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Un mort qui ne le sait toujours pas

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Publié le 02 octobre 2010
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Rubrique : Editoriaux

 

 

 

 

Les dirigeants européens affichent leur détermination, mais va-t-elle tenir jusqu’au bout ? Ils affirment la nécessité de renouer sans tarder avec des déficits publics conformes aux normes datant de la création de l’euro, et à en faire de même pour le montant de la dette. Le tout au prix d’importantes restrictions budgétaires et d’augmentations de la fiscalité. Mais sont-ils réellement d’accord sur les rythmes et les modalités ? Quel est l’avenir de cette politique, au-delà des divergences supposées ?


Une première interrogation porte sur le danger de création de la spirale descendante qui en résulterait. Ces mesures pesant sur la croissance, accentuant les tendances récessives globales dans un contexte régional et mondial déjà peu favorable, les pays les plus éprouvés étant plus immédiatement menacés. Si cela devait se produire, les recettes des Etats s’amoindrissant et les taux auxquels ils empruntent sur les marchés montant, un effet ciseau interviendrait. Il ferait obstacle à la poursuite de cette aventure. Une première restructuration de dette aurait un effet domino, le caractère opérationnel du fonds de stabilité restant à démontrer, comme on va le voir plus loin.


La seconde interrogation s’appuie sur l’ampleur à venir du mouvement de protestation aux mesures gouvernementales, dans un climat social qui ne laisse pas nécessairement paraître au grand jour de profondes inquiétudes, et dont la traduction est incertaine. Résignation et rejet sont les deux faces de cette même médaille, et l’on ne sait pas à l’avance de quel côté elle tombera. L’expérience en la matière tend à prouver que plus les mouvements d’opinion sont souterrains, plus ils peuvent être massifs lorsqu’ils font finalement surface. C’est un gros pari que de vouloir jouer au plus fin avec cela.


Une maturation est en cours, qui va permettre de préciser la réponse à ces deux questions, au fur et à mesure des rebondissements à venir. En attendant, le camp des pays entrés dans la zone des tempêtes s’agrandit, la Grèce y ayant été rejointe par l’Irlande, le Portugal n’en n’étant plus éloigné. Le sort que vont pouvoir connaître ces deux premiers pays ne laisse pas de place au doute chez les observateurs avertis : une restructuration de leur dette sera nécessaire à terme, ils ne pourront pas aller au bout de ce qu’ils ont engagé.


Ce camp va-t-il s’élargir à l’Espagne ? C’est la grande question, car toutes les conditions ou presque sont réunies pour que ce soit le cas. Si la dette publique reste relativement contenue, la dette privée est gigantesque, en raison d’une bulle immobilière qui n’a rien à envier à celle de l’Irlande. A l’image de la bulle américaine, elle est rétive à toute résorption et va produire de nouveaux dégâts financiers. Toujours d’une grande fragilité en dépit des restructurations engagées, le système bancaire sera alors en première ligne.


La situation sociale, quant à elle, se tend fortement comme on vient de le constater. Enfin, le gouvernement a basé son plan de marche sur des prévisions de croissance irréalistes et devra soit le revoir, soit prendre de nouvelles mesures d’austérité. Le taux obligataire espagnol ne connaît pas l’envolée de celui des pays de la zone des tempêtes, mais cela ne le prémunit en rien d’une même évolution, alors que le gouvernement va devoir lever l’année prochaine 192 milliards d’euros sur le marché obligataire.


L’analyse du contexte européen doit prendre également en compte d’étonnantes révélations. Le fonds de stabilité financière (EFSF) tout juste mis en place, il se confirme que le gouvernement allemand est catégoriquement opposé à ce que soit envisagé sa prorogation, sa durée ayant été fixée à trois ans, alors même que Jacques Delors et Mario Monti, anciens présidents de la Commission, viennent de le suggérer. Cette échéance est rapprochée et laissera la Grèce au milieu du gué, sans parapluie de protection financière, au moment où son plan spécifique de soutien sera arrêté et ses besoins de financement de la dette publique augmenteront.


Ce calendrier n’est donc pas en phase avec celui de la crise européenne, qui ne sera pas réglée quand son terme arrivera. La raison en est qu’il est calqué sur celui de la réduction des déficits que les Allemands veulent imposer, par rapport auquel ils ne veulent pas d’échappatoire.


La crise irlandaise a dévoilé une singulière caractéristique de l’EFSF qui n’avait pas été rendue publique : il n’est pas véritablement destiné à être activé ! Car comment expliquer que sa mise en œuvre soit tout aussi catégoriquement refusée à l’Irlande, alors que le taux auquel le gouvernement va devoir emprunter sur les marchés sera très élevé, en dépit de sa détente actuelle ? Pesant davantage – comme si le fardeau n’était pas déjà suffisamment imposant – sur les finances publiques et les Irlandais, obérant les chances de remplir à l’arrivée le contrat imposé.


Incidemment, refuser de soutenir financièrement un Etat devant consentir des taux obligataires si élevés – en prenant les devants au lieu de n’intervenir qu’au bord du précipice – vaudra le moment venu transfert financier en faveur des investisseurs – les banques européennes dans une large mesure. Les vases communiquent, mais toujours dans le même sens.


Des calculs ont montré que le complexe et laborieux montage qui a abouti à la création de l’EFSF aurait comme conséquence d’assortir ses éventuels prêts de taux rédhibitoires de l’ordre de 7 à 8% ! Comment dissimuler cette inconséquence si ce n’est en ne l’activant pas ? A quoi sert-il alors, sauf à chercher à faire croire que l’on est prêt à intervenir, sans toutefois le faire ? Combien de temps une telle fiction dissuasive va-t-elle pouvoir tenir ?


Comme s’il s’agissait de renforcer la crédibilité de cette histoire, un autre bébé de la même famille est annoncé. Fort du succès des précédents tests d’effort de certaines banques européennes – qui n’ont réussi qu’à susciter des critiques, quand ce n’était pas des sarcasmes, chez les observateurs attentifs qui sont de plus en plus nombreux – il est dorénavant question de pratiquer régulièrement cet exercice de propagande. Pratiquant l’humour involontaire, la Commission a promis de les améliorer… en ne rendant pas publics leurs résultats un vendredi soir, comme les premiers. Elle aurait mieux fait d’expliquer, par exemple, pourquoi l’Anglo Irish Bank – qui fait sérieusement causer d’elle ces derniers jours – ne figurait pas sur la liste des banques testées. Manque de place sur le papier, sans doute ?


Au chapitre des fortes mesures prises par les plus hautes autorités, il serait injuste de ne pas évoquer l’arsenal des pénalités destinées aux pays qui ne respecteront pas les nombres d’or du déficit et de la dette publics. Tous leurs puissants efforts convergent – non sans quelques fortes nuances – vers un unique objectif : forcer à tout prix les pays européens à revenir puis à rester dans le rang, alignés sur les normes de déficit, tournant superbement le dos à toute relance économique. L’histoire jugera…


De nombreux écueils se présentent sur la route choisie. Sera-t-il possible à l’arrivée de faire l’économie d’une restructuration de la dette publique, puisque l’optique des Américains, Britanniques et Japonais – jouer la relance en faisant tourner la planche à billet – est exclue par construction dans la zone euro ? Les modalités d’une telle restructuration ne manquent pourtant pas, mais seulement voilà… elle secouerait sévèrement le système bancaire européen.


Il est vivement recommandé d’adopter une conduite vertueuse afin de ne pas peser sur les générations futures, mais un train peut en cacher un autre : ce sont en réalité les banques européennes qu’il faut protéger, encore une fois, car elles risqueraient de ne pas tenir le choc. Puis, alors qu’elles seraient dans l’obligation de renforcer leurs fonds propres, afin de respecter les futurs ratios de Bâle III, elles auraient alors à enregistrer des dépréciations de leurs actifs obligataires, qui feraient grimper leurs besoins financiers. Les vases communiqueraient alors dans l’autre sens, ce n’est pas envisageable.


C’est toujours sur le même obstacle que l’on bute. D’autant que le débat monte – bien que dans des cénacles restreints et même très réservés – à propos des obligations supplémentaires de renforcement des fonds propres des banques et de leurs modalités. Et qu’il inquiète particulièrement les banquiers de la zone euro. Trois problématiques distinctes sont étudiées.


La première à propos des exigences supplémentaires de fonds propres à l’encontre des banques présentant un fort risque systémique, celles que l’on dénomme TFBT (too big too fail ou trop obèses pour plonger). Une conjonction d’intérêts et de préoccupations pousse fortement en ce sens, notamment aux Etats-Unis et au Royaume-Uni. La seconde, plus technique, porte sur la définition des actifs éligibles au rang des fonds propres, à propos de laquelle le Comité de Bâle a laissé subsister un grand flou. La dernière sur le contenu de la notion de « bail-in », sauvetage des banques ne faisant pas appel aux fonds publics par opposition à « bailout ». Car les régulateurs partent du principe que les Etats n’auront plus les moyens de renflouer les banques la prochaine fois (!) et qu’il faut anticiper en mettant en place un autre dispositif.


Américains et Européens divergent cependant – comme chaque fois qu’il s’agit de réglementation bancaire – sur la manière de procéder à ces « bail-ins ». Les premiers s’inspirant de la pratique de la FDIC et de leur loi sur les faillites (chapitre 11), les seconds privilégiant l’utilisation d’obligations hybrides d’un nouveau genre, les Cocos (Contingent Convertibles bonds). Dans les deux cas, les créanciers seraient à priori mis à contribution pour restructurer le bilan d’une banque en difficulté, mais le schéma européen a le défaut d’être théorique, susceptible de biais cachés, les Cocos n’existant pas et la réaction des investisseurs à ce nouvel instrument financier étant inconnue. Sous ses apparences techniques, ces débats sont essentiels, car ils portent sur les modalités de renforcement des fonds propres des banques, l’adoption d’un calendrier particulièrement favorable à leur cause n’étant qu’un des aspects du problème. Le prochain G20 des 11 et 12 novembre va être appelé à en discuter.


On en revient toujours à la même lancinante question : l’addition des besoins financiers des Etats et du système bancaire et la capacité des marchés à y répondre à des coûts abordables, dans un contexte déjà marqué par une baisse très substantielle du retour sur investissement (ROI) des établissements financiers. ROI qui pourrait encore être détérioré au passage.


« Le système financier est mort », vient de déclarer Paul Volcker, ancien président de la Fed et l’un des conseillers économiques de Barack Obama, à l’occasion d’une allocution devant l’assemblée de la Federal Reserve de Chicago.


Le problème est qu’il ne s’en est pas encore rendu compte.



Billet rédigé par François Leclerc

 

Paul Jorion

pauljorion.com

(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.

Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).


 

 

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