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Par la faute d'un
emploi du temps absolument démentiel, je n'ai pas pu travailler pour
le blog de tout le week-end. Tous mes projets sont en retard. Qu'importe,
d'autres bossent pour moi ! Ainsi, Wendell Cox, avec
la complicité d'Hugh Pavletich,
vient de publier son 5ème rapport annuel sur l'accessibilité
financière du logement dans le monde anglo-saxon (PDF).
Chaque
année, le produit s'améliore. Ce sont pas moins de 265
marchés des principales agglomérations des 6 principales
nations anglo saxones (USA,
Canada, Irlande, Australie, Nouvelle Zélande, Grande Bretagne)
qui sont passés au crible. Il faudra bientôt parler du
"Cox-Pavletich" comme on évoque le rapport annuel de la cour
des comptes, ou le classement "fortune 500": un grand classique
à ne manquer sous aucun prétexte.
Cette
année, un commentaire détaillé a été
ajouté sur la crise financière qui secoue les économies
occidentales.
L'on y
découvre que, malgré la chute actuelle, les prix du logement
des villes les plus chères restent prohibitifs en comparaison des
revenus des foyers de la zone concernée : le potentiel de baisse en
fonction de l'intensité de la contraction du crédit à
venir, reste important. La déflation immobilière n'est pas
prête de s'arrêter !
Wendell Cox
revient, chiffres à l'appui, sur une des thèses que nous sommes
encore assez peu nombreux à soutenir en France: si le droit des sols
des USA avait été partout du même type que celui que l'on
trouve dans des agglomérations comme Houston, c'est à dire de
type "réactif" à la demande de logement, alors la bulle immobilière ne se serait pas formée,
ou si peu, et, malgré la présence de pratiques de crédit
plus que douteuses outre Atlantique, la bulle de crédit qui aurait
éclaté aurait été bien moins sévère
et aurait été cataloguée comme une crise mineure parmi
d'autres. Schéma extrait du rapport:
Un bon
schéma vaut mieux que mille mots
Nb.
Les droits du sols "réactifs" ou "adaptatifs" (responsive) sont ceux
où les règles d'affectation de l'usage des sols tendent
à s'adapter facilement à la demande de logement. Les droits du
sols "impératifs"
(prescriptive) sont ceux où l'affectation du sol est
prédéfinie par des "plans" généralement
conçus par des bureaucraties agissant sous la pression
d'intérêts locaux visant à préserver la
tranquilité des foyers déjà établis et à
augmenter artificiellement la valeur des propriétés existantes
au détriment des nouveaux entrants sur le marché du logement.
Une illustration
de la différence de comportement des marchés
"prescriptifs" et des marchés "adaptatifs" est
fournie par ce graphe, qui montre sans ambiguité que, selon la formule
de Paul Krugman, "In
Flatland, a Housing Bubble can't even get started".
L'on y voit que le ratio "montant médian des transactions/revenu
médian des ménages" des marchés au droit du sol
"adaptatif" s'est assez peu écarté de sa moyenne
historique (+20% au sommet de la bulle), alors que les marchés
"prescriptifs", l'on devrait plutôt dire
"restrictifs", ont vu en moyenne ce ratio augmenter de 80%... En partant
de plus haut, ce qui laisse à penser que même en temps de
crédit peu extensif, les droits du sol prescriptifs imposent
déjà un léger surcoût aux acheteurs.
Les connaisseurs
du marché Français noteront que chez nous aussi, de 1997
à 2007, les prix du logement ont augmenté de 80% par rapport au
revenu médian des ménages (source
ADEF). Devinez maintenant quelle est la nature de notre
droit des sols ?
Tous ces
éléments chiffrés tendent à valider une partie
des éléments de mon ébauche de "loi de formation des bulles immobilières":
Pour
qu'une bulle immobilière se forme, il faut que se trouvent
réunis quatre facteurs:
- Une
période de confiance en l'avenir, généralement
marquée par une croissance au moins "normale", voire
"forte".
- Une
démographie du nombre de foyers en hausse, ce qui peut se produire
à la fois du fait de la hausse générale des
populations, mais aussi de la baisse du nombre de personnes par foyer.
Ce phénomène peut être accentué par
d'importantes migrations internes qui renforceront la bulle en certains
endroits.
- Un
crédit abondant et bon marché, quelles qu'en soient les
causes (crédit "naturellement bon marché" ou
"artificiellement subventionné par l'état")
- Des
réglementations du sol ou de la construction rendant difficiles
l'édification de logements neufs en quantité
adaptée à l'accroissement de la demande des
ménages.
En Grande Bretagne, en Australie, en
Nouvelle Zélande, une prise de conscience est en train de se produire
en faveur d'une libéralisation au moins partielle des règles
encadrant le foncier constructible. Et en France ? Je vous livre un
extrait de l'éditorial de l'économiste du logement Joseph
Comby, qui ne passe pourtant pas pour un libéral forcené, doux
euphémisme, dans le dernier numéro (n°136) d'études foncières :
A Paris, après la
bulle spéculative (NdVB: de la fin des années 80),
la phase de résistance des propriétaires avait ainsi
duré cinq ans, de 1992 à 1996. Cela n’avait pas
empêché les prix de retomber à leur niveau
d’équilibre, hors anticipations, mais la reprise sur des bases
plus saines (NdVB:
Plus saines ? Discutable !!) avait été
retardée d’autant. Ne renouvelons pas les erreurs d’il y a
quinze ans. Cessons une bonne fois de soutenir artificiellement la demande,
d’ailleurs nous n’en avons plus les moyens. Attaquons-nous
sérieusement aux blocages de l’offre, à commencer par le
foncier. Il a monté plus vite que l’immobilier, il devra
redescendre plus vite et retrouver ses niveaux d’il y a huit ans. Non
par des artifices, mais par une production massive de droits à
bâtir mis effectivement sur le marché.
Je n'aurais su mieux dire ! Les mentalités sont en train
d'évoluer. Je commence à croire possible un assouplissement
(à défaut d'une libéralisation) de notre droit des sols
en faveur de la construction.
Vincent
Bénard
Objectif Liberte.fr
Egalement par Vincent Bénard
Vincent Bénard, ingénieur
et auteur, est Président de l’institut Hayek (Bruxelles, www.fahayek.org) et Senior Fellow de Turgot (Paris, www.turgot.org), deux thinks tanks francophones
dédiés à la diffusion de la pensée
libérale. Spécialiste d'aménagement du territoire, Il
est l'auteur d'une analyse iconoclaste des politiques du logement en France, "Logement,
crise publique, remèdes privés", ouvrage publié
fin 2007 et qui conserve toute son acuité (amazon), où il
montre que non seulement l'état déverse des milliards sur le
logement en pure perte, mais que de mauvais choix publics sont directement
à l'origine de la crise. Au pays de l'état tout puissant, il
ose proposer des remèdes fondés sur les mécanismes de
marché pour y remédier.
Il est l'auteur du blog "Objectif
Liberté" www.objectifliberte.fr
Publications :
"Logement: crise publique,
remèdes privés", dec 2007, Editions Romillat
Avec Pierre de la Coste : "Hyper-république,
bâtir l'administration en réseau autour du citoyen", 2003, La
doc française, avec Pierre de la Coste
Publié avec
l’aimable autorisation de Vincent Bénard – Tous droits
réservés par Vincent Bénard.
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