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On pouvait
penser que la triste crise de la dette publique grecque allait, au moins,
accoucher d’une bonne nouvelle : celle de voir les États
européens prendre enfin conscience de la situation
délétère de leurs finances publiques.
La
Grèce allait pouvoir devenir un excellent laboratoire en la
matière puisque, du fait des « maquillages
comptables » de ses gouvernants, ce pays fut
particulièrement touché par cette crise. Ainsi, pour
bénéficier des généreux prêts de l’UE
et du FMI, on a exigé du gouvernement grec qu’il mette en
œuvre des mesures d’austérité, lesquelles
suscitèrent un véritable tollé social. Des débats
économiques eurent alors lieu pour juger du bien-fondé ou non
desdites mesures.
Récemment,
un
rapport annuel de l’ONU sur la situation sociale dans le monde a
attiré l’attention parce qu’il
critique assez lourdement la politique d’austérité
grecque qui, selon l’institution internationale, entraîne de
fâcheuses conséquences sur le plan social tout en freinant la
reprise économique dans ce pays.
Pourtant,
lorsqu’on scrute de plus près les réelles mesures
d’austérité prises par la Grèce et qu’on
trace un parallèle avec le constat dressé par l’ONU, nous
ne pouvons être qu’estomaqués par les mensonges et raccourcis
auxquels s’adonne l’organisation mondiale : en effet, cette
dernière dénonce vigoureusement les
pressions auxquelles doivent faire face « certains pays
avancés » (la Grèce, pour ne pas la nommer) pour
réduire leurs dépenses publiques, adopter des mesures
d’austérité, réduire leur champ d’action et
libéraliser davantage leur marché du travail.
Mais
qu’en est-il réellement ? Tout d’abord, le choix des
mots dans le rapport ne manque pas de saveur :
« libéraliser davantage leur marché du
travail » signifierait donc que la Grèce serait
déjà très touchée par le « fléau
de la libéralisation ». Or, un simple coup d’œil
au célèbre et très rigoureux classement – relatif
aux libertés économiques – réalisé
annuellement par le think tank étatsunien Heritage Foundation montre que
tel n’est toujours pas le cas : bien au contraire, la Grèce continue de
perdre des places en 2011 et demeure coltinée en queue de peloton
des pays de l’Union Européenne, juste devant le
…Liban ! La situation, plus spécifique, de son
marché du travail, est également inquiétante :
l’Heritage Foundation
explique que : « Les réglementations du travail sont
restrictives et l’économie
grecque souffre de l’absence de mobilité du travail. Les
coûts d’embauche non-salariaux sont élevés et les
réglementations sur les horaires de travail demeurent
rigides. ». On est donc loin de la
« libéralisation sauvage » regrettée par
l’ONU.
Outre cette
libéralisation du marché du travail grec –plus
fantasmée que réelle – l’ONU stigmatise aussi la
réduction des dépenses publiques que doit supporter ce pays.
Là encore, ces lignes ont suscité chez moi une grande part de
suspicion quant à la réalité de cette baisse. Je ne fus
nullement surpris en lisant les propos d’un économiste local,
Takis Bratsos qui explique qu’« il faut
d’abord réduire
les dépenses publiques qui, en 2010, ont dépassé
de 1,3 milliard d’euros celles prévues initialement dans le plan
d’austérité. ».
Puis, soucieux
de la précision, je découvris, avec stupeur, sur le site
même du ministère des Finances grec, qu’entre 2010 et
2011, les
dépenses publiques avaient même
augmenté, tournant définitivement en ridicule
l’essence de la thèse du rapport onusien (v. tableau du lien
hypertexte, p. 2). Comme quoi, il ne faut jamais s’arrêter aux
simples effets d’annonces des gouvernements, surtout quand il
s’agit du gouvernement grec dont
l’« honnêteté comptable » a
montré ses limites.
On peut tout
de même s’accorder avec les auteurs du rapport onusien sur au
moins un point : le plan d’austérité n’est pas
seulement insuffisant pour résorber les effets néfastes de la
crise. Il est même nuisible, puisqu’en sus de la hausse des
dépenses publiques, la
Grèce a fortement augmenté ses niveaux d’imposition.
Malheureusement, assez curieusement, l’ONU semble éluder ce
fait.
Un plan
d’austérité efficace aurait abaissé les taux
d’imposition et les dépenses publiques. Hélas, la
Grèce a fait le contraire avec la bénédiction du F.M.I.
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