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Il y a un peu
plus de deux ans, les marchés dérivés et la titrisation
des dettes entraient dans le collimateur des États et de la presse.
Les banques commerciales furent ainsi accusées d’accorder des
crédits à des individus incapables de les payer, car elles
pouvaient ensuite les titriser sur les
marchés dérivés sous la forme de CDOs
(Collateralized Debt
Obligations) ou d’ABSs (Asset-Based Securities). Elles repassaient ainsi
le risque d’insolvabilité à d’autres acteurs du
marché, tout en liquidant les mauvais crédits de leurs bilans.
A
l’époque, on a très peu parlé du lien incestueux
entre les États et les banques commerciales qui a
pourtant rendu possible ce schéma infernal. Après la
liquidation de la Banque Herstatt en 1974, les
Banques Centrales membres de la BIS (Bank
of International Settlements) créent le
Comité de Bâle pour surveiller la gestion du risque des
crédits bancaires. Le premier accord de Bâle est signé en
1988, suite au crash boursier de 1987. L’idée est d’exiger
des banques commerciales qu’elles constituent des réserves en
capitaux propres (actifs très liquides) d’au moins 8% du total
de leurs actifs pondérés par le risque.
Si d’un
côté, les Banques Centrales exigent un peu de discipline de
la part des banques commerciales, de l’autre, les États exigent
qu’elles prêtent davantage. Ainsi, aux États-Unis, sous
Clinton puis sous Bush fils, des lois sont votées pour inciter les dépenses
en voitures, habitation et études supérieures, le tout
financé à crédit. En Europe, l’Allemagne finance
sa réunification par des expansions de crédit, pendant que
l’Espagne, le Portugal, l’Irlande et la Grèce reçoivent
des investissements massifs eux aussi financés à crédit.
Ceux-ci sont supposés permettre à ces pays d’être
plus proches économiquement de leurs voisins plus puissants.
Les banques
sont alors confrontées au problème épineux qui consiste
à contourner les règles de liquidité imposées par
Bâle pour pouvoir ainsi financer tous ces projets
d’investissement et de consommation. En effet, au fur et à
mesure que les crédits augmentent, surtout quand ils sont de faible
qualité, les besoins en fonds propres augmentent aussi, limitant la
capacité de la banque à offrir de nouveaux crédits. Il
fallait donc trouver un moyen de se débarrasser de certains
crédits pour restaurer la capacité d’en offrir
d’autres.
Or liquider
des crédits de faible qualité sur les marchés
monétaires ou sur le marché secondaire des obligations
n’est pas chose facile. La solution fut donc de titriser
les crédits et obligations de faible qualité dans les bilans
des banques par le biais des véhicules spéciaux
d’investissement (VSI). Les banques commerciales ont ainsi
« refilé » leurs titres aux VSI qui les ont
utilisés comme collatéral pour la création de nouveaux
titres, les CDOs et ABSs.
La recette de
la vente de ces nouveaux titres est alors capturée par les banques
commerciales, lesquelles, renflouées par de nouvelles
liquidités, peuvent maintenant octroyer de nouveaux crédits
tout en respectant les règles de Bâle. Ainsi, ce système
a permis aux banques de poursuivre leur expansion de crédit en toute
impunité grâce à la titrisation de crédits de plus
en plus douteux. Or, le Fonds européen de stabilisation financière
(FESF), créé et géré par les États-membres
de la Zone Euro, propose ni plus ni moins le même type de
fonctionnement. Il serait une sorte de VSI pour les États-membres de
la Zone Euro qui n’arrivent plus à
placer leurs obligations sur le marché faute d’une notation AAA.
Le triple A
est, en effet, fondamental pour les banques commerciales qui veulent revendre
leurs obligations d’État
auprès de la BCE et ainsi obtenir de nouvelles liquidités.
L’idée est donc de créer un pool d’obligations et de les vendre en tranches de CDOs, de la moins risquée et donc moins rentable
(tranche senior) à la plus
risquée et donc plus rentable (tranche junior). Mais la structure du FESF implique aussi que les
États-membres en bonne santé financière se portent
garant des émissions des CDOs en gageant
leurs actifs liquides ou leurs recettes fiscales. On remarque que les
garanties portées par les États-garants ne se limitent pas au
paiement du principal investi, mais couvrent aussi les paiements
d’intérêts. Un aspect très peu divulgué du
FESF.
Comme pour le
schéma bancaire, le FESF souffre du même mal et provoquera les
mêmes effets. Il ne traite en aucune façon le fait que les
dépenses gouvernementales sont démesurées,
intérêts largement inclus.
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