« Nous déballons le
plus beau cadeau que nous aurions jamais pu imaginer », s’est exclamé
Google lors de l’inauguration de son premier prototype de voiture sans
chauffeur. Il s’agit encore d’un prototype. Mais il a des phares, et tout le
reste ! Celui que Google avait présenté en mai dernier n’était qu’une
maquette sans équipements de ce genre.
Et pendant que le reste
d’entre nous s’adonnera à ce que tout un chacun fait en période de vacances,
les employés de Google seront chargés de faire rouler la voiture sur leur
circuit d’essai. Ils espèrent la voir rouler sur les routes du nord de la
Californie dès le début de l’année.
Nous n’avons que très
peu de chances de voir Google devenir un concessionnaire automobile. Google
est une compagnie de l’ère de l’information. Son rôle est de vendre des
annonces publicitaires et les informations privées qu’elle collecte de
diverses manières concernant tout et tout le monde. Elle travaille donc à
installer son système d’exploitation et les services qui lui sont associés
aux voitures sans chauffeur d’autres fabricants automobiles. Et tous s’y
trempent. Ils ont déjà de vraies voitures. Tout ce qui leur reste à faire
serait de mettre le système en place. Une tâche facile. Un peu comme faire
conduire mémé d’un bout à l’autre de la ville sans écraser personne.
Mais ces voitures ne
seront pas prêtes avant plusieurs années. Nos spécialistes des plaintes pour
dommages corporels ne savent pas encore comment gérer les accidents qui
impliqueraient des voitures sans chauffeur. Et la loi a besoin de déterminer
qui en paierait les frais. Google tente de mettre le pied dans la porte en
incorporant dans un premier temps son système Android de collecte de données
aux voitures de tous les jours.
Google, comme son grand
rival Apple, a fait alliance depuis un certain temps avec les fabricants
automobiles. Il y a un an, la société annonçait un partenariat avec Audi en
vue de construire un tableau de bord et un système audio Android. Six mois
plus tard, Apple annonçait un partenariat avec GM, BMW, Mercedes-Benz et
Honda en vue de développer un tableau de bord iOS. Pour que ces systèmes
puissent fonctionner, leur utilisateur doit les connecter à un smartphone.
Mais le système d’exploitation
nouvelle génération de Google, Android M, utilisera le processeur de la
voiture et ira bien au-delà du système de tableaux de bord, a rapporté Reuters. Il sera connecté à internet à tout instant et ne
nécessitera pas l’utilisation d’un smartphone. Il pourra être vendu en option
et gérer les systèmes audio et de navigation. Voilà qui offrirait à Google un
accès illimité aux caméras de chaque voiture, à leur localisation GPS, à leur
niveau d’essence, leur compteur de vitesse… Allez-vous encore une fois trop vite
en zone 30 ?
Google pourrait savoir
où vous allez, où vous vous arrêtez, où vous refaites le plein, où vous
prenez des passagers, et qui ils sont (leurs smartphones voyagent avec vous).
Il y aurait également un système de communication entre voitures, que vous le
vouliez ou non. Google aurait donc accès à toutes les données vous
concernant.
Les possibilités pour la
société de vendre des annonces publicitaires à toutes sortes d’agences
seraient infinies. Google, et non les fabricants automobiles, monétiseraient
l’automobile. Google viendrait se glisser entre vous et votre voiture.
Voici ce que Google nous
en dit : sa voiture réduirait les accidents, diminuerait les émissions
de gaz à effets de serre en transportant ses passagers sur les routes les
plus efficaces à emprunter, et permettrait aux villes de réduire leurs
emplacements de parking. C’est ce que nous a expliqué Jens Redmer, directeur
de développement Google pour l’Europe, le Proche Orient et l’Afrique, bien qu’il
ait ajouté que cela implique le partage de données avec les fabricants
automobiles.
A chaque fois qu’un
conducteur aura besoin d’un service quelconque, Google pourra en bénéficier,
et non le fabricant automobile. Vous pourriez conduire une BMW, mais Google
serait responsable de votre expérience au volant. La différenciation entre
les marques et les produits se trouverait diluée. Il n’y aurait pas de grande
différence entre conduire une BMW ou une GM, puisque les options qu’utiliseraient
les automobilistes ne seraient ni des options BMW ni des options GM, mais des
fonctions Google. L’industrie se rapprocherait encore de la marchandisation
des voitures, où la seule chose qui les différencie est leur prix. L’industrie
tomberait à genoux.
Pour Google et Apple,
une voiture n’est qu’un appareil mobile – un moyen d’élargir la portée de
leurs systèmes d’exploitations et services. Mais les fabricants automobiles
ne voient pas la chose du même œil. En Allemagne, l’industrie automobile est
l’un des secteurs les plus cruciaux, puisqu’il implique des milliers de
petites et moyennes entreprises qui dépendent des marques automobiles de luxe
qui dominent le monde en matière de standards.
Les politiciens
allemands s’en sont mêlés, et ont tenté d’empêcher la « googlisation »
du sacrosaint produit de fabrication allemande. Ils ne veulent pas voir
Google obtenir un autre monopole, celui des systèmes d’exploitation
automobiles.
Le ministre allemand de
l’économie et de l’énergie, Sigmar Gabriel, a déclaré au directeur de Google,
Eric Schmidt, en octobre dernier que l’Union européenne désirait construire
sa propre « architecture de données ».
Une déclaration de principe
rédigée par le parti d’Angela Merkel, le CDU, précise que « bientôt, la
performance des systèmes automobiles digitaux jouera un rôle important dans
les décisions d’achat des consommateurs, au même titre que la marque de
fabrication des automobiles ». Ce passage à une conduite améliorée par l’internet
« offre un immense potentiel aux fabricants et fournisseurs allemands ».
« Nous ne devons
sous aucune circonstance laisser notre développement dépendre de sociétés
comme Google », a décrété Joachim Pfeiffer, porte-parole du bloc
parlementaire du CDU pour les politiques économiques et énergétiques.
Tous perçoivent l’immense
potentiel de la génération de données par la conduite. Ce pour quoi ils se
battent, c’est la monétisation de cette idée. Et selon Bloomberg, les
fabricants automobiles allemands tombent d’accord :
« Les données que
nous recueillons sont les nôtres et non celles de Google », a déclaré
Rupert Stadler, de chez Audi. Le directeur de Volkswagen, Martin Winterkorn,
et le directeur de Daimler, Dieter Zetsche, sont aussi d’accord. « Personne
ne touchera à nos systèmes d’exploitation ».
La bataille est donc
déclarée entre Google et les fabricants automobiles quant à savoir qui
contrôlera vos données personnelles pour les combiner à d’autres, les
analyser, les archiver indéfiniment, les distribuer ou les vendre, vous
manipuler ou vous pourchasser. Vos données seront monétisées autant que
possible. Elles seront partagées, volontairement ou non, avec les gouvernements.
Et elles seront –ainsi que votre voiture – la proie des pirates
informatiques.
Pour les politiciens et
les fabricants automobiles allemands, cette collecte de données excède tout
ce que la NSA a pu imaginer et représente une immense opportunité. Le
contrôle de ces données en vaut la chandelle. Mais nous savons déjà qui ne
possèdera plus nos données : nous-mêmes. Pas question de discuter.
L’internet arrive
partout. Dans nos frigos, dans nos réveils, dans nos portes de garage, nos
thermostats, nos toilettes… Mais au-delà du battage publicitaire, leur
objectif devient clair. Lisez ceci : Goal
of Booming ‘Internet of Things': Monitoring, Sensing, Remote Control –
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