Fermer X Les cookies sont necessaires au bon fonctionnement de 24hGold.com. En poursuivant votre navigation sur notre site, vous acceptez leur utilisation.
Pour en savoir plus sur les cookies...
Cours Or & Argent
Dans la même rubrique

les banques centrales, dernier ressort

IMG Auteur
 
Publié le 05 juillet 2010
2581 mots - Temps de lecture : 6 - 10 minutes
( 0 vote, 0/5 )
Imprimer l'article
  Article Commentaires Commenter Notation Tous les Articles  
0
envoyer
0
commenter
Notre Newsletter...
Rubrique : Editoriaux

 

 

 

 

La BCE a fait ce qu’il fallait jeudi dernier pour que le remboursement des 442 milliards d’euros qu’elle attendait se passe au mieux. Elle a offert en substitution de nouvelles facilités à trois mois, afin de permettre aux banques de rouler leur dette, et si possible de l’éteindre progressivement. Il a en effet été discrètement annoncé que ces émissions illimitées de liquidités à plus court terme allaient se succéder sans interruption d’ici à la fin de l’année. On respire.

 

Il n’y avait donc pas de quoi s’alarmer, mais ce non événement donne matière à analyse. Une fois constaté que, dans le cours de cette crise, les catastrophes n’arrivent jamais où et quand on les attend. A croire même, cette fois-ci, que l’alerte était feinte pour mieux triompher.

 

Si l’on raisonne en net, en effet, un remboursement partiel de la BCE est tout de même intervenu au final. Ce qui tendrait à prouver, encore une fois, que c’est avant tout une crise de solvabilité – et non de liquidité – que le système bancaire connaît : sinon, il se serait intégralement refinancé. Suite à l’assèchement partiel des liquidités qui en a résulté, les tensions sur l’Euribor (le taux en vigueur sur le marché interbancaire) ont encore augmenté, sans atteindre les sommets de 2008. Ce qui démontre, sans discussion possible, que c’est la confiance qui fait d’abord défaut. La sous-capitalisation notoire des banques européennes aggravant leur cas.

 

Cette contraction risque de générer par la suite de nouvelles tensions sur le marché obligataire, les banques y investissant moins tandis que la demande augmente. Autre conséquence en chaîne, et non des moindres, ces dernières ne seront plus en mesure de reconstituer leurs marges au même rythme que précédemment, disposant de moins de liquidités, alors qu’il va leur être demandé de renforcer leurs fonds propres.

 

Évidement, il y a banque et banque et les moyennes sont dans ce domaine comme dans les autres toujours trompeuses. Très hétérogène, le système bancaire européen est en train de le devenir davantage. Certaines banques sont dans une mauvaise passe, d’autres affectent de ne pas l’être ; mais, au bout du compte, l’initiative prise par la BCE de ne pas renouveler ses opérations de prêt à un an ne va-t-elle pas accentuer encore ces disparités de situation ? Fragilisant globalement le système bancaire, en raison de son étroite interconnexion, en accentuant le pourcentage déjà important de ses financements à court terme ? A l’appui de cette analyse, il est possible de relever que les établissements espagnols et allemands auraient tenté de faire revenir la BCE sur sa décision.

 

Au prétexte de lutter contre l’addiction des banques à ses liquidités abondantes, et de les obliger à renforcer leurs fonds propres pour qu’elles soient plus vaillantes, la BCE risque d’obtenir l’effet contraire à celui qui est recherché. A court terme, les inquiétudes qu’a suscité l’échéance de son remboursement n’étaient pas justifiées, mais elles pourraient le devenir à moyen terme.

 

Il en est de même pour les épisodes prochains et prévisibles de la crise de la dette publique européenne, comme l’émission obligataire grecque de ce mois. Elle sera selon toute vraisemblance couverte, un taux très élevé devant être consenti, quitte à ce que la BCE finance à cet effet les banques grecques, avant d’intervenir ensuite sur le second marché pour leur racheter les obligations acquises. Mais les achats répétés au fil des semaines d’obligations souveraines de la BCE ne font au mieux que stabiliser leur taux, qui reste prohibitif pour les pays déstabilisés par le marché. Le marché de la dette souveraine reste tendu, profitant aux pays à moindre risque et désavantageant les autres. Là aussi, les disparités de traitement et de situation s’accroissent.

 

Le jeu qui est actuellement mené est pour partie à visage découvert, pour partie masqué, mais toujours dans l’improvisation. La BCE y joue un rôle de plus en plus prédominant, elle y est même scotchée, pourrait-on penser, malgré ses efforts pour se dégager. Également menée à se renier, par certains aspects.

 

De fait, l’implication des banques centrales dans le fonctionnement du système financier international est de plus en plus importante. Si l’on se tourne vers la Fed et la Banque d’Angleterre (BoE), il est prévu dans le premier cas, et acquis dans le second, qu’il va leur être confié une nouvelle mission d’importance dans le domaine de la régulation financière. Au Royaume-Uni, le FSA qui en était chargé a été dépouillé de ses prérogatives, avec prise d’effet en 2012. Aux Etats-Unis, la Fed va se voir attribuer un rôle majeur à cet égard dans le cadre de la nouvelle loi : elle va dominer de tout son poids l’empilage de toute la myriade de structures déjà existantes, quasiment au grand complet.

 

Il est également significatif que le président de la Fed de New York, plus spécialement chargée du suivi de Wall Street, ne sera finalement par nommé par le président des Etats-Unis, comme l’administration Obama a tenté de l’obtenir du Congrès, au prétexte de ne pas politiser ce poste. Le projet de loi – le Dodd-Barney Act, comme il devrait être appelé une fois adopté – confiant par ailleurs aux régulateurs de nombreuses questions laissées en blanc malgré son impressionnant volume, on ne peut que constater par avance l’opacité accrue dans laquelle le système financier mondial va fonctionner.

 

Avec des variantes, une même tendance générale s’affirme : les banques centrales, indépendantes et n’ayant théoriquement de comptes à rendre à personne, vont plus que jamais occuper des positions stratégiques. Soit en raison d’un calcul, soit parce que nécessité fait loi.

 

La description de leur rôle montant ne s’arrête pas là. Si l’on devait s’étonner de la création aussi limitée de structures de défaisance, en regard de la masse d’actifs toxiques gangrenant le système financier, on devrait aussitôt remarquer que les banques centrales en font très largement office. En acceptant de prendre en pension d’énormes quantités d’actifs déposés par les banques, quitte à leur faire subir une modeste décote, elles ont permis à celles-ci de se délester. Sans être nécessairement trop regardantes sur leur qualité, la notation des agences faisant foi…

 

Dans le cas de la Fed, cette dernière a été jusqu’à créer trois structures spéciales, dénommées Maiden Lane I, II et III, pour y abriter les titres qu’elle avait récupéré, de Bear Stearns pour Maiden Lane I, afin d’en faciliter le sauvetage sous la forme du rachat par JP. Morgan en mars 2008, et d’AIG pour Maiden Lane II et III, lors de la saisie de la compagnie d’assurance par le gouvernement américain en septembre de la même année. Des entités qu’elle continue de farouchement préserver de la curiosité des médias.

 

Pour corser l’affaire, des révélations en provenance du Royaume-Uni, relayées par le Financial Times, ont fait état d’une situation encore plus douteuse. Des « valeurs fantômes » (« Phantom securities »), c’est à dire non testées par le marché, auraient été créées de toutes pièces par les banques pour les mettre en pension en très grandes quantités auprès de la BoE, leur évaluation étant dans ces conditions particulièrement sujette à caution. Jusqu’où ira la créativité des génies de la finance ?

 

Les banques centrales n’ont pas dans leurs statuts la mission de jouer les bad banks. Elles ont pourtant accepté de le faire et continueront ainsi, tant qu’elles poursuivront leur politique d’injections de liquidités à bas prix dans le système financier. Parmi les raisons qui peuvent être trouvées à la poursuite – sans date butoir annoncée – de ces facilités, la difficile situation dans laquelle les banques se trouveraient si elles devaient récupérer ces titres figure en bonne place. Car leur prise en pension par les banques centrales en garantie des prêts consentis est un transfert de propriété qui est réversible.

 

L’idée était au départ de soulager les bilans des banques en attendant que ces actifs toxiques redeviennent liquides (puissent trouver acheteur) à des prix supportables par celles-ci ; elles les récupéreraient alors. Mais cette perspective s’éloigne et les banques centrales les gardent dans leurs livres. La Fed a bien annoncé vouloir commencer à s’en dessaisir en les vendant directement sur le marché, mais elle en est restée au stade des intentions…

 

Les missions s’accumulent donc, tandis qu’un autre sujet de sollicitation se fait jour. De tous côtés s’élèvent des voix autorisées pour proclamer l’urgence et l’importance de la reprise du marché de la titrisation. José Manuel Gonzalez-Paramo, membre du directoire de la BCE, y consacrait à la mi-juin, un long discours à Londres : « La reprise du marché de la titrisation est cruciale » a-t-il dit, afin de soutenir le besoin de refinancement des banques et par voie de conséquence l’allocation de crédit à l’économie réelle.

 

D’ici à fin 2012, les 20 plus grands établissements bancaires de la zone euro vont devoir refinancer environ 800 milliards d’euros de dettes à long terme, soit plus de la moitié de leurs dettes d’une maturité supérieure à un an. Ceci dans un contexte où il va être demandé aux banques d’accroître leur financement à long terme pour renforcer leurs fonds propres, mais également d’accroître ceux-ci, augmentant encore plus ou moins considérablement l’addition selon ce qui sera finalement arrêté par le Comité de Bâle.

 

Or, le marché de la titrisation, qui consiste à transformer des créances en titres financiers émis sur le marché des capitaux, s’est effondré en 2007. Ce sont les banques centrales qui l’ont maintenu en vie, en acceptant les Asset-Back-Securities (ABS) en garantie de leurs prêts. Sans en connaître les montants, on sait que la BCE est en Europe le principal détenteur des ABS, nous y revoilà.

 

Redonner vie à ce marché est vital et mobilise beaucoup d’attentions. L’idée est de développer de nouveaux titres transparents, comparables et simples, adossés à des actifs avec des critères de qualité élevés, afin d’attirer les investisseurs. Rien de plus simple sur le papier. Dans la pratique, il est envisagé que les banques centrales fassent – si les circonstances le permettent, toute la question est là – preuve de plus d’exigence sur la qualité des collatéraux qu’elles acceptent.

 

Parallèlement, un groupe de 10 des plus grandes banques européennes, appelé le « Groupe Potomac » et créé à l’initiative de l’italienne Unicredit, tentent de mettre en place une opération commune. Il s’agirait de créer un nouveau type de titre attractif, du type covered bond, destiné aux fonds de pension et aux hedge funds.

 

Mais le retour de la crédibilité reste la question centrale et la conjoncture ne s’y prête pas particulièrement. Un autre écueil se dresse sur le chemin : il va non seulement falloir recréer la confiance, mais aussi mieux rétribuer le risque, augmentant les coûts de leur financement pour les banques, qui vont aussi devoir montrer l’exemple en gardant un pourcentage notable des titres émis dans leurs livres. On parle de 5%.

 

Aux Etats-Unis, la Fed a partagé le travail avec Fannie Mae et Freddie Mac. 96,5% des prêts immobiliers sont désormais assurés par les soins de ces dernières, avec la garantie de l’Etat. En Europe, un soutien public serait nécessaire afin d’aider les banques à réunir les fonds dont elles vont avoir besoin. Par exemple sous forme de garanties. Mais la conjoncture, là encore, ne s’y prête pas.

 

La créativité financière n’étant jamais prise en défaut, il est proposé par des experts de la Banque d’Italie, à titre personnel, de créer de nouveaux instruments afin de contourner ses difficultés pour l’instant insurmontables. Il s’agirait de créer, à destination des banques d’un côté et des investisseurs de l’autre, ce qu’ils ont appelé des ROOFS (des toits en Anglais), pour Roll-Over Option facilities (littéralement, des instruments de roulement optionnels). Ces titres auraient la particularité d’avoir une maturité optionnellement prolongée par la banque émettrice au cas où son indice de liquidité descendrait en dessous d’un certain seuil. La rétribution de l’investisseur serait alors augmentée.

 

En attendant que ce genre de construction puisse se concrétiser, si c’est le cas, les banques centrales (et les agences gouvernementales aux Etats-Unis) sont collées sous une forme ou sous une autre à des énormes paquets de titres résultant d’une titrisation dont les grandes heures appartiennent au passé. Sans que sa relance dépasse à ce jour le cap des pieuses intentions.

 

Dernier aspect du dossier des banques centrales : la crise de la dette publique. L’une des fuites en avant possible est en effet qu’elles s’engagent – ou se réengagent encore plus résolument qu’aujourd’hui – dans l’achat d’obligations souveraines. Les programmes de la Fed et de la BoE sont pour l’instant suspendus, ceux de la BoJ comme de la BCE en activité (sur le second marché, ce qui revient au même pratiquement).

 

La probabilité que cette option de derniers recours soit choisie grandit alors que l’impasse se précise. Notamment aux Etats-Unis où les signes d’essoufflement de la reprise se multiplient, alors que les effets des plans de simulation publique de l’économie s’éteignent et qu’il devient crucial d’engager une politique de diminution du déficit de l’Etat. Coup sur coup, deux mesures de soutien viennent ou vont être prorogées à la demande de l’administration Obama, en faveur des chômeurs en fin de droit et de l’accession à la primo-propriété, qui ne vont pas dans ce sens mais sont vitales.

 

Subsitera comme ultime solution la planche à billets, une fois que on aura tout essayé. Le Nein allemand pourra-t-il alors résister à son éventuelle remise en marche par les Américains, vu le rôle et le poids du dollar ?

 

Pour boucler ce panorama, il reste bien un dernier domaine où l’intervention salvatrice des banques centrales pourrait être recherchée. Mais où elles ne veulent pas s’engager. Il est significatif que Jose Manuel Gonzales-Paramo, décidément sur tous les fronts, ait cru nécessaire d’intervenir catégoriquement en déclarant, pressé de questions, que la BCE ne fournirait « absolument pas » des capitaux aux banques si le résultat des stress tests en cours nécessitait de renforcer leurs fonds propres…

 

Il n’est pas nécessaire que ce reniement supplémentaire intervienne pour que les banques centrales soient solidement installées dans leurs nouvelles missions implicites. De régulateur monétaire, et prêteur en dernier ressort dans les cas d’urgence, elles sont devenues des rouages essentiels à la périlleuse stabilisation du capitalisme financier, dont il ne parvient plus à se passer.

 

Au début de la crise, on a parlé de retour de l’Etat, lorsque les Américains et les Britanniques, peu suspects de complaisance à son égard, ont résolument engagé les leurs dans des opérations de sauvetage capitalistique. Les banques centrales y ont contribué à leur façon et accroissent leur intervention, alors que les Etats eux-mêmes sont désormais en situation de grande faiblesse. Elles se révèlent bien être le dernier recours du capitalisme financier.

 

Mais il y a des limites à leur intervention et au déséquilibre de leurs bilans. Les ressorts se tendent, pouvant à un moment imprévisible casser. L’analogie s’arrête avant, bien entendu.

 

Billet rédigé par François Leclerc

 

Paul Jorion

pauljorion.com

 

 

 

(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.

 

Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).

 

 

 

 

Données et statistiques pour les pays mentionnés : Etats-unis | Italie | Tous
Cours de l'or et de l'argent pour les pays mentionnés : Etats-unis | Italie | Tous
<< Article précedent
Evaluer : Note moyenne :0 (0 vote)
>> Article suivant
Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).
Publication de commentaires terminée
Dernier commentaire publié pour cet article
Soyez le premier à donner votre avis
Ajouter votre commentaire
Top articles
Flux d'Actualités
TOUS
OR
ARGENT
PGM & DIAMANTS
PÉTROLE & GAZ
AUTRES MÉTAUX
Profitez de la hausse des actions aurifères
  • Inscrivez-vous à notre market briefing minier
    hebdomadaire
  • Recevez nos rapports sur les sociétés qui nous semblent
    présenter les meilleurs potentiels
  • Abonnement GRATUIT, aucune sollicitation
  • Offre limitée, inscrivez-vous maintenant !
Accédez directement au site.