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Cours Or & Argent

Vive la discrimination !

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Publié le 28 octobre 2013
710 mots - Temps de lecture : 1 - 2 minutes
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Rubrique : Editoriaux

 

 

 

 

Il y a bien longtemps, je me suis trouvé avec une voiture en panne, non loin de Washington DC. Dans la station d’essence où nous avons échoué, s’arrêtait au même moment un car. Vu notre situation, nous avons poliment demandé s’il était possible de nous ramener en ville ; réponse du conducteur (après sondage express des voyageurs) : « They don’t want you. »


Le politiquement correct n’était pas encore de mise à l’époque (1990), mais toujours est-il que le car transportait des Noirs membres de l’Eglise nommée « Sharing and Caring » : et il était clair que cette devise n’était pas assez large pour nous accepter (une Allemande, une Norvégienne et deux Suédois.)


Contemplons maintenant le cas inverse. Un car rempli de Blancs, avec ou sans église d’ailleurs, qui refuse de prendre des Noirs (ou Asiatiques, Inuits …) dans le besoin. Que diraient Barack Obama ou d’autres militants ? « Yes, we can but we won’t » ? Je l’ignore. Certes, nous n’étions pas membres de la communauté en question (et potentiellement descendants de propriétaires d’esclaves), mais même sans croyance, on aurait pu penser qu’ils aient entendu parler de charité, chrétienne ou autre.


Qu’importe : la devise « sharing and caring » a fait montre de ses limites, et cela a au moins le mérite de la clarté. La discrimination, même irrationnelle,  est une nécessité quotidienne pour toute activité humaine, du moins à titre privé.


Qu’est-ce que discriminer ? Le mot signifie différencier, distinguer, mettre à part. C’est faire un choix entre plusieurs options alternatives, en établissant des priorités. Je préfère mes amis à mes ennemis, la cuisine de ma belle-mère au McDonald’s, etc.  Par définition, un choix en élimine ou en exclut d’autres (les économistes appellent cela « coût d’opportunité »). Ceci est une obligation pour tout le monde, tous les jours; qu’il s’agisse de produits, de services, d’amitiés ou de partenaires, faire des choix revient par définition à une « discrimination » (y compris avec certaines nuances).


Pour l’anecdote, ma femme s’est vu opposer cette réponse à une candidature d’embauche : « Nous voulons une vraie Française ! » (Elle est Allemande, et elle a répondu : « Je ne suis pas une fausse Française. »).


On ne saurait quoi répondre aux entreprises qui insistent pour intégrer de « vrais Français » (ou de « vrais Allemands », etc.) mais cela ne fait que refléter le repli sur soi qui finira par plomber l’économie de tout pays imposant de tels critères pour l’embauche, la production etc. Ainsi, une entreprise qui fait le choix de la discrimination irrationnelle à ce niveau n’ira pas bien loin (ou alors avec des quotas d’immigration établis par les pouvoirs publics).


La réponse sera toujours des quotas, des exceptions, bref des réglementations supplémentaires. Et ensuite ?


Il est normal et justifié qu’on impose des règles de neutralité au niveau politique : l’égalité en droit est fondamentale, qu’il s’agisse de droits civiques ou de l’embauche dans le secteur public. En revanche, il est impossible de réaliser un tel exploit dans le domaine privé (en supposant évidemment que la sphère privée reste encore protégée, ce qui est loin d’être certain).


Revenons au car de l’église qui a fait le choix « discriminatoire » de refuser de nous amener malgré sa devise d’amour chrétien et de partage. Si tant est que la devise n’était pas velléitaire, ils auraient dû s’arrêter pour n’importe qui. Or, comme tout un chacun, ils avaient évidemment aussi le droit de dire non.


Nier le concept de discrimination revient à refuser la liberté de choix, ou alors soutenir implicitement ceux qui cherchent à imposer politiquement des quotas (raciaux, religieux, ethniques). Si tant est que toute association privée est une aberration dans ce sens, il faudrait logiquement statuer sur le droit des violeurs d’adhérer à des associations de femmes battues, et ainsi de suite. À l’inverse, il y a une contradiction fondamentale entre l’égalité des chances et la discrimination positive.


À l’instar des « paradis fiscaux », il s’agit là de « paradis associatifs » qui depuis longtemps restent en dehors du contrôle politique. Alors, pouvoir discriminatoire privé ou pouvoir discrétionnaire politique ? La réponse, in fine, pourrait déterminer en grande partie l’avenir de la liberté au sein de la société civile.

 

 

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Jacob Arfwedson est consultant indépendant auprès de think-tanks en Europe et aux Etats-Unis, en particulier au sujet des réformes de l’Etat
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