Vous savez certainement qu’en
1933, le président Roosevelt a ordonné la confiscation de l’or des citoyens
Américains et rendu illégale la possession d’or. Il a offert aux
propriétaires de métal environ 20 dollars par once avant de porter le prix de
l’or à 35 dollars. Voilà qui semble être un vol pur et simple, et qui pousse
les gens à se demander si 1933 pourrait être un précédent, et si le
gouvernement pourrait à nouveau ordonner une confiscation d’or dans le futur.
Je ne pense pas que les choses
soient si simples.
Observons ce qu’était le
système monétaire avant 1933. Les Etats-Unis avaient une banque centrale,
mais n’avaient pas le pouvoir illimité et arbitraire que possède aujourd’hui
la Fed. L’or occupait une place centrale dans l’économie, et régulait le
crédit et les taux d’intérêt.
Il n’existait pas à l’époque
ce à quoi nous pensons aujourd’hui comme étant le prix de l’or. Des prêts et
autres crédits étaient faits sous forme d’or, et leur remboursement ou rachat
se faisait lui aussi en or (même si les gens ne faisaient que rarement une
demande de rachat). Le crédit, ce qu’étaient les dollars, s’échangeait à
hauteur d’une once contre 20 dollars. A l’époque, le dollar représentait en
quelque sorte un poids en or plutôt qu’une monnaie. [1]
Mais que signifie de dire que
du crédit est échangeable ? Une manière d’appréhender le rachat de
crédit est d’y penser comme à une annulation de dette. Si une dette est payée
en or, alors le débiteur n’est plus endetté, et la dette elle-même se trouve
annulée. Sous un étalon or, même sujet à la planification centrale comme ce
fut le cas jusqu’en 1933, le crédit peut se contracter aussi bien que
s’étendre. Ce n’est bien sûr pas ce que le gouvernement souhaitait à l’époque
(ou encore aujourd’hui). Observons maintenant le mécanisme de contraction de
crédit.
Un dépositaire avec un compte
de dépôt à vue peut demander son or à une banque. Si la banque est
scrupuleuse en matière d’appariement de durée, alors elle ne possède
certainement que de l’or et des Real Bills. Echanger le dépôt ne lui fait
donc pas de mal. En revanche, l’un des facteurs clés du boom des années 1920
était le non-appariement de durée (c’est-à-dire emprunter à découvert pour
prêter à la vente). Beaucoup de choses peuvent être dîtes de cette pratique,
mais pour l’instant, concentrons-nous sur le fait que les banques ont étendu
un crédit que les propriétaires de capital, ou dépositaires, ne désiraient
pas étendre. Le retrait de l’or des dépositaires a forcé le crédit à se
contracter, et cette contraction a posé des problèmes aux banques. Une
contraction forcée de crédit [2]
est ce que j’appelle une déflation.
Lorsqu’un dépositaire demande
son or, il retire de la liquidité bancaire. En 1933, de nombreuses paniques
bancaires se sont développées et les banques ont fait défaut, puisqu’elles ne
pouvaient plus honorer leurs accords. Le principe de rachat a aussi forcé les
banques à vendre des obligations. La vente d’obligations entraîne une chute
de leur prix. Puisque le taux d’intérêt est l’opposé du prix de l’obligation,
le taux d’intérêt a augmenté.
Quelqu’un, quelque part, s’est
donc retrouvé privé de crédit, peut-être même au beau milieu d’un projet de
long terme. Nous l’appellerons l’entrepreneur marginal. Cet entrepreneur
marginal doit liquider ses actifs. Il doit aussi licencier ses employés,
parce que sa base de capital ne lui permet plus de supporter sa force de
travail.
Le président Roosevelt avait
un conseiller brillant (sinon diabolique) du nom de John Maynard Keynes.
Keynes a certainement compris la nature de ce mécanisme comme elle est
décrite ci-dessus. Roosevelt présidait une conversion de l’économie depuis
les marchés libres vers la planification centrale, les régulations, les
taxes, les diktats, les prix minimums, les plafonds de prix, les taxes, les
frais et les tarifs douaniers. Les planificateurs centraux observent le
marché comme irrationnel, chaotique et autodestructeur. Ils ne voient aucune
raison pour laquelle le marché devrait prévaloir. Il est si facile de
contrôler les choses, puisque toute chose ‘mérite’ d’être contrôlée.
En 1933, ils voulaient mettre
fin aux paniques bancaires et diminuer le taux d’intérêt. L’un de leurs
autres objectifs était d’entamer le processus d’altération de la perception
qu’avait le public de l’or. L’ordre
exécutif 6102 du président Roosevelt
leur a permis d’accomplir ces objectifs (du moins les paniques
bancaires, grâce à une pénurie d’or).
Le dollar est aujourd’hui
non-échangeable. Il est une obligation de dette de la banque centrale.
Lorsque vous payez une dette grâce à une autre forme de dette, vous vous
extirpez de cette dette, mais la dette ne disparaît pas. Elle ne fait qu’être
transmise à la Fed. Rien ne peut l’annuler. Il n’existe aucun moyen pour la
dette d’être payée et de disparaître, et aucun moyen pour le dépositaire de
demander le retour de son dépôt sous forme d’or. Il s’agit d’un problème
structurel qui sera fatal à notre système monétaire.
Cela signifie également qu’un
épargnant ne peut forcer la contraction de crédit ou la hausse du taux
d’intérêt. Le taux d’intérêt est placé entre les mains de la banque centrale
(ou pas tout à fait, comme je l’explique dans mes articles sur la
théorie de l'intérêt et des prix). L’épargnant est privé de ses droits.
Qu’en est-il de la perception
qu’a le public de l’or et de l’argent ? Même les avocats de l’or pensent
à la valeur de l’or en termes de dollars par once. Sans ceux qui dans les
années 1970 et 1980 protégeaient la mémoire de l’or, et pour ses plus récents
avocats, et aujourd’hui le Gold Standard Institute, la victoire des
planificateurs centraux aurait été totale.
Le gouvernement des Etats-Unis
peut-il s’emparer de l’or de ses citoyens comme il l’a fait en 1933 ?
Tout est possible. Je ne tente pas d’émettre de prédiction politique. Mais
une chose est certaine. S’il venait à confisquer l’or de ses citoyens aujourd’hui,
ce ne serait pas pour les mêmes raisons qu’en 1933. Ces raisons ne sont
aujourd’hui plus applicables.
[1]
Comme je l’explique dans The Unadulterated Gold Standard Part I, le gouvernement a
commis de nombreuses erreurs depuis sa fondation jusqu’en 1933, et à chaque
fois, le dollar a perdu une portion de son contenu original de 371,25 grains
d’argent.