Selon certains
libertaires, la Réserve fédérale aurait à l’origine été une institution saine
qui, au fil des années, se serait laissée corrompre. Elle ne représentait
autrefois pas un grand danger en tant que banque de toutes les banques, mais
pour ce qui est du monstre qu’elle est devenue, c’est une tout autre
histoire. Si seulement nous pouvions en revenir à la charte de fondation de
la Fed, pensent-ils, tout irait de nouveau très bien…
Je pense ici à
deux analystes financiers assez connus dont les connaissances des marchés
sont sans égal, et qui perçoivent le très bureaucratique FOMC comme le père
de toutes les bulles, les récessions, les stagnations et les privilèges des
marchés. Dans leurs articles, ils ne cessent de s’en prendre à la Fed pour
son état de corruption et la menace qu’elle représente pour notre bien-être
matériel et spirituel. Ils ont publié des best-sellers sur l’état de
l’économie, et blâmé ce qui était à blâmer : les politiques monétaires
de la Réserve fédérale.
Et pourtant,
chose étrange, leurs recommandations ne vont pas jusqu’à l’éradication du
cancer responsable de tous nos maux. Ils demandent une réforme de la Fed. Ils
pensent qu’à sa naissance, cette dernière n’était en rien incompatible avec
les marchés libres.
Peter Schiff
écrit ceci : « le rôle d’une banque centrale est limité : elle
doit contrôler la devise et maintenir la stabilité des prix et des taux
d’intérêt… Ce genre de banque centrale est quelque chose que j’aurais
moi-même pu défendre. Mais la Réserve fédérale des Etats-Unis n’a jamais
fonctionné ainsi, et n’aurait certainement jamais dû le faire. Nous n’aurions
jamais dû faire confiance à la Fed et croire qu’elle respecterait les limites
établies. » (The
Real Crash, Ch. 2)
Un peu plus loin
dans son livre, il écrit : « Le destructeur ultime du dollar a été
le système de réserve fédérale, qui était supposé être le gardien de notre
devise. Comme je l’ai expliqué dans le chapitre 2, l’idée originale de la Fed
n’était pas mauvaise. Elle était destinée à créer une devise uniforme, garantie
par l’or. »
« Le
système de réserve fédérale avait pour objectif de devenir la banque des
banquiers, et non un agent de gestion économique internationale. Sa charte de
fondation a été ignorée par les discussions du monde moderne. » (P.197)
Dans son dernier
chapitre, il liste les étapes à suivre qui, selon lui, nous permettront
d’éviter les pires catastrophes, à commencer par la restauration de la Fed en
tant que banque des banquiers et la restauration d’une monnaie saine, par
quoi il entend une « devise garante par l’or ».
Pourquoi la
Fed a-t-elle été créée ?
Au cours des
années qui ont précédé la fondation de la Fed, le nombre de banques
non-nationales était en hausse, comme l’était leur part des dépôts bancaires.
En 1896, le nombre de banques non-nationales avait augmenté de 61%, et leur
part des dépôts de 54%. En 1913, ces chiffres étaient passés à 71 et 57%
respectivement. Le pouvoir de Wall Street était en déclin. Il était également
affecté par une nouvelle tendance dans l’industrie : le financement de
la croissance par le profit plutôt que par l’emprunt. Pour beaucoup
d’entreprises, les taux d’intérêt imposés par les banques étaient trop
élevés.
Et puis il y a
eu le problème des déposants, qui laissaient leur argent sur un compte bancaire,
persuadés qu’il y resterait, alors que leur banque le prêtait à tour de bras.
Quand suffisamment de gens se sont présentés pour retirer leur argent, des
banques ont dû fermer boutique (ou demander une exemption au gouvernement).
Du point de vue
de Wall Street, il y avait un problème de compétition – né des banques
non-nationales et de la préférence de l’industrie pour l’épargne plutôt que
pour la dette – et un potentiel de panique bancaire.
Pour répondre à
ce problème, quatre représentants des intérêts de Morgan, Rockefeller et
Kuhn-Loeb, accompagnés par le sénateur Nelson Aldrich et l’assistant du
Secrétaire du Trésor, A. Piatt Andrew, se sont réunis en secret à la
propriété de Morgan sur Jekyll Island, en Georgie, en novembre 1910. Les
banquiers représentaient environ un quart du capital global. Dirigés par Paul
Warburg de chez Kuhn-Loeb, ils ont formé un cartel bancaire qui est devenu
légal en 1913. Les pouvoirs monétaires – Wall Street – l’ont ensuite vendu au
public comme un moyen de contrôler les vastes pouvoirs de Wall Street.
Des banquiers de
Wall Street ont été nommés parmi le directoire de la Réserve fédérale, ainsi
qu’en tant que gouverneurs de la Banque de réserve fédérale de New York (voir
ici).
La première
manifestation de la Fed impliquait les points suivants :
- Un monopole
sur l’émission de billets de banques ; les banques nationales et
d’Etat ne pouvaient plus émettre que des dépôts, et ces dépôts devaient
être échangeables en or et en billets de la Fed.
- Toutes les
banques nationales ont été rattachées à la Fed, et leurs réserves ont
été conservées en tant que dépôts à vue auprès de la Fed.
- A mesure que
les banques du pays envoyaient l’or de leurs déposants auprès de la Fed,
elles recevaient en échange des billets de la Fed. Lorsque des membres
du public demandaient un retrait, ils recevaient des billets de la Fed
plutôt que de l’or. L’abandon des pièces d’or a non seulement encouragé
l’inflation, il a rendu la confiscation bien plus facile quelques années
plus tard.
- Avec la
centralisation de l’or et des réserves bancaires, la Fed a doublé le
pouvoir inflationniste des banques en réduisant leurs réserves
obligatoires de 5 pour un à 10 pour un. Avec davantage de crédit
disponible, les banques ont pu réduire leurs taux d’intérêt (voir ici)
Les banques
violent les droits de propriété de leurs déposants
Comme je
l’explique dans le chapitre 5 de The
Jolly Roger Dollar, la clé du succès des marchés libres est l’établissement
et la défense des droits de propriété. La législation du gouvernement n’a
jamais reconnu le droit des déposants sur leur propriété, c’est-à-dire sur
leurs dépôts. Alan Greenspan, dans son célèbre essai de 1966, nous
écrit ceci :
Parce qu’il est
rare de voir tous les déposants chercher à retirer leur or en même temps, le
banquier ne doit conserver qu’une fraction du total des dépôts en tant que
réserves, ce qui lui permet de prêter plus que la quantité totale de ses
dépôts d’or.
Notez le langage
utilisé : « le banquier ne doit conserver qu’une fraction du total
des dépôts ». L’impact de cette phrase serait-il différent s’il avait
écrit : « Le banquier ne doit conserver qu’une partie de la
propriété de ses clients, que ces derniers ont choisi de mettre en sécurité
auprès de lui » ?
Je n’essaie pas
de chercher la petite bête. Sachez que le système bancaire est derrière
toutes les crises bancaires, et que si les banquiers respectaient le droit de
propriété de leurs déposants, ils disposeraient de près de 100% de leurs réserves.
Et pourtant, la législation a toujours été en faveur des banquiers :
Comme l’a
expliqué Rothbard, une banque qui ne parvient pas à respecter ses obligations
de dépôt n’est qu’une banque insolvable de plus. Suite au jugement
britannique dans l’affaire Foley v. Hill et autres, en 1848, les cours
américaines ont considéré que de l’argent déposé auprès d’un banquier était « la
monnaie du banquier, qu’il est libre d’utiliser de son plein gré ». Et
ce même si le banquier prend part à des « spéculations dangereuses ».
Ainsi, selon l’Etat, la monnaie appartient à la banque, pas aux déposants.
(JRD, chapitre 4)
Une banque de
toutes les banques, sans gouvernement
Le désir des
banquiers d’établir une banque de toutes les banques n’est pas malavisé, tant
que cette banque reste déliée du gouvernement.
Entre la guerre
de 1812 et la Guerre civile, le système bancaire américain était décentralisé
et divisé en banques agréées par les Etats qui émettaient des billets de
banque échangeables en pièces d’or et d’argent. L’un des points à retenir de
cette période est le développement d’une chambre de compensation à Boston,
baptisée Suffolk Bank.
Formé par des
marchands proéminents, le Système Suffolk a permis aux banques de
Nouvelle-Angleterre d’accepter les billets d’autres banques, dont les banques
nationales, au pair avec de nouvelles espèces. Les membres du système
devaient conserver des réserves suffisantes d’espèces auprès de Suffolk pour
racheter les billets qu’elles recevaient. Suffolk n’autorisait pas aux
banques nationales de gonfler leurs bilans, et pouvait les retirer de la
liste des banques approuvées et annuler l’échange de leurs billets au rabais
si elles ne respectaient pas les règles établies. (JRD, chapitre 11)
La Réserve
fédérale n’a jamais été un système stable devenu corrompu. Elle a toujours
été un système corrompu, qui n’a jamais cessé de se corrompre davantage.
Ron Paul a
employé la bonne approche - abolir
la Fed. La sortir de nos vies pour restaurer notre liberté monétaire
– et notre droit de choisir un moyen d’échange.