Après
des dizaines d’années de politiques favorables, les biocarburants
reçoivent désormais une presse défavorable. La
décision politique dans le cadre du Grenelle de l’environnent de
parler d’« agro-carburants »
à la place des « biocarburants » précédemment
invoqués est symptomatique de la disgrâce de ce produit,
ancienne « vache sacrée » des
environnementalistes pour reprendre les mots de Michal
L. Rosenoer, un analyste de l’association
les Amis de la Terre.
En
remplaçant le préfixe « bio » (chargé
dans l’imaginaire de nombreuses personnes de connotations positives, et
désormais uniquement réservé aux produits issus de
l’agriculture sans pesticides) on souhaite signifier que les biocarburants
ne possèdent pas les vertus environnementales qui leur avaient
longtemps été attribuées. En effet, depuis quelques
années, les critiques à l’égard des politiques favorisant
la production de biocarburants se sont faites de plus en plus nombreuses. Le
grand public commence à prendre conscience de leurs effets
néfastes, sur le plan social autant qu’environnemental.
Par biocarburants
ou agro-carburants, on fait principalement référence à
deux types de produits. D’un côté, le biodiesel (appelé aussi biogazole) est un carburant
biodégradable pour les moteurs à allumage par compression, qui
peut être fabriqué à partir de différentes
espèces végétales oléifères comme le jatropha, le palmier à huile, le tournesol, le
colza, ou encore le ricin. Le bioéthanol
(en mesure de remplacer partiellement ou totalement l’essence) est quant
à lui obtenu par fermentation de sucres à partir de
différentes plantes comme la canne à sucre, le maïs, la
betterave ou encore le blé.
À ces
deux types de carburants s’ajoutent les biocarburants dits de
deuxième génération (comme l’éthanol
cellulosique, fabriqué à partir de déchets agricoles et
ligneux comme la paille de blé, la canne à sucre ou encore le
maïs) et de troisième génération (comme l’algocarburant, obtenu à partir d’algues et
qui, pour l’heure, reste peu compétitif compte tenu de son prix dissuasif,
aux alentours de 10
euros hors taxes par litre de combustible).
Les principaux producteurs
d’éthanol sont actuellement les États-Unis, le
Brésil et la Chine, tandis que les principaux producteurs de
biodiésel sont issus de l’Union Européenne (85% de la
production mondiale) : l’Allemagne (53% de la production
européenne), la France (16% de la production européenne) et
l’Italie (12% de la production européenne). En termes globaux, presque
la moitié de la production
globale de biocarburants vient des États-Unis (éthanol
à partir du maïs), 25% du Brésil (éthanol à
partir du sucre de canne) et 18% de l’Union européenne (biodiesel
à partir du colza).
Une prise de
conscience a eu lieu avec les crises alimentaires de 2008, lorsque l’indice
des prix des denrées alimentaires réalisé par la FAO
(l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture)
a augmenté de 139 à 219 (entre février 2007 et
février 2008), reflétant une augmentation
significative dans la plupart des pays des prix du blé, du maïs
et du soja. La même année, l’Agence européenne de l’environnement
produisait un rapport
soulignant la pression exercée sur les terres agricoles et les sources
d’eau. L’augmentation des terres agricoles contribue en effet à
la déforestation (ce qui en fin de compte rend le bilan carbone des
biocarburants beaucoup plus mitigé) et diminue les nappes
phréatiques.
Les effets de
la production des biocarburants sont certainement complexes, voire impossible
à décrire en détails dans la mesure où personne
ne saurait reproduire exactement les choix des entrepreneurs et des consommateurs
si la production des biocarburants était plus faible. Il est toutefois certain que cette augmentation
artificiellement stimulée dans les années 90 et 2000 a sensiblement
modifié la structure de production agricole.
Il est crucial
de comprendre que ce qui est nuisible n’est pas le produit en tant que
tel, mais les politiques qui ont encouragé une surproduction,
détournant ainsi des ressources alimentaires et des terrains qui
auraient pu être utilisés à d’autres fins. Les deux
prochains articles se pencheront sur les causes de cette situation, en
analysant les subventions apportées à ce type de production et
en évaluant leurs effets actuels.
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