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Depuis
que les dirigeants des pays du système monétaire international
de 1944-45 sont convenus d'abandonner
définitivement l'or comme référence de leurs
monnaies nationales (1971-73), on ne devrait plus parler de "taux de
change" des monnaies, mais de "prix relatifs" de celles-ci.
Quand l'or était la référence, l'"ancre", il
était "le change", et avaient, chacune, un taux de change,
les monnaies nationales, les monnaies en question étant des monnaies
monopolisées par les autorités monétaires
privilégiées de chaque pays.
1.
L'échangeabilité internationale des monnaies.
Quand les monnaies sont échangeables aujourd'hui librement, sans
entraves, et peuvent être détenues ainsi hors des
frontières du territoire de juridiction des autorités
monétaires qui en ont le privilège d'offre, on devrait parler
de "monnaies échangeables internationalement" et de prix
relatifs de ces monnaies échangeables internationalement.
Le yuan, nom de la monnaie de la Chine communiste, n'est pas le nom d'une
monnaie échangeable internationalement car les autorités
monétaires de ce pays l'en empêche par un contrôle des
changes total.
De ce fait, le yuan n'est pas comparable au dollar des Etats-Unis, à
la livre du Royaume Uni, au yen du Japon, à l'euro de certains pays de
l'Union européenne, etc.
Le $, la £, le Yen, sont des monnaies historiques, monopolisées
par leurs autorités nationales privilégiées par leur
législateur national.
L'€ est une monnaie expérimentale (depuis 1999-2002)
monopolisée par la Banque centrale européenne et le
système des banques centrales nationales des pays de l'euro en
conséquence du traité dit "de Maastricht".
Faire la comparaison du yuan et du $ (ou de la £ ou du Yen ou de
l'€) est donc une erreur économique majeure, on ne saurait
comparer des monnaies échangeables internationalement et des monnaies
qui ne le sont pas.
2. Le prix du
yuan/renminbi.
Que penser alors du prix des monnaies échangeables internationalement
en yuans ou du prix du yuan en ces monnaies ?
Ils révèlent l'efficacité de contrôle des changes
des autorités monétaires chinoises, voire celle des
manipulations des marchés des monnaies échangeables
internationalement, spot ou non spot, par ces autorités ou par celles
d'autres pays, régions, voire par des institutions internationales
(Fonds monétaire international par exemple).
Si les autorités chinoises démontrent cette efficacité,
c'est parce que les échanges de biens et services de la Chine
communiste avec le reste du monde sont excédentaires.
C'est parce que la Chine communiste a des exportations de biens et services
dont les prix sont reçus en dollars, ou en autres monnaies échangeables
internationalement, supérieures à ses importations qu'elle paye
en dollars ou en ces monnaies.
C'est aussi parce que la Chine communiste accumule des quantités de
dollars, voire de ces autres monnaies.
Et s'il en est ainsi, c'est parce que les autorités chinoises ont
réussi jusqu'à présent à fixer des prix des
produits chinois à un niveau inférieur aux prix des produits
non chinois comparables par la demande.
C'est aussi parce que les prix des produits étrangers importés
sont inférieurs aux prix fixés des produits chinois comparables
par la demande.
Bien évidemment, dans la mesure où un produit n'est pas
fabriqué par la Chine, où celle-ci n'en a pas la
capacité, tout se passe comme si son prix était trop
élevé.
3. Quelques faits
à rappeler.
Qui sait qu'en 1981, les autorités chinoises avaient fixé un
prix du dollar en yuans proche de 1,5 yuans (cf. graphique ci-dessous) et
qu'en près d'une quinzaine d'années, elles vont le manipuler de
façon à le faire parvenir à près neuf yuans
– en 1995 - ?
Figure 1
Prix du dollar en yuans.
Depuis lors, elles l'ont fait rebaisser en dessous de sept yuans en 2009.
C'est donc encore une multiplication du prix du dollar en yuans par
près de 4 en près de trente ans.
Très exactement, le graphique fait apparaître :
- une augmentation continue du prix du dollar en yuans de moins de 2 yuans au
début de la décennie 1980 jusqu'à près de 9 yuans
en 1993/4 – stabilité à moins de 4 yuans entre 1987 et
1989 –,
- puis une légère baisse en 1995 au dessus de 8 yuans jusqu'en
2005,
- puis une nouvelle baisse en dessous de 7 yuans en 2009.
Aujourd'hui, le prix du dollar en yuans reste largement au-dessus ce de qu'il
était en 1993 (alors moins de 6 yuans).
En parallèle avec cette évolution, on peut bien sûr
mettre l'évolution du prix du $ en FF - abandonné depuis la
période 01.01.1999-01.01.2002 - depuis la même époque
(cf. figure 2).
Figure 2
Prix du dollar en francs français.
Le graphique fait apparaître :
- hausse du dollar de 1980 à 1985 à 10 FF,
- baisse jusqu'en 1995 à près de 5 FF, puis
- hausse jusqu'en 2002 à plus de 7 FF.
Pour sa part, la monnaie de l'Allemagne de l'Ouest (R.F.A.) a connu une
évolution voisine de celle du FF, depuis 1980, mais dans des
proportions moindres (cf. figure 3).
Figure 3
Prix du dollar en DM.
le dollar passant de moins de 2DM à plus de 3 DM),
puis baissant à près de 1,5DM en 1995 pour remonter ensuite
à plus de DM.
L'euro né dans la période 01.01.1999-01.01.2002 a connu une
augmentation continue de 2002 jusqu'à mi 2008, de moins de 0,9 dollars
à près de 1,6,
puis un mouvement brutal, saccadé, de baisse puis de hausse dans la
fourchette "moins de 1,6, moins de 1,3" (cf. figure 4).
Figure 4
Prix du dollar en euros.
La monnaie japonaise fait apparaître un prix du dollar
qui passe de 240 yens à près de 80 entre 1980 et 1995,
puis s'inscrit sur une stabilité moyenne de 110 yens (cf. figure 5).
Figure 5
Prix du
dollar en yens japonais.
Seule parmi les monnaies échangeables internationalement historiques,
la monnaie du Royaume Uni semble varier comme le dollar, mais celui depuis
1990 (cf. figure 6).
Figure 6
Prix de la livre en dollars.
Bien évidemment, ces évolutions depuis 1980 des principales
monnaies échangeables internationalement, monopolisées par des
autorités monétaires privilégiées peuvent
s'interpréter de deux grandes façons selon qu'on admet que les
autorités monétaires manipulent avec efficacité ou non
les prix des monnaies.
Si on refuse l'hypothèse, les évolutions témoignent pour
le moins d'une instabilité économique que la création de
l'euro n'a en rien réduite, mais cachée.
Si on accepte l'hypothèse, les évolutions informent des choix
des autorités monétaires.
Et on peut bien sûr soutenir que la réalité est
intermédiaire entre les deux hypothèses.
4. Yuan/renminbi,
balance commerciale de la Chine et prix fixés.
Il en est différemment de la Chine communiste qui affiche sa politique
de manipulation du yuan avec l'interdiction de détention du yuan hors
des frontières chinoises.
Si ses échanges de biens et services avec le reste du monde avaient
été déficitaires, les autorités chinoises
n'auraient pas démontré l'efficacité décrite.
Elles n'auraient pas pu accumuler des réserves en monnaies
étrangères, principalement en dollars des Etats-Unis.
Et les échanges auraient été déficitaires si les
autorités chinoises s'étaient trompées lourdement dans
la fixation des prix chinois : tant dans la fixation des prix chinois en
monnaies étrangères pour l'exportation que dans la fixation des
prix chinois en monnaies étrangères pour l'importation.
Ce n'est donc pas le prix du yuan en monnaies étrangères
échangeables internationalement dont il convient de se
préoccuper, mais des prix chinois fixés par les
autorités chinoises, des prix vraisemblablement fixés en
dollars, en euros, en yens, en livres, comme si le dollar, l'euro, le yen, la
livre circulaient en Chine communiste.
Qu'on le veuille ou non, pour l'instant, la Chine communiste est
dollarisée, le yuan n'est pas une monnaie, mais une unité de
"mauvais" compte.
Mais on sait depuis les écrits de Ludwig von Mises et Friedrich von
Hayek qu'à terme, une telle fixation est impossible tant son
coût devient exorbitant.
Elle doit céder la place au processus de marché étant
donnée la destruction d'informations à quoi elle se
ramène.
Et de deux choses l'une, la transition se fait de gré ou de force.
L'U.R.S.S. avait tenté de suivre la même démarche mais
avec des échanges internationaux déficitaires. On sait ce qu'il
est advenu de l'Union fin décennie 1980-début 1990.
Le principal problème économique international n'est donc pas
d'abord
celui des prix relatifs du yuan/renminbi, ni a fortiori celui des prix relatifs des
monnaies étrangères échangeables internationalement.
C'est celui de la fixation par les autorités chinoises des prix des
produits exportés et importés, aidée par une
manipulation de l'unité de compte chinoise qu'est en définitive
le yuan/renminbi.
Sa solution ne peut être que la libération des prix des produits
et celle-ci va de pair avec l'échangeabilité internationale du
yuan/renminbi.
Georges
Lane
Principes de science économique
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Georges
Lane enseigne l’économie à
l’Université de Paris-Dauphine. Il a collaboré avec
Jacques Rueff, est un membre du séminaire J. B. Say que
dirige Pascal Salin, et figure parmi les très rares intellectuels
libéraux authentiques en France.
Publié avec
l’aimable autorisation de Georges Lane. Tous droits
réservés par l’auteur
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