La semaine dernière, la
Bundesbank (la banque centrale Allemande) surprenait les marchés des quatre
coins du monde avec l’annonce du rapatriement d’une grande partie de ses réserves
d’or placées en France et aux Etats-Unis. Pour beaucoup, la nouvelle témoigne
d’une perte de confiance entre les banques centrales majeures, possiblement
alimentée par des objectifs politiques divergents. Les Allemands ont tenté de
tempérer les réactions en mettant l’accent sur les raisons logistiques,
pratiques et historiques qui rendent leur décision tout sauf extraordinaire.
Mais les quantités d’or représentées par ce rapatriement me poussent à en
tirer des conclusions plus stratégiques.
A une époque où les banques
centrales sont supposées coopérer, la décision de l’Allemagne de rapatrier
des milliards de dollars de lingots d’or ne pouvait que faire se froncer
certains sourcils. Aujourd’hui, l’Allemagne dispose de 3396 tonnes d’or. 1500
tonnes de ce total sont placées auprès de la Réserve Fédérale de New York, et
374 tonnes auprès de la Banque de France à Paris. D’ici à 2020, l’Allemagne
rapatriera 674 tonnes d’or – 300 depuis la Fed (d’une valeur de 17,9
milliards de dollars), et l’intégralité des 374 tonnes d’or placées à Paris
(d’une valeur de 22,3 milliards de dollars). Bien que des personnages
financiers de renom tels que Ben Bernanke aient
décrété que ‘l’or n’est pas une monnaie’, et que des investisseurs tels que
Warren Buffet l’aient qualifié de ‘relique barbare’, le retour de l’or
Allemand semble avoir un impact émotionnel important. Une telle réponse
est-elle justifiée ?
A la suite de la seconde
guerre mondiale, la menace d’une éventuelle invasion de l’Europe par l’Union
Soviétique a poussé de nombreuses nations Ouest Européennes à placer leur or
à l’étranger, tout particulièrement aux Etats-Unis et au Royaume-Uni.
Aujourd’hui, l’Allemagne ne détient que 31% de ses réserves d’or dans les
coffres de sa banque centrale. 45% de son or est placé auprès de la Réserve
Fédérale, 13% auprès de la Banque d’Angleterre, et 11% auprès de la Banque de
France. Puisque la Russie ne représente aujourd’hui plus une menace
militaire, les Allemands ont décidé de réévaluer cette distribution.
Des décennies durant, les
banques centrales se sont montrées très peu transparentes quant à leurs
réserves d’or. Seules très peu de personnes ont jusqu’à présent mis en cause
les réserves d’or inscrites sur leurs bilans. Mais voilà qu’aujourd’hui, des
voix se font entendre quant à l’or supposé se trouver dans les coffres des
banques centrales et des banques commerciales. Pour le plus grand étonnement
du public Allemand et des observateurs du monde entier, la Bundesbank
admettait il y a quelques années qu’elle n’avait pas organisé l’audit de ses
réserves d’or placées à l’étranger depuis des décennies (voir mon précédent commentaire
à ce sujet).
Les nations développées de
notre monde ont adopté une forme de Keynésianisme et ont créé un monde noyé
sous des océans de devises fiduciaires dévaluées eux-mêmes supportés par des
montagnes de dettes. Il paraît donc tout à fait normal que les Allemands
aient demandé à ce que l’or de leur nation rentre chez eux. Et leur sentiment
pourrait se répandre. Un parti Hollandais a déjà demandé à ce que les 612
tonnes d’or de son pays soit rapatrié depuis les Etats-Unis, le Royaume-Uni
et le Canada.
Certains se demandent si ces
interrogations finiront par provoquer une pénurie d’or dans les coffres de
certaines banques centrales. Dans un monde où la confiance envers les banques
centrales se tarit, les banques centrales elles-mêmes pourraient finir par ne
plus avoir confiance les unes envers les autres.
Dans le même temps, les
banques centrales des pays en développement, et tout particulièrement celles
de la Chine et de l’Asie du Sud-Est, accumulent de l’or. C’est également le
cas de la Turquie, de la Russie et de l’Ukraine. La Chine est désormais le
plus important producteur d’or de la planète. Elle n’exporte pas sa
production d’or domestique et achète de l’or produit à l’étranger sur le
marché libre. Elle poursuit ses acquisitions dans le même temps que les
banques centrales majeures semblent de plus en plus réticentes à vendre. La
désastreuse vente d’or de la Banque d’Angleterre au début du siècle dernier,
lors de laquelle elle se débarrassait de centaines de tonnes d’or pour moins
de 300 dollars l’once, en est sans aucun doute le facteur dominant.
Comme nous le prouve le
rapatriement de son or par l'Allemagne, les banques centrales ne désirent plus
aujourd’hui être séparées de leur métal. Cette nouvelle attitude contraste
avec la politique qu’elles menaient dans les années 1970 et 1980, alors
qu’elles faisaient tout ce qui était en leur pouvoir pour démonétiser l’or –
ce qui ne pouvait être fait que par la vente de leur métal. Cette
transformation traduit-elle une perte de confiance généralisée envers les
devises fiduciaires ?
Le rapatriement d’une partie
de l’or Allemand, d’autant plus s’il est suivi du rapatriement de l’or d’une
autre nation comme la Hollande, doit nous mettre la puce à l’oreille.
Aujourd’hui, aucune banque centrale ne risquerait de faire se renverser le
bateau du système bancaire central. Mais à mesure que les économies
Keynésiennes glissent vers le désastre financier, une augmentation des vagues
de rapatriement traduirait clairement les inquiétudes des plus grands des insiders – les banques centrales.
L’un des aspects les plus
intéressants de l’annonce de l’Allemagne, qui a été largement ignoré, est le
temps que prendra le rapatriement de son or. Les 300 tonnes qu’elle rapatrie
depuis New York ne représentent que 5% des 6700 tonnes qui devraient se
trouver dans les coffres de la Fed. Pourquoi la Fed aurait-elle besoin
d’autant de temps pour effectuer ce qui devrait être un retrait raisonnable ?
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