Il
existe dans la culture populaire militaire américaine un terme appelé
« dernier combat », qui décrit une situation pendant laquelle une
force de combat tente de maintenir une position défensive alors que tout
semble perdu. La force de défense subit généralement d’importantes pertes ou
se trouve complètement détruite, comme nous avons pu le voir avec le dernier
combat de Custer. Le général Custer, qui avait mal jugé la taille et la
capacité de l’armée ennemie, a mené sa bataille finale à Little
Bighorn, bataille qui a causé l’annihilation totale de ses troupes et de
lui-même.
Le
gouvernement japonais prend actuellement une mesure incroyable d’expansion de
son programme de QE, dans une tentative désespérée de dévaluer sa devise et
de faire à nouveau gonfler les bulles sur les actifs tout autour du monde. En
d’autres termes, le Japon entreprend sa propre version d’un dernier combat.
Dans
une dernière tentative de stimuler la croissance économique et l’inflation,
le Japon a annoncé l’expansion de son programme de QE à 700 milliards de
dollars par an. En plus de ça, le fonds de pension d’état japonais prévoit de
se débarrasser d’importantes quantités d’obligations souveraines japonaises
et de doubler ses investissements sur les actions domestiques et
internationales. Tout cela n’est rien de plus qu’une tentative désespérée
d’alimenter l’inflation, qui selon le Japon est responsable de la croissance
économique. Mais ces politiques absurdes ont de nouveau forcé le Japon à
entrer une phase de récession, après que son PIB a chuté de 1,6% au troisième
trimestre avec avoir perdu 7,1% au second trimestre de cette année.
Il
ne fait aucun doute que le Japon parviendra avec brio à détruire sa devise
nationale et son économie, et à faire s’effondrer les marchés qu’il tente de
manipuler tout autour du monde. Afin de comprendre ce raisonnement erroné, il
nous faut observer comment le Japon a pu en arriver là.
Après
la fin de la seconde guerre mondiale, le Japon a traversé une période de
trente ans aujourd’hui connue sous le nom de « miracle
économique ». Ce miracle est apparu grâce au développement d’une
économie d’exportation d’après-guerre et à la mise en place de politiques
fiscales prudentes, qui avaient pour objectif d’encourager les ménages à
épargner. Le niveau de vie des citoyens japonais était alors l’un des plus
élevés du monde, et le pays a abordé les années 1980 sur une vague robuste de
croissance économique. En revanche, si nous avons pu apprendre une chose
après toutes ces années, c’est le besoin insatiable des gouvernements à
intervenir sur le marché libre, même lorsqu’ils n’ont pas besoin de le faire.
En conséquence, les Accords du Plaza de 1985 avaient pour objectif
d’affaiblir le dollar et le mark allemand contre le yen. La Banque du Japon,
dans une tentative de compenser la hausse du yen, a fortement réduit ses taux
d’intérêt. Les politiques laxistes de la Banque du Japon depuis le milieu jusqu’à
la fin des années 1980 ont engendré une spéculation agressive sur les actions
domestiques et le marché immobilier, et porté le prix de ces actifs jusqu’à
des niveaux encore jamais vus. Entre 1985 et 1989, l’indice du Nikkei a
triplé pour passer à 39.000, et représentait alors plus d’un tiers de la
capitalisation boursière mondiale.
Avant
la fin des années 1980, le miracle économique du Japon s’était transformé en
une économie de bulles, au sein de laquelle les prix des actions et des biens
immobiliers ont atteints des niveaux stratosphériques, portés par une mania
spéculative. Le marché japonais du Nikkei a atteint un record historique en
1989, avant de s’effondrer, ce qui a entraîné une sévère crise financière et
une longue période de stagnation économique dans laquelle le Japon se trouve
encore empêtré aujourd’hui. C’est ce que nous appelons aujourd’hui les
« décennies perdues » du Japon.
Peu
de temps après que la bulle a éclaté, le Japon s’est lancé dans une série de
programmes de stimulus qui ont représenté un total de plus de 100 trillions
de yens – et fait d’une économie autrefois construite sur l’épargne une
économie attachée à son ratio de la dette sur le PIB, qui s’élève aujourd’hui
à 240% - le plus élevé du monde industrialisé. Pour aggraver encore plus la
situation, la Banque du Japon a plus récemment lancé une campagne de combat
contre la déflation, malgré le fait que la masse monétaire ait continué de
gonfler des décennies durant. A la fin de l’année 2012, nous avons été
introduits à l’Abénomie, le projet de Shinzo Abe de mise sous stéroïdes des dépenses
gouvernementales et de l’impression monétaire par la banque centrale. Son
objectif premier est d’écraser les revenus réels des ménages (qui ont perdu
6%), et est responsable de la réduction du PIB de 7,1% enregistrée au
deuxième trimestre.
A
en croire les rumeurs quant au délai de sa taxe sur les ventes, le Japon ne
prend aucune mesure pour tenter de réduire son niveau de dette. Il faut donc
en déduire que cette importante expansion de son programme de QE est une
tentative de réduire la dette au travers de la dévaluation, et de stimuler la
croissance en générant des bulles sur les actifs plus importantes encore que
celles qui ont autrefois été responsables des décennies perdues du Japon.
Voilà qui ne mènera pas le pays vers un nouveau miracle économique, où
l’économie se nourrit de l’épargne, de l’investissement et de la production.
La
triste réalité, c’est que le Japon surpasse rapidement l’économie de bulles
qui est apparue à la fin des années 1980. Ses marchés des actions et
obligations sont aujourd’hui plus que jamais déconnectés de la réalité. La
nation fait désormais face à un effondrement total du yen et des actifs
libellés en cette devise.
Il
s’agit clairement du dernier combat du Japon. Il n’existe pas de réelle
stratégie de sortie si ce n’est le défaut. Mais un effondrement économique et
un défaut souverain de la part de l’une des plus grosses économies du monde
auraient de très importantes ramifications à l’échelle de la planète. Le
Japon devrait être la première nation à faire face à un tel effondrement. Malheureusement,
la Chine, l’Europe et les Etats-Unis feront aussi bientôt face aux
conséquences de l’insolvabilité des nations et de l’intervention
gouvernementale sur les marchés libres.