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En 2014, vous
ne vous en doutez probablement pas, mais les socialistes ont beaucoup
travaillé. Ils ont pondu une « charte pour le progrès humain »
adoptée par le bureau national du Parti socialiste (PS) le 18 novembre.
Cela vous
avait-il échappé ? C’est dommage, car ce document est la « charte
de l’identité socialiste ». Par conséquent, frondeurs comme réformateurs
se reconnaissent dans ce texte. C’est leur plus grand dénominateur commun.
Certes, sa
lecture n’est pas des plus agréables. Le style est ampoulé, déclamatif. Les
rédacteurs assènent la « vérité socialiste » à tout bout de champ,
sans rien définir ni démontrer. Ils sont persuadés, je pense, avoir écrit
quelque chose de l’ordre de la déclaration des droits de l’homme.
La première
impression à la lecture de ce document est que les socialistes n’ont rien
appris, ni de la crise, ni de leurs années de gouvernement, ni de ce qui
passe dans les pays voisins. Ce qui compte, c’est « la redistribution
des richesses », « la conquête de nouveaux droits », « la
commande publique », « la fiscalité écologique », « un
nouvel interventionnisme de la puissance publique », l’élargissement de
la protection sociale au logement et à la dépendance, « l’extension du
temps libre », « le service public de l’audiovisuel »,
l’instauration au niveau mondial « de normes sanitaires, sociales et
écologiques exigeantes dont les contrevenants, États ou entreprises, doivent
être durement sanctionnés » et d’un « impôt mondial sur le
capital et une taxation des transactions financières ». Pour l’Europe,
ils réclament « un vaste programme d’investissements et de grands
travaux », « des convergences sociales vers le haut » avec,
notamment, « un salaire minimum européen », « l’harmonisation
progressive de la fiscalité », « une taxation des transactions
financières d’un haut niveau », etc.
L’important,
pour les socialistes français, est de « toujours chercher à transformer
le réel », même s’ils affirment agir « dans le cadre de l’économie
de marché ». De temps en temps, ils tentent de montrer qu’ils ont
compris ce qu’était cette économie de marché, en affirmant, par exemple, que
« l’entreprise est un des lieux de la création de richesses ». La
charte affirme que les socialistes encouragent « les entreprises, TPE,
PME, ETI, grands fleurons, pour qu’elles fassent la course en tête dans la
compétition internationale ». Mais pour demander aussitôt, « en
retour », aux entreprises « d’embaucher, d’investir, de former, de
relocaliser des activités ». Et, bien entendu, c’est à « l’État
stratège » de structurer « les politiques et les filières
industrielles d’avenir » et soutenir « le développement d’activités
nouvelles ». Chassez le naturel, il revient au galop.
Manifestement,
le soleil frappe, et fort, rue de Solferino. Mais l’astre, aussi bizarre que
cela puisse paraître, n’a pas chassé les vieilles lunes socialistes.
Pour les
dirigeants du PS, le modèle reste celui qui était appliqué derrière le Rideau
de fer. En effet, on peut lire, page 10 de la charte, que « depuis la
chute du Mur de Berlin, la représentation de la société désirable,
alternative à l’ordre existant […] s’en trouve diluée, quand elle n’a pas
disparu. Cette éclipse du ‘but final’ provoque une crise de sens pour les
citoyens et frappe à la source l’énergie militante. » En clair, les
socialistes sont perdus : le « but final » – le socialisme
réel – a disparu, le grand soir n’aura pas lieu. Ils ne savent plus à quel
saint se vouer.
Je comprends
mieux alors l’intérêt de cette charte : redonner espoir aux militants,
leur montrer que, malgré la tempête, le cap est maintenu vers
« l’égalité réelle ». Une « égalité réelle » qui pourra
voir le jour grâce à « l’éco-socialisme ».
Alors, quand
on me parle de « virage libéral » du gouvernement, de découverte de
l’économie de l’offre, de « lutte ardente » contre les déficits,
j’avoue avoir bien du mal à y croire.
Mais que l’on
se rassure, en 2015, en vue de leur congrès, qui se tiendra à Poitiers début
juin, les socialistes vont continuer à beaucoup travailler et nous proposer
du concret.
Vous pouvez
consulter, sur le site dédié, les 27 contributions générales
enregistrées pour le congrès. À cela s’ajoute une pléthore de contributions
thématiques – j’en ai dénombré 235 – dont les intitulés sont plus
divertissants les uns que les autres. Quelques exemples :
-
« Le
numérique : une économie solidaire au secours du marché » ;
-
« Agir pour le
transport aérien français avant qu’il ne soit trop tard » ;
-
« Élitisme et
lutte des classes dans la fonction publique » ;
-
« Le genre, un
concept progressiste, féministe, socialiste » ;
-
« Pour la
sauvegarde éthique de l’institution hippique » ;
-
« C’est en
allant vers la mer que le Parti socialiste reste fidèle à sa
source » ;
-
« Revigorer la
citoyenneté passe par la régulation de la communication
publicitaire » ;
-
« Non mais
allo quoi ! Oser la lutte contre les dangers des médias sur les
jeunes ».
Y a pas à
dire, les socialistes aiment écrire.
Bien entendu,
il est difficile de lire tous ces textes.
Je me suis
contenté de lire trois contributions :
-
celle de
Jean-Christophe Cambadélis, le premier secrétaire du parti, intitulée
« Unir pour faire vivre la République – Les chantiers de
l’égalité » ;
-
celle présentée par
les « frondeurs », signée par Aurélie Filippetti, Henri Emmanuelli,
Benoît Hamon, Gérard Filoche et Marie-Noëlle Lienemann pour citer les plus
connus, intitulée « Le choix de l’espoir » ;
-
enfin,
« Inventer l’avenir » du pôle des réformateurs, signée notamment
par Gérard Collomb, Édith Cresson ou Catherine Tasca.
À suivre.
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