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Bastiat a fait
l’objet de très nombreux articles sur ce site et, en
particulier, sous ma plume. Mais on n’en parlera jamais assez, tant sa
pensée demeure d’actualité.
Aujourd’hui,
nous allons recenser le livre de Robert Leroux, Lire Bastiat, paru en 2008, soit il y a plus de cinq ans. Robert
Leroux est un professeur de sociologie québecois
ayant écrit plusieurs livres sur les libéraux les plus
illustres, comme Frédéric Bastiat et l’Autrichien, Ludwig
von Mises.
Celui sur
Bastiat vaut réellement le détour, tant l’ouvrage est
facile à lire, tout en étant, en même temps, assez
complet sur cet auteur, mort malheureusement beaucoup trop jeune (à 49
ans).
Leroux
commence par rappeler un paradoxe qui n’en est un qu’à
première vue : Bastiat a longtemps été
méconnu dans l’Hexagone et n’a commencé à y
être réellement étudié que vers la fin du XXe
siècle, grâce à Florin Aftalion, et ce, alors que, dans
les pays anglo-saxons, son œuvre connaissait un certain succès.
À
première vue, seulement, car les idées libérales sont
beaucoup plus répandues en Angleterre et aux États-Unis
qu’en France, à défaut d’y faire l’objet
d’une application plus concrète.
Leroux
poursuit en indiquant quel a été le principal combat
idéologique de Bastiat durant sa courte vie : celui pour le
libre-échange. En cela, il était extrêmement admiratif de
ce qui se passait en Angleterre et craignait une chose : si ce pays
s’ouvre autant au libre-échange, alors il assoira
définitivement son hégémonie économique au
détriment de la France.
L’œuvre
de Bastiat est en rupture par rapport à celle des autres
économistes classiques : contrairement à Jean-Baptiste
Say, par exemple, Bastiat fait du consommateur l’axe central de ses
réflexions.
Mais
l’apport majeur de Bastiat réside certainement en sa
théorie de la valeur. Smith et Ricardo considéraient que la
valeur était fonction du travail. Il est étonnant que de telles
thèses aient pu prospérer. Le tableau d’un peintre
« lambda » ne vaudra jamais celle d’un Picasso,
même si ce dernier y aura consacré trois fois moins de temps.
Bastiat s’insurge également contre la rareté. En effet,
ce n’est pas parce qu’une denrée est rare qu’elle
sera prisée par les consommateurs, même si, incontestablement,
la rareté joue sur la détermination du prix dans une grande
partie des cas. Mais ce n’est pas le seul facteur et, dans ce domaine,
l’irrationalité peut jouer un rôle majeur. La thèse
de Bastiat en la matière sera d’ailleurs reprise
par un autre libéral, plus connu mais uniquement parce que son
œuvre a été grandement travestie : Vilfredo Pareto.
Pour en
revenir à Bastiat, on apprendra également dans le livre de
Leroux que, curieusement, bien qu’il soit conscient de ses grandes
divergences idéologiques avec lui, l’économiste de Mugron
a défendu Malthus contre les attaques dont il fut l’objet, suite
à la parution de son œuvre, Essai
sur le principe de population. Rappelons que Malthus, ancêtre
éloigné du développement durable,
s’inquiétait tout particulièrement de la rareté
des ressources et craignait que l’augmentation exponentielle de la
population ne réduise ces dernières à néant.
Un tel
pessimisme tranchait avec l’optimisme de Bastiat. Et c’est
justement une des critiques (nuancées, certes) de Leroux à son
encontre : si, évidemment, les thèses de Malthus
étaient folkloriques, tant il n’avait aucune confiance en la
capacité de l’être humain à s’adapter
à son environnement, en revanche, l’optimisme béat de
Bastiat était tout aussi naïf. Ainsi, il croyait que le
socialisme n’était qu’une lubie passagère
appelée à rapidement disparaître. Les faits lui ont
donné tort. Mais on ne saurait le lui reprocher, cette
idéologie n’ayant commencé à faire des ravages
qu’à compter de la seconde moitié du XIXe
siècle. Bastiat n’avait pas le recul nécessaire pour
s’inquiéter de sa montée.
Il n’en
demeure pas moins qu’il reste un précurseur de toutes les
écoles libérales du XXe siècle et
représente une des fiertés de la France en la matière.
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