nous en arrivons très rapidement à parler des Incas. Le terme « Inca »
fait référence à la fois au peuple péruvien et aux dirigeants de l’Empire.
Comme Matthew Hart l’explique dans son terrible ouvrage « Gold: Inside
the race for the world’s most
seductive metal »,
les Incas étaient connus pour les quantités d’or qu’ils avaient accumulées,
et qui en ont fait des cibles privilégiées pour les explorateurs espagnols
partis chercher de nouvelles sources d’or.
Le Pérou est aujourd’hui le
plus gros producteur et exportateur d’or d’Amérique du Sud. En 2013, il
faisait partie des six plus gros producteurs d’or de la planète, responsables
de la moitié de l’or produit globalement.
Un rapport publié en 2013
estime que l’or a représenté 21% des exportations totales du Pérou en 2012.
Sa production d’or a représenté 6,5% de la production d’or globale la même
année, avec 185 tonnes.
L’industrie aurifère
péruvienne a beaucoup d’importance, et contribue grandement à l’économie du
pays. Selon un rapport publié par le Conseil mondial de l’or en 2011, 4.500 hommes
sont employées directement par les quatre plus
grosses mines d’or du pays, et contribuent à 1,4% du PIB. En 2013, l’industrie
aurait contribué à l’économie à hauteur de 8 milliards de dollars.
L’exploitation minière clandestine a elle aussi de l’importance
Mais il s’agit là de la face
légale de l’industrie. L’exploitation clandestine, connue sous le nom d’exploitation
informelle, a été rendue illégale en avril de cette année. Bien que l’aversion
du gouvernement pour l’exploitation clandestine soit sans doute liée aux 305
millions de dollars de pertes de recettes fiscales qu’elle engendre, l’industrie
détruit activement les forêts, et pollue les rivières sans vergogne.
L’exploitation minière
clandestine contribue à la destruction de la forêt tropicale péruvienne plus
rapidement que n’importe quelle autre activité industrielle ou clandestine de
la région. Selon un article publié par The Guardian, 70km² de forêt de la
région de Madre de Dios ont déjà été détruits par l’exploitation
minière clandestine.
Madre de Dios
est la capitale péruvienne de la biodiversité. C’est aussi une région dans
laquelle vivent des communautés très pauvres. Et pourtant, sous les pieds de
ces communautés se trouvent un sol empli de monnaie, un sol littéralement
pavé d’or. Selon les estimations, le sol de Madre de Dios,
un territoire de la taille de l’Autriche, contiendrait plus de 159 tonnes d’or.
L’exploitation minière apporte des richesses et tue en
silence
Selon le gouvernement, l’or
clandestin représenterait 20% des exportations d’or du pays. Les 4.500
personnes employées par le secteur minier sont en minorité face aux 40.000
personnes qui travailleraient dans l’ombre de l’exploitation minière
aurifère.
Comme bon nombre d’autres
industries dont les opérations s’avèrent lucratives et bénéficient
financièrement aux communautés bien plus que le gouvernement ne pourrait le
faire, l’exploitation minière clandestine tire avantage des processus
gouvernementaux. Le Haut-commissaire a demandé aux électeurs de rester
conscients du pouvoir et de l’influence des mineurs clandestins lors des
prochaines élections locales.
Les quantités de monnaie
impliquées dans l’exploitation minière illégale sont vastes, et s’expliquent
par le risque que sont prêts à courir ceux qui travaillent au sein de l’industrie.
Le gouvernement péruvien estime que l’exploitation minière clandestine est
désormais plus lucrative que le trafic de drogues. Entre août 2012 et janvier
2015, El Comercio estime que la somme d’argent
blanchie par l’industrie aurifère clandestine
devrait augmenter de 50%, une hausse bien plus importante que celle
qui devrait être enregistrée par le trafic de drogues.
Empoisonnement au mercure
L’exploitation minière
clandestine n’a pas seulement des effets destructeurs sur l’environnement, mais
aussi pour ceux qui y sont directement ou indirectement liés.
Le mercure est utilisé dans l’industrie
minière depuis des siècles et a encore une présence importante dans l’activité
minière clandestine des pays du Tiers-Monde. Selon l’Association pour la conservation
de l’Amazonie, « les exploitations minières de petite échelle sont
responsables du tiers de la pollution au mercure dans la région. A Madre de Dios, on estime entre 30 à 40 tonnes les quantités de
mercure déversées dans l’environnement chaque année ».
Nous savons tous à quel point
le mercure est dangereux. Décrit comme étant une neurotoxine, il peut être à
l’origine de fausses couches, de lésions cérébrales en cours de grossesse et
de cancers.
Du mercure est mélangé à de l’eau
dans laquelle sont placés les sédiments qui contiennent des particules d’or.
Le mercure s’amalgame avec l’or mais pas avec les autres éléments. La
structure argentée qu’on obtient de ce mélange est ensuite réchauffée
au-dessus d’une flamme pour que l’or puisse être séparé du mercure. Non
seulement l’eau est rendue toxique par ce procédé, du poison est aussi libéré
dans l’air pendant le processus d’affinage.
Les niveaux de mercure de la
région de Madre de Dios sont célèbres pour être
très élevés. Les populations locales s’avèrent pourtant incapables d’effectuer
des changements en matière de pratiques d’exploitation.
Lorsque des sédiments
contenant du mercure sont rejetés dans les rivières, ils sont absorbés par l’écosystème
sous forme de composé organique, le méthylmercure. Lorsqu’il
est digéré par des poissons, les gens se retrouvent exposés à des niveaux de
mercure près d’un million de fois plus élevé que ceux présents dans l’eau de
laquelle proviennent ces poissons. L’Organisation mondiale pour la santé
estime que les enfants nés dans la région présentent des niveaux de mercure
cinq fois plus élevés que les niveaux considérés inoffensifs. Ceux qui vivent
dans les zones urbaines proches de zones polluées présentent des niveaux de
mercure deux fois plus importants.
Qu’est-ce qui est fait pour contrer le problème ?
Dans un article du jour publié
la semaine dernière, j’expliquais comment le gouvernement péruvien en est
arrivé à prendre la décision de placer des explosifs dans les mines
clandestines pour tenter de mettre fin à ces activités. Cette décision n’a
rien de nouveau. En avril, 400 camions ont été détruits par les autorités,
qui ont également dynamité 13 raffineries clandestines évaluées à plus de 30
millions de dollars dans la zone côtière de Chala
et Nazca. Deux tonnes d’or ont aussi été saisies.
En février, le gouvernement
péruvien a établi un couloir de 500.000 hectares réservé à l'exploitation minière
dans la région de Madre de Dios, dans l’espoir que
cette zone plus restreinte s’avère plus facile à contrôler.
L’Organisation pour la
préservation de l’Amazonie rapporte que le gouvernement s’est engagé à
réduire les activités minières clandestines à Madre de Dios
de 70% d’ici juillet, et de 100% avant décembre. Tous les mineurs ne pourront
pas être découragés. Ils pourront demander à être formalisés et s’engager
dans un processus d’un an qui, selon nature.com, consiste en l’établissement
d’un projet de travail, d’une étude de leur impact environnemental et de la
préparation d’un programme d’assainissement.
Seuls 4.000 mineurs se sont
présentés avant la date limite du 13 juin pour demander à être formalisés.
Voilà qui suggère que les autres n’ont pas cette intention. Ceux qui ne se
plieront pas aux nouvelles régulations peuvent courir une peine de 10 ans d’emprisonnement,
bien qu’il puisse s’agir là de menaces en l’air au vu de la richesse et du
pouvoir de certaines organisations clandestines.
Mon investissement s’en trouve-t-il affecté ?
Comme nous l’avons déjà
précisé dans un article plus ancien, chez The Real Asset
Company, nous n’achetons de l’or qu’auprès de
raffineries certifiées par le LBMA, notamment Valcambi.
Afin de recevoir une telle accréditation, une raffinerie doit se plier aux
normes établies par Responsible Gold, qui visent à
prévenir de l’or clandestin ou en provenance de zones de conflit d’intégrer
le système.
Vers la fin du documentaire,
le journaliste était visiblement troublé d’avoir été témoin et pris part à
des activités minières clandestines artisanales. Il a déploré le fait que
tout cela ne soit fait que pour remettre des tonnes d’or dans un coffre
souterrain parce que nous ne sommes pas capables de trouver un autre moyen de
supporter notre économie.
La majorité d’entre vous n’ont
pas besoin que je leur apprenne pourquoi nous ne soutenons notre économie
grâce à rien d’autre que la dette. Si c’était vraiment le cas, pourquoi
aurions-nous tant besoin d’or ? Pourquoi continuerions-nous d’en
demander après des milliers d’années, et pourquoi en porterions-nous le prix
à un niveau tel que des pères de famille soient prêts à s’empoisonner pour
nous en vendre ? Parce que l’or est la devise ultime. Parce qu’il
transcende frontières et cultures et a pu survivre les épreuves du temps.
Je n’essaie en rien de dire
que les gens devraient mettre leur vie en danger, que ce soit leur santé ou
leur liberté, pour obtenir de l’or. L’exploitation minière, légale ou non,
est destructrice. En tant qu’investisseurs, nous avons le devoir de nous
assurer que nous ne supportons pas de pratiques porteuses de tant de dégâts.
Nous devrions soutenir les programmes d’éducation et les projets qui visent à
encourager des formes plus durables d’exploitation minière.
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