Les artisans du bâtiment défilaient, le 13 septembre
dernier, dans les rues des principales villes de France à
l’appel de la CAPEB (Confédération de l’artisanat et
des petites entreprises du bâtiment), comme le 18 janvier
déjà, ou encore le 31 janvier, cette fois sous
l’égide de la FFB (Fédération française du bâtiment).
Cette mobilisation entendait proclamer le ras-le-bol de ces petits
patrons. Plusieurs revendications étaient mises en avant, mais il
s’agissait principalement de combattre l’augmentation de la TVA
– qui passera de 7 à 10% pour les travaux de rénovation
au 1er janvier 2014 – et de dénoncer la
« concurrence déloyale » des auto-entrepreneurs.
Arrêtons-nous quelques instants sur ces deux points.
La TVA
réduite, tout d’abord. Comme les artisans, nous souhaiterions que cette
taxe soit la moins élevée possible et nous serions les premiers
à nous réjouir si, le 1er janvier prochain, elle
baissait au lieu d’augmenter.
Mais, regardons d’un peu plus près l’article
279-0 bis du code
général des impôts. Il y est
indiqué que sont concernés par le taux réduit de TVA
« les travaux d'amélioration, de transformation,
d'aménagement et d'entretien portant sur des locaux à usage d'habitation,
achevés depuis plus de deux ans, à l'exception de la part
correspondant à la fourniture d'équipements ménagers ou
mobiliers ou à l'acquisition de gros équipements ».
L’administration fiscale a précisé par ailleurs
que les travaux ne doivent pas concourir à la production d’un
immeuble neuf. C’est-à-dire qu’ils ne doivent :
-
ni rendre à l’état neuf le
gros œuvre (la majorité des fondations ou des autres
éléments qui déterminent la résistance et la
rigidité de l’ouvrage ou de la consistance des façades
hors ravalement) ;
-
ni rendre à l’état neuf plus
de deux tiers de chacun des éléments de second œuvre (les
planchers, les huisseries extérieures, les cloisons
intérieures, les installations sanitaires et de plomberie, les
installations électriques et le système de chauffage en
métropole).
Prenons un exemple pour démontrer le côté ubuesque
de la mesure. Vous bénéficiez de la TVA réduite si vous
changez 66 % de vos planchers (moins des deux tiers) et 100 % des menuiseries
extérieures, des cloisons intérieures, de la plomberie et des
installations sanitaires, de l’électricité et du
chauffage (en métropole). En revanche, la TVA sur vos travaux sera
à taux plein si vous remplacez 67 % (plus des deux tiers) des
planchers et de chacun des éléments déjà
cités !
Les lobbyistes du bâtiment devaient avoir un dossier bien
construit, digne de la « Pétition des fabricants de chandelles » de
Frédéric Bastiat !
On pourrait opposer un grand nombre d’arguments à cette
mesure, dont certains vous viennent certainement à l’esprit.
Je voudrais mettre l’accent sur un seul point : l’incohérence du discours
patronal. En effet, la CAPEB et la FFB, protestent, à juste titre,
contre l’augmentation continue des taxes et des impôts, contre
l’instabilité fiscale, contre l’inflation des normes,
contre la paperasserie administrative…, bref contre l’invasion
tentaculaire de l’État. Mais, de l’autre
côté, ces organisations réclament davantage de mesures
particulières pour leur secteur qui ont pour effet de conforter, sinon
de faire grossir, l’administration.
Car derrière cette TVA réduite, il y a une
administration qui va mettre en place une réglementation (articles,
ordonnances, décrets, instructions et rescrits dans le code général
des impôts et le code de l’urbanisme), qui va la contrôler
(imprimés Cerfa n° 13947*01
n°13948*01, complétés éventuellement par des annexes
selon la nature des travaux réalisés), et qui cherchera
à sanctionner pour montrer qu’elle existe.
Avec ce type de mesures, les bureaucrates
patronaux et les fonctionnaires ont des intérêts convergents,
notamment celui de justifier leur propre emploi.
Il serait judicieux que les organisations
interprofessionnelles – par exemple le MEDEF et la CGPME qui ont
organisé le 8 octobre dernier un rassemblement commun pour
dénoncer les charges qui pèsent sur les entreprises et
l'instabilité fiscale et réglementaire – arrêtent
de cautionner ces recherches de rentes.
Et si ces organisations adoptaient un
nouveau discours ? Celui de la baisse des charges et de
l’abolition simultanée des aides. Celui de la suppression des
réglementations et de la disparition simultanée des
dérogations.
À suivre
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