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La zone euro prise à son propre piège

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Publié le 29 septembre 2010
2064 mots - Temps de lecture : 5 - 8 minutes
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Rubrique : Editoriaux

 

 

 

 

Les échos de la réunion bruxelloise des ministres des finances et de l’économie d’hier résonnent bizarrement aujourd’hui. Un peu comme s’ils avaient discuté de mesures à moyen-terme – à propos des futurs mécanisme et châtiment que subiraient les pays fautifs ne respectant pas les nombres d’or du déficit et de la dette – alors que Rome était menacée par les flammes.


Une nouvelle fois, l’Europe s’apprête à vivre une crise qui va la secouer, sans que le pesant silence qui l’entoure soit rompu. Sans qu’un signal soit envoyé, qu’une aide soit octroyée autrement que dans l’urgence à un gouvernement irlandais qui essaye de résoudre dans son coin une équation sans solution. Sauf à déclarer qu’on lui fait confiance… pour se débrouiller tout seul !


Après avoir été la vitrine de la dérégulation financière et des facilités fiscales accordées aux entreprises, l’Irlande est sommée de rester le bon élève de la classe, montrant l’exemple, en engageant à nouveau des efforts supplémentaires. Efforts des seuls Irlandais, cela va sans dire, dans le but de combler le déficit créé par leur système financier toujours en déroute totale. Et ce n’est pas fini !


La Grèce a la première tracé ce chemin, mais elle bénéficie désormais d’un soutien financier de l’Europe et du FMI, en contrepartie de lourdes exigences. L’Irlande doit pour l’instant s’en passer, mais cela ne sera pas tenable, d’une manière ou d’une autre.


Les mêmes causes produisant les mêmes effets, un piège identique se referme. Les Irlandais – qui ont déjà beaucoup donné en terme de rigueur – devraient redoubler d’efforts afin de réduire leur déficit public, alors que le sauvetage d’Anglo Irish Bank (AIB) va considérablement alourdir l’addition – qui est déjà de 23 milliards d’euros – et rendre l’exercice hors de portée selon les calculs. En attendant que des additions supplémentaires soient présentées, quand les dépréciations des actifs détenus par NAMA, la bad bank irlandaise, se révéleront comme prévu totalement insuffisantes et qu’il faudra la financer à nouveau, ou quand les autres banques irlandaises, toutes aussi malades, sonneront à leur tour à la porte des pouvoirs publics.


Ce n’est que jeudi prochain que les détails du plan de sauvetage d’AIB devraient être rendus publics par le gouvernement irlandais, mais l’on sait déjà que, afin de tenter d’amoindrir le choc causé par les chiffres qu’il va devoir annoncer, il va présenter deux hypothèses haute et basse, en espérant que seule la basse sera retenue. Alors que l’expérience montre qu’il y a toujours sous-estimation des dégâts au départ !


L’estimation de Standard & Poor’s est d’ores et déjà considérée plus vraisemblable par les analystes : 35 milliards d’euros au bas mot. L’agence a d’ailleurs annoncé qu’elle envisageait de baisser à nouveau la note de la dette souveraine irlandaise, actuellement AA-, si ce montant devait être dépassé comme elle le considère vraisemblable. Certains économistes parlent de 40 milliards d’euros, le quart du PIB annuel. En attendant, les swaps de défaut de crédit (CDS) irlandais grimpaient mardi à 519 points de base (le coût d’une garantie de 10 millions d’euros d’exposition à la dette irlandaise est donc de 519.000 euros).


Il est tout intéressant de revenir sur la décision qui semble avoir été finalement prise de ne pas mettre à contribution les créanciers d’AIB. Ce qui a été dans un premier temps ressenti comme allant être une grande première, car toutes les banques qui ont failli ou ont du être aidées sur fonds publics depuis le début de la crise n’ont jamais brisé ce tabou absolu, que l’on peut élever au rang de crime de lèse-majesté. Pourtant, le gouvernement – l’Etat devenu actionnaire d’AIB – aurait soupesé l’éventualité d’une participation des créanciers d’AIB au coût de son nouveau sauvetage. Tout en se refusant catégoriquement à les identifier, ce qui n’était pas bon signe. Il a alors étudié la possibilité de réserver un sort différent aux créanciers, suivant la nature de leur dette (subordonnée, senior, etc…) ou bien la date de sa création, en raison d’un achat antérieur à l’octroi de la garantie. Tout aurait donc été abandonné.


Deux questions doivent à ce stade être posées. N’aurait-il pas mieux valu, rétrospectivement, laisser AIB couler sans accorder de garantie publique, quitte à dédommager ensuite les déposants et à subir une crise qui aurait pu être moindre que celle qui se prépare ? On a préféré au contraire proclamer que les déposants et les créditeurs devaient bénéficier de la même protection. Etait-il par ailleurs nécessaire de renouveler le 8 septembre dernier cette garantie qui prenait fin ce 29 septembre, pour déplorer ensuite qu’elle fasse obstacle à une décote des dettes ?


Un argument est aujourd’hui utilisé pour justifier l’impossibilité dans laquelle se trouve le gouvernement d’entrer dans cette logique de partage des pertes. Avec comme effet que c’est l’Etat qui va devoir les assumer à lui seul, l’obligeant à rechercher encore des milliards d’euros d’économies supplémentaires dans un pays déjà très éprouvé par ce qui lui a été imposé. Tout tourne, naturellement, autour de la réaction des marchés, et de l’augmentation qui en résulterait des taux déjà exorbitants que l’Etat doit consentir pour se financer. C’est une logique sans fin. Après avoir adopté trois budgets d’austérité successifs, l’Irlande continue de voir son taux monter. Et va devoir s’engager dans une quatrième version plus contraignante.


Après la Grèce – et avant le Portugal qui est désormais dans les starting-blocks – l’Irlande est bien placée pour créer une nouvelle onde de choc en Europe. Cela va être l’heure de vérité pour le fonds de stabilité européen (EFSF), car il va devoir aller sur les marchés pour se financer, avant de le faire en faveur de l’Etat irlandais. Et l’on verra à quel taux il prêtera à celui-ci. De nouvelles estimations de Barclays corroborent à ce propos le taux de 7% donné par Wolfgang Münchau dans son article du Financial Times. Il serait même question d’un possible taux de 8%, selon la banque qui a fait ses propres calculs. Encore un pari impossible qui va être demandé par les autorités européennes. Car, à ce compte-là, il sera plus avantageux pour l’Irlande d’aller sur le marché obligataire ou de frapper à la porte du FMI, un sacrilège !


Quel va être le coût final à payer, en application de cette stratégie qui veut qu’il faut protéger à tout prix le système bancaire, appliquée dès les premiers instants et dans laquelle les gouvernements persévèrent ? Au lieu de soigner le grand malade, ils augmentent le nombre de patients, selon une logique aux résultats très incertains.


Ils ont déjà accentué les disparités au sein de l’Europe, au prétexte de les réduire. La réduction sans attendre et sous de brefs délais des déficits publics, la protection absolue d’un système bancaire dégagé de toute responsabilité, ainsi que la spirale de la récession dans laquelle ils engagent les pays les plus faibles de la zone euro, c’est beaucoup et pour quel résultat ?


D’autant que le pari qu’ils tentent repose d’un côté sur des dispositifs de soutien – garanties des banques et aide financière des Etats – qui sont mal assurés et que les projections économiques leur permettant de valider les plans d’austérité et de réduction de la dette reposent sur des perspectives de croissance intenables.


Au Royaume-Uni, Adam Posen, membre du Comité de politique monétaire de la Banque d’Angleterre (BoE) vient de préconiser des achats d’obligations souveraines par celle-ci, voire même d’autres actifs. Une politique diamétralement opposée à celle de la BCE, dont la décision murit.


Des voix s’élèvent déjà et réclament qu’une suite au plan de stabilité (EFSF) soit envisagée, et qu’elle soit permanente ! Un article en ce sens est publié par le Financial Times, présenté comme soutenu par Jacques Delors, Joschka Fischer, Romano Prodi et Guy Verhofstadt. Angela Merkel, la chancelière allemande, leur a immédiatement répondu en disant que l’Allemagne refuserait toute prolongation de la durée de l’EFSF. Opposant à cette perspective une modification des traités européens qui permettrait de graver dans ceux-ci des contraintes intangibles de respect des normes de déficit public. Le pari était hier celui des jeunes pousses, chacun bousculant l’autre pour mieux les apercevoir et en faire état, il est désormais celui d’une croissance qui sera introuvable, faute de moteur. Même l’Allemagne, forte de ses exportations, en pâtira.


Une réflexion est également engagée afin de sortir de ce piège qui risque de faire éclater la zone euro, si l’Espagne devait prendre le relais de la Grèce et de l’Irlande. Ou bien la Belgique et même l’Italie, car les candidats ne manquent pas, même si l’on n’en parle qu’à voix basse. Combien faudra-t-il de pays au fond du trou pour que la stratégie actuelle soit remise en cause ? Les avis sont partagés, certains ne faisant pas preuve d’un optimisme franchement béat à ce propos. Aujourd’hui mardi, les taux obligataires irlandais et portugais à dix ans continuaient à se tendre et atteignaient respectivement 6,581 et 6,402%, des niveaux jamais atteints depuis la création de l’euro. Confirmation que le Portugal entre dans la zone des tempêtes.


Des commentateurs cherchent à se rassurer en expliquant que – contrairement à la Grèce – ces deux pays n’ont pas à aller d’ici à l’année prochaine sur le marché pour y lever des capitaux, ce qui reste fort proche, et que cela donne le temps de voir venir. L’Espagne et l’Italie continuent d’émettre dans ce qu’ils appellent « de bonnes conditions », oubliant les taux élevés que les Espagnols doivent consentir. L’espoir fait vivre.


Sur quoi porte donc cette réflexion ? Sur une alternative au défaut de paiement de la dette publique, dans le cadre de ce que les Anglais dénomment liabilities management (gestion des engagements). Une procédure qualifiée de douce, qui esquive le problème de la décote imposée du défaut pour lui substituer une négociation avec les créanciers. Les précédents historiques existent, pour le Liban, le Pérou et les Philippines. Cela rejoint, d’une certaine manière, la proposition de Simon Johnson, déjà citée, d’utiliser le mécanisme des Brady Bonds, utilisé avec succès lors de la crise de la dette latino-américaine des années 80. Autres temps, autres mœurs.


A l’arrivée, il s’agit notamment d’étaler les paiements dans le temps, de les assortir d’un taux d’intérêt plus clément, et en dernière instance seulement de pratiquer une décote. Le tout dans le cadre d’une négociation. Dans le cas de l’Irlande, certains analystes font d’ailleurs remarquer que, tant qu’à faire, si l’on doit de toute manière en arriver à une décote, les créanciers préféreraient qu’elle intervienne tout de suite, car elle sera ainsi moindre ! Le Financial Times n’a pas voulu signifier autre chose en conseillant d’y procéder sans tarder.


Selon cette analyse, ce sera cela ou le défaut de paiement. Il faut d’ailleurs relever, dans le cas de la Grèce qui est au coeur du sujet, que les premiers pas de son plan sont les plus faciles à accomplir, mais que cela va se compliquer par la suite. Car cela nécessitera d’imposer de nouvelles mesures d’austérité, la croissance espérée n’étant pas au rendez-vous. Et que l’on ne peut pas gratter plus que jusqu’à l’os. Par ailleurs, le plan de soutien dont elle bénéficie s’arrêtera en 2013 et elle devra lever sur le marché obligataire rien moins que 100 milliards d’euros entre 2014 et 2016.


Sans doute, la stratégie qui est actuellement suivie en Europe n’est-elle pas plus confondante que ce qui en est le socle : la protection du cœur du système financier. Elle s’explique donc. Cela ne lui donne pas pour autant de sérieuses chances de réussite, en raison de tous les obstacles qui vont se dresser sur la route qu’il est intimé de suivre. Leur accumulation risque fort d’être fatale et le piège se refermera alors.





Billet rédigé par François Leclerc


 

Paul Jorion

pauljorion.com

(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.

Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).


 

 

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