En pleine rentrée
politique, nombreux sont ceux qui critiquent l’austérité des
États français et plus généralement européens.
« Le monde entier nous supplie de faire cesser ces politiques d'austérité
absurdes qui continuent d’enfoncer la zone euro dans la
récession » lançait ainsi le lundi 25 août
2014 le ministre de l’économie démissionnaire Arnaud
Montebourg.
Étant donné que ce
qui est en jeu ici est la souffrance des populations française et
européenne, il est urgent de clarifier cette notion ambiguë
d’austérité en faisant le point sur les niveaux
d’endettement, de dépenses et de revenus de l’État.
Comprendre d’où vient le problème
Lorsqu’un État
dépense plus que ce qu’il récolte en taxes, il a la
possibilité de demander à emprunter la différence
auprès d’investisseurs gérant l’épargne de
personnes comme vous et moi.
Mais lorsque cela cesse
d’être ponctuel et que le fait de vivre au-dessus de ses moyens devient
une habitude pour l’État, les investisseurs se demandent
s’ils reverront un jour leur argent prêté. Ils cessent
donc d’en prêter ou demandent plus de garanties
financières.
C’est exactement ce qui
s’est passé en Europe en 2009-2013 lors de la crise des dettes
publiques de la zone euro. Certains États-membres –
l’État grec par exemple – ayant vécu au-dessus de
leurs moyens pendant des décennies ont perdu la confiance des
investisseurs.
Le problème vient donc de
ce que la dette de l’État grossit de plus en plus à cause
du choix de l’État de dépenser plus que ce qu’il ne
récolte en taxes et ce sur une longue période.
La dette de l’État français augmente-t-elle ?
Pour savoir si l’État
français peut un jour se voir confronter à un problème
similaire, il faut se demander si sa dette grossit de plus en plus.
Regardons donc les chiffres.
Année
|
2007
|
2008
|
2009
|
2010
|
2011
|
2012
|
2013
|
Dette de l’État
français en % du PIB
|
64,2
|
68,2
|
79,2
|
82,7
|
86,2
|
90,6
|
93,5
|
Dette de l’État
français en milliards d’€
|
1212
|
1319
|
1493
|
1602
|
1725
|
1841
|
1925
|
Oui, la dette de
l’État français grossit de plus en plus. Pire, elle a
presque doublé au moment même où la priorité
aurait du être de la réduire. Elle
représentait 64,2% du PIB au début de la crise en 2007 et
représente 93,5% en 2013.
De quel type d’austérité parlons-nous ?
Lorsqu’un État
très endetté décide de changer de politique afin de
réduire sa dette publique, on parle d’un programme
d’austérité.
Mais ce mot est ambigu car il peut
signifier deux choses différentes.
En théorie, un État
peut réduire sa dette publique en augmentant les impôts, en
baissant ses dépenses ou en faisant un peu des deux.
Mais ce qui rend le tout confus
est que certaines autres politiques dont l’effet est de réduire
la dette ne sont pas qualifiées de mesures
d’austérité. Par exemple, réduire les impôts
peut permettre de redynamiser l’économie, donc d’augmenter
les recettes de l’État, donc de réduire le
déficit.
Cette expression
d’austérité provoque donc une incompréhension. Les
personnes partisanes d’un État limité disent que
« l’Europe n’est pas engagée dans un programme
d’austérité » étant donné qu’elles
estiment que les dépenses publiques n’ont pas baissé et
qu’augmenter les impôts est une erreur. Les personnes favorables
à un État illimité leur répondent
« bien sûr que si, et il faut que cela cesse » en
pointant du doigt les hausses d’impôts et en affirmant que les
dépenses de l’État ont baissé.
Qu’en est-il en
France ?
Les dépenses de l’État français baissent-elles
?
Année
|
2007
|
2008
|
2009
|
2010
|
2011
|
2012
|
2013
|
Dépenses de l’État
français en % du PIB
|
52,6
|
53,3
|
56,7
|
56,6
|
55,9
|
56,7
|
57,1
|
Dépenses de l’État
français en milliards d’€
|
993
|
1030
|
1069
|
1095
|
1118
|
1152
|
1176
|
Les dépenses de l’État
français n’ont pas baissé. Au contraire, elles ont
même fortement augmenté pendant la crise, tant en valeur
qu’en pourcentage du PIB français : de 52,6% en 2007
à 57,1% aujourd’hui.
Lorsqu’un homme politique ou
un commentateur parle de coupes sauvages dans les dépenses de
l’État français, vous savez maintenant qu’il est
soit un ignorant soit un menteur. Et s’il est ministre de
l’économie, il s’agit sans doute de la seconde option.
Les revenus de l’État français augmentent-ils ?
Année
|
2007
|
2008
|
2009
|
2010
|
2011
|
2012
|
2013
|
Revenus de l’État français en % du PIB
|
49,9
|
49,9
|
49,2
|
49,5
|
50,7
|
51,8
|
52,8
|
Revenus de l’État
français en milliards d’€
|
941
|
965
|
928
|
959
|
1015
|
1053
|
1087
|
Oui, les recettes de
l’État français ont beaucoup augmenté depuis le
début de la crise. Entre 2007 et 2012, les contribuables ont connu 205
augmentations différentes de leur fardeau fiscal. Le taux d'imposition
marginal sur le revenu a augmenté de 40% en 2010 à 45% en 2012.
Rigueur ou faustérité,
qu’est-ce qui fonctionne le mieux ?
Cette différence entre
l’austérité pour l’État (moins de
dépenses étatiques ; nous l’appellerons
« rigueur » ici) et l’austérité
pour les citoyens (plus de taxes ; nous lui donneront le nom de « faustérité ») est essentielle
car l’expérience porte à croire que la nature du type
d’austérité choisie importe plus que sa taille.
Historiquement, les politiques de
rigueur fonctionnent en effet bien mieux que les politiques de faustérité.
Alberto Alesina et Silvia Ardagna,
de l’Université Harvard aux États-Unis, ont
examiné 107 plans gouvernementaux visant à réduire la
dette publique dans 21 pays de l'Organisation de coopération et de
développement économiques (OCDE) entre 1970 et 2007. Leur
étude est gracieusement disponible en ligne.
Leurs
résultats laissent entrevoir que les réductions d'impôt
sont plus favorables à la croissance que l'augmentation des
dépenses de l’État dans le cas d'une relance
budgétaire.
Ils
ont aussi constaté que la réduction des dépenses de
l’État est le moyen le plus efficace pour réduire le
ratio d’endettement :
« Nous
montrons que les réductions de dépenses publiques sont beaucoup
plus efficaces que les hausses d'impôts afin de stabiliser la dette de
l’État et d'éviter les ralentissements
économiques. Mieux, nous présentons plusieurs cas
où la réduction des dépenses de l’État
adoptée afin de réduire le déficit public a
provoqué une forte croissance économique en lieu et place
d’une récession. » (page 3)
La conclusion de l’étude montre que dans les cas où les
plans de réduction du ratio d’endettement réussissent
(une réussite étant définie comme la réduction
cumulative du ratio d’endettement d’au moins 4,5 points sur trois
ans), ils sont le résultat d’une baisse de deux points de PIB
des dépenses publiques et d’une baisse d’un demi-point des
rentrées fiscales. Des résultats encore meilleurs peuvent
être obtenus si l’État libéralise le marché
du travail et accomplit d’autres réformes structurelles (réformer
en profondeur son système de retraite, de santé,
d’éducation, etc.).
La France ou l’exemple à ne pas suivre
On l’a vu dans les
graphiques ci-dessus, depuis le début de la crise des dettes publiques
de la zone euro, et que cela soit sous la présidence de Nicolas
Sarkozy ou de François Hollande, l’État français a
choisi un programme de faustérité en
taxant davantage les citoyens tout en augmentant ses dépenses
publiques.
Sans surprise si l’on
connait l’expérience internationale, cette politique de faustérité n’a pas résolu le
problème. Au contraire, on l’a vu, la dette de
l’État français n’a cessé d’augmenter.
En matière
d’austérité, la faustérité
française a été tentée depuis 7 ans et est un
échec. La rigueur, elle, n’a pas été tentée
et l’expérience des autres États de l’OCDE montre
que c’est un succès.
Il faut donc se défaire de
la notion ambiguë d’austérité et privilégier
les termes de faustérité et de
rigueur afin de clarifier le débat et d’aboutir à des
mesures politiques qui sauvent l’économie au lieu de
l’enterrer - comme c’est malheureusement
le cas actuellement en France et plus généralement en Europe.
Conclusion
La solution aux problèmes
français et européens de dettes publiques est une politique de réformes structurelles, combinée à une baisse des dépenses de
l’État et couplée dans la mesure du possible avec une
réduction des impôts.
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