Le billet
précédent avait cherché à comprendre les effets pour le marché immobilier
de la nouvelle loi ALUR (Accès au Logement et Urbanisme
Rénové) dite « loi Duflot ». Cependant,
la plupart des discussions relatives à cette loi ne se sont pas concentrées
sur les changements dans les transactions immobilières mais sur le marché de
la location. Ainsi, ce billet propose d’explorer les conséquences de l’une
des mesures-phares de ce texte concernant la location immobilière.
Parmi les principales dispositions de la loi ALUR, l’on
retrouve l’encadrement des loyers dans les locations nues ou meublées à usage d’habitation principale (ou à usage mixte professionnel et résidentiel).
Plus précisément, cet encadrement concernera
uniquement les « zones tendues » (définies pour l’instant comme
« agglomérations de plus de 50 000 habitants comportant un déséquilibre
entre l’offre et la demande de logements ») et consistera à fixer des « loyers
de référence ». La liste de ces zones sera fixée par un décret, dont
la date n’est pas encore fixée même si les professionnels parlent de
l’automne 2014. Dans ces zones dites tendues, il incombera au Préfet du
département de déterminer chaque année, par arrêté, un « loyer de référence »
dont les nouveaux contrats de location devraient tenir compte. En théorie,
cette décision préfectorale est censée s’appuyer sur les données d’institutions
publiques comme l’OLAP (Observatoire des loyers en agglomération parisienne),
qui se limitent pour l’instant à produire des statistiques.
Comme pour toute décision
de contrôle des prix, ses conséquences peuvent être facilement anticipées à
l’avance. Au mieux, la décision préfectorale proposera un prix égal ou
supérieur à celui auquel le bailleur et le locataire auraient consenti de
toute manière, et donc la loi Duflot n’aura aucune
incidence sur le prix. Au pire, la décision préfectorale fixera un prix
inférieur au prix qui aurait pu être établi sur le marché. La gravité des
conséquences de cette décision sera proportionnelle au décalage entre le prix
fixé arbitrairement et celui du marché.
L’obligation de louer à un
prix plus faible que celui souhaité dissuadera davantage les propriétaires de
mettre leurs biens en location. En diminuant l’intérêt de mettre un bien
immobilier en location, la loi Duflot encourage les
propriétaires à trouver des alternatives plus rentables : vendre leur
biens (ce qui, toutes choses égales par ailleurs, pourrait diminuer les prix
de vente), louer leurs biens illégalement (sans contrat et à des prix plus
élevés), ou simplement de les garder vides (pour des imprévus et en attendant
des temps meilleurs). L’offre se trouvera ainsi raréfiée, ce qui déséquilibrera encore davantage
le rapport entre les biens disponibles et les demandes de location. De ce
fait, la diminution par décret des prix dans une « zone tendue » ne
fera qu’augmenter les tensions dans zone respective.
Les conséquences de la loi Duflot ne s’arrêtent en outre pas à la raréfaction de
l’offre car dans la tentative de palier ce phénomène inévitable, d’autres
mesures coercitives pourraient par la suite être adoptées, comme la réquisition des logements vacants (une idée que l’ex-ministre n’avait pas hésité à
proposer dès le début de son mandat). Non seulement la loi Duflot n’a pas vocation à régler le problème de l’accès
au logement, mais elle l’aggravera probablement. Sachant que les contrôles
des prix (suivis de mesures de réquisition) n’ont jamais résolu un seul
problème de rareté mais n’ont souvent fait que l’empirer, on peut se demander
comment s’attendre à autre chose en 2014.
Il faut ajouter à cette
analyse économique que le Conseil constitutionnel a censuré le seul article qui
aurait pu rendre la loi Duflot de facto caduque (et donc limiter ses effets néfastes), car il prévoyait
de permettre des prix supérieurs aux « loyers de référence » pour
des biens d’« exception ». On comprend facilement la décision du
Conseil constitutionnel, puisque la plupart des biens immobiliers sont
incomparables (même lorsqu’ils sont situés dans la même rue ou dans le même
immeuble) car ils comportent une multitude de caractéristiques, chacune étant
potentiellement exceptionnelle. Il aurait suffi d’un seul détail (une petite
fenêtre de salle de bains offrant une vue sur un monument) pour contourner la
loi.
Malheureusement, c’est précisément
l’absence de cette marge de manœuvre qui rend la loi Duflot
potentiellement dangereuse. Reste l’espoir que la grille des loyers
imposés ne soit pas inférieure aux prix de marché.
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