Le
Rapports sur
l'Offre et la Demande des Métaux Monétaires est
l’outil le plus détaillé dont nous disposons pour observer les lois
fondamentales des marchés de l’or et de l’argent. J’ai récemment publié une vidéo présentant certaines
de ces idées de manière claire.
Je
publie chaque semaine une lettre basée sur les données et analyses des métaux
monétaires. Cet article est une introduction à cette approche, et pourra
servir de guide de compréhension des terminologies et des graphiques.
L’or
et l’argent sont des monnaies parce que, contrairement aux autres ressources,
les gens les accumulent sans aucune limite. Tout l’or qui
ait jamais été extrait du sol au cours de l’Histoire humaine se trouve
entre des mains humaines. Le ratio stock/flux de l’or, ou la différence entre
les inventaires et la production annuelle, est de 80 ans. Celui de l’argent
se mesure également en décennies.
Ceux
des autres ressources se mesurent généralement en mois.
Réfléchissons
un instant aux conséquences. Cela signifie qu’il n’existe pas de surabondance
sur les marchés de l’or et de l’argent. Si les agriculteurs produisent plus
de blé que ce qui est prévu, alors le prix du blé est susceptible de
s’effondrer. Si la consommation de pétrole grimpe ne serait-ce qu’un tout
petit peu, le prix du pétrole peut flamber. Mais pour ce qui concerne l’or et
l’argent, la valeur n’a rien à voir avec la production minière, la
fabrication de bijoux ou la consommation de produits électroniques.
La
stabilité est tout ce que nous recherchons chez une monnaie. Les prix de l’or
et de l’argent, lorsqu’exprimés devises comme le dollar, sont extrêmement
instables, non pas par la faute de l’or et de l’argent, mais par la faute du
dollar lui-même.
Cela
signifie que vous ne pouvez pas analyser les lois fondamentales de l’or et de
l’argent grâce à de simples méthodes conventionnelles. Il n’est pas possible
de prédire des fluctuations de prix en observant simplement l’offre (la
production minière et le recyclage) et la demande (les bijoux, les produits
électroniques…). Tous ces inventaires représentent une offre potentielle, au
juste prix. Tout le monde représente une demande potentielle, au juste prix.
Certains
analystes développent les mêmes arguments fondamentaux au fil de leurs
articles. Les banques centrales impriment de la monnaie, et d’autres gros
problèmes se présentent dans le système financier global. C’est vrai. Mais ça
l’était également avant l’effondrement de prix du 5 avril 2013, et l’est
encore aujourd’hui. Bien que ce soit là une bonne raison de posséder de l’or,
cette information n’est pas suffisante.
Une
autre approche est de tenter de déterminer si les banques centrales, fonds
souverains et autres participants aux marchés achètent ou vendent de l’or,
l’idée de base étant que ces acheteurs représentent en quelques sortes ‘la
monnaie intelligente’, ce qui n’est pas le cas de ceux qui vendent. Les gens
étudient souvent les intérêts ouverts sur les marchés à terme, les
inventaires des ETF, ou
encore ceux du COMEX.
D’autres
analystes préfèrent observer les graphiques d’évolution de prix et en tirer
des analyses techniques. Ils se basent sur des fluctuations de prix passées
pour prédire les fluctuations futures. Il arrive que leur approche
fonctionne, bien qu’elle n’offre qu’une perspective limitée. Les prix peuvent
aussi évoluer en fonction d’autres facteurs. Ces facteurs peuvent parfois
être évidents dès le départ, mais ne sont généralement qu’après-coup, voire
même jamais.
Monetary Metals
a été fondée sur une approche différente. Nous n’observons pas les prix à
proprement parler. Nous étudions les lois fondamentales de l’offre et de la
demande, en nous penchant sur l’écart entre deux prix : celui du marché
au comptant et celui du marché à terme, un écart que l’on appelle aussi une
base.
Il
est intéressant d’utiliser l’exemple d’une ressource non-monétaire pour
expliquer comment la base détermine les lois fondamentales de l’offre et de
la demande. Imaginez conduire un camion de transport de grains vers une ville
qui dispose de silos juste avant la saison des récoltes. Les employés
nettoient les équipements et l’intérieur des entrepôts de stockage. Vous leur
demandez combien coûte le remplissage de votre camion, et ils vous rient au
nez jusqu’à ce que vous leur brandissiez une liasse de billets. Quelqu’un
pourrait même vous faire une offre : le prix du jour est de 25 dollars
par boisseau. Si vous acceptez, ils devront payer une boulangerie pour
qu’elle ne produise rien jusqu’à la moisson, et sortir du blé de la chaîne de
production.
Mais
si vous signez un contrat de livraison pour dans un mois, alors le prix du
boisseau n’est plus que de 7 dollars. Un prix au comptant supérieur au prix
futur indique une rareté. Il est tout à fait logique que le blé se fasse rare
à quelques jours de la moisson. Le blé est un produit périssable, ce qui
signifie que chaque boisseau produit doit être consommé. Il ne peut y avoir
de réserve permanente.
Un
tel scénario est appelé un report ( backwardation).
Voici
la preuve que backwardation signifie rareté.
Supposez que quelqu’un possède du blé quelque part dans un entrepôt. Comment
pourrait-il en tirer avantage ? Il pourrait vous le vendre à 25 dollars
le boisseau et acheter un contrat qui lui permettrait d’obtenir la même
quantité de blé sous un mois. C’est un arbitrage qui revient à sortir une
ressource d’un entrepôt, en acheter des quantités équivalentes sur le marché
à terme et empocher les profits (dans ce cas, 25-7=18 dollars). Evidemment,
si quelqu’un possédait du blé, il choisirait d’empocher les 18 dollars
offerts par le marché. Il réduirait ainsi la backwardation.
Si d’autres avaient du blé, ils en feraient de même et réduiraient un peu
plus la backwardation, et ainsi de suite.
L’exemple
opposé se produit un mois plus tard. Une fois la moisson terminée, le marché
est noyé sous le blé. Si une boulangerie veut garantir ses réserves de blés
pour huit mois, alors le prix à payer pour un contrat à terme de huit mois
est plus élevé que le prix du blé au comptant. Cette situation est appelée un
contango. Ce terme implique que le bien en question
est disponible en de grandes quantités, ou du moins qu’il n’est pas rare.
Lorsqu’un
contango apparaît, il est possible de tirer profit
de l’achat d’une ressource et de la vente de contrats à terme qui lui sont
associés. Des intérêts sont payés sur la monnaie empruntée pour acheter du
blé, dont le stockage implique également des frais.
En
clair, la base est la mesure de disponibilité d’une ressource sur le marché.
Lorsqu’elle est supérieure à zéro (en situation de contango)
et qu’elle augmente, alors la ressource en question est disponible en
abondance. Lorsque la base passe en-dessous de zéro, alors la ressource est
en backwardation. De la même manière que la backwardation est le contraire d’un contango,
il existe un écart qui est l’opposé de la base. Cet écart est appelé la co-base. Une co-base supérieure
à zéro indique une backwardation. Backwardation signifie rareté ou pénurie.
L’or
et l’argent sont différents du blé. Comme nous l’avons dit plus tôt, la
surabondance n’existe pas, et pour la même raison, il n’existe jamais de
pénurie à proprement parler. Une backwardation de
l’or signifie qu’une pénurie se développe sur le marché. Il existe toujours
de l’or disponible, contrairement au cas du blé. Mais pour quelque raison que
ce soit, les propriétaires d’or ne désirent pas vendre leur métal sur le
marché, pas même si cela leur permettrait d’enregistrer un profit. Une backwardation de l’or ne devrait jamais se produire, et
ne s’est jamais produite jusqu’en décembre 2008. Depuis lors, l’or s’est
trouvé en backwardation par intermittence.
La
backwardation de l’or signifie que le régime de
monnaie papier non-échangeable touche à sa fin. Lorsqu'elle deviendra permanente, l’or ne sera plus
disponible en échange de dollars (ou de yuans, d’euros, de livres sterling…).
Il n’y aura plus de prix de l’or. En d’autres termes, le papier monnaie ne
vaudra plus rien.
Ce
n’est pas là qu’un fait académique. De manière générale, la base positive (ou
contango) disparaît. Cela signifie que l’or retire
son enchère sur le dollar. C’est un phénomène que ceux qui vivent dans une
bulle de dollars ne peuvent comprendre, puisqu’ils regardent le prix de l’or
comme s’il s’agissait d’une action Apple ou de pétrole. Il est bien plus
correct de penser au prix du dollar en milligrammes d’or ou en grammes
d’argent.
Nous
sommes en backwardation temporaire.
Chaque contrat à terme tombe en backwardation à
l’approche de son échéance.
En
période de backwardation temporaire, à chaque fois
qu’un contrat approche de son échéance, il se retrouve en backwardation.
Les enchères baissent, ce qui entraîne une chute significative de la base.
Ceci
pourrait être dû au roulement des contrats. Une majorité des traders qui
achètent des contrats à terme utilisent l’effet de levier. Ils ne désirent
pas demander la livraison de leur métal, et ne peuvent en demander la
livraison parce qu’ils ne disposent pas de l’argent nécessaire. Ils doivent
donc vendre avant que soit issu le premier rappel. Les ventes tirent vers le
bas le prix des contrats à terme. C’est pour cela que la base diminue.
Mais
les mécanismes du roulement de contrats ne suffisent pas à expliquer le
phénomène de backwardation temporaire. Bien que
cela ne signifie pas encore la fin du dollar, c’est un signe que le cerveau
du système est atteint d’un cancer. La raison à cela est simple. Lorsque les
gens achètent de l’or, ils préfèrent du métal qu’ils puissent tenir dans
leurs mains à des contrats à terme. La conséquence en est que le prix des
contrats à terme a tendance à chuter en-dessous du prix du métal. Les achats
de contrats à terme diminuent par rapport aux achats de métal physique.
Cela
ne veut pas dire que le prix ne peut pas chuter. Il a très récemment perdu
plusieurs centaines de dollars. Une manière de le justifier est de dire que
la demande a chuté, et que le prix a suivi la tendance. Mais dans le même
temps, la demande s’est concentrée sur le marché au comptant. Le prix de l’or
a chuté alors que la co-base et la backwardation ont augmenté simultanément sur trois
contrats successifs (août, octobre et décembre).
L’article
ci-dessous explique pourquoi acheter de l’or. Nous devrions maintenant nous
demander pourquoi le prix de l’or chute. Pourquoi le dollar grimpe ?
L’une des raisons à cela est que la plupart des gens – même les avocats de
l’or – pensent au dollar comme à une monnaie et à l’or comme à une ressource
volatile. Ils achètent lorsque le prix de l’or grimpe, et vendent pour
enregistrer des profits ou éviter les pertes lorsque son prix baisse.
Le
dollar est la devise demandée par les débiteurs du monde. Lorsqu’ils sont
sujets à trop de pression, ils se précipitent sur le dollar, ce qui le
renforce et se reflète par un prix de l’or moindre.
L’observation
de la base a un autre attrait. Elle permet de comprendre les diverses
théories de la conspiration. Que se passerait-il si
quelqu’un vendait une grosse quantité d’or à découvert sur le marché à
terme ? Le prix des contrats à terme baisserait par rapport au prix de
l’or au comptant, ce qui causerait une backwardation
instantanée. Ceci a été prouvé le 15 avril dernier, et j’ai écrit
un article sur le sujet.
Observons
maintenant comment est calculée la base. Nous nous intéresserons ici aux
concepts de carry et de decarry. Si le prix des
marchés à terme est supérieur à celui des marchés au comptant, alors il est
possible de vendre de l’or et d’en tirer profit. D’un autre côté, une co-base positive signifie qu’il est plus rentable de le
conserver.
Voici
une version simplifiée de ce calcul :
Carry
= Contrats à terme – prix au comptant
Decarry = Prix au comptant
– contrats à terme
Le
carry revient à acheter au comptant pour vendre des contrats à terme, si
l’écart est positif. Le decarry revient à ventre au
comptant et acheter des contrats à terme.
Pour
être plus précis, il est nécessaire de définir ces termes par ce dont ceux
qui pratiquent le carry ou le decarry font
l’expérience. Une personne qui achète doit payer le prix demandé (aussi
appelé offre). Pour vendre, elle doit accepter l’enchère proposée. En gardant
cela à l’esprit, voici des définitions plus détaillées :
Carry
= Enchère – Offre
Decarry = Offre - Enchère
La
base et la co-base sont les retours annualisés du
carry et du decarry. Une annualisation de leurs
rendements permet de les mettre en perspective. Il est possible de comparer
la base au taux d’intérêt ou au taux de rendement de tout autre
investissement sur la même période.
Notez
qu’ils peuvent tous deux être négatifs. Il arrive qu’il n’y ait pas de profit
possible, ce qui est un signe de faible liquidité et donc d’écarts très
larges entre l’enchère et le prix demandé. Au mieux, l’un d’entre eux peut
être positif. Soit le marché offre un profit sur le carry, soit il en offre
un sur le decarry. Les deux ne peuvent pas être
simultanément profitables, parce que cela signifierait qu’il est possible
d’enregistrer des profits illimités.
Il
suffit d’observer les graphiques de la base et de la co-base
pour s’en faire une idée. Vous pouvez aussi, si vous le préférez, vous
plonger de tout votre être dans cette théorie pour comprendre les nuances du
marché et ses mécanismes, pourquoi certains phénomènes se produisent et
d’autres non. Nous offrons des outils et analyses applicables à tous les
degrés d’intérêts.