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Ceux qui en
ont assez de la crise de la dette européenne n’ont plus de
scrupules à soutenir un moratoire au moins partiel de la dette
publique. La proposition repose sur l’idée qu’une simple renégociation
de la dette (un report des paiements à court terme ou un swap de dette à court terme par
de la dette à long terme) ne fera qu’ajourner
l’inévitable défaut de paiement. En effet, certains
États européens comme l’Italie, la Grèce et
même la France ont largement dépassé le point de non retour pour un paiement intégral de leur
dette. La France, en particulier, a un fardeau fiscal tellement lourd que
toute augmentation fiscale significative ne ferait que dégrader encore
plus sa compétitivité, plongeant le pays dans un marasme
économique sans fin. L’idée est donc de ne pas payer une
dette impayable tout de suite plutôt que de la renégocier.
Voilà
qui n’est pas complètement dépourvu de sens. En effet, en
France, où la moitié de la population vit avec moins de 19000
euros/an (Insee 2011) et où le fardeau
fiscal de l’employé lambda est de 56,36%, le recours
à des hausses d’impôts pour rembourser la dette est
nécessairement limité. L’option « à la
mode »de vouloir faire payer les riches néglige le fait que
dans l’hypothèse peu plausible où les riches continueraient
à résider en France, il y aurait cependant moins de capital disponible
pour embaucher des travailleurs et réactiver l’économie.
L’appauvrissement du pays serait donc inévitable si, pour payer
la dette, l’idée était retenue.
Autre argument
qui fait mouche chez les partisans du moratoire repose sur la croyance que le
secteur bancaire (plus grand détenteur de dette publique) serait
à même de l’absorber. La dette publique française,
par exemple, est largement composée d’intérêts
accumulés. En effet, au cours des trente dernières
années, le solde primaire de l’État français a souvent
été positif. Les soldes budgétaires deviennent
négatifs quand on y inclut les intérêts de la dette. Mais
l’argument soutient que si le principal de la dette a
déjà été payé au cours de ces
dernières années, alors le secteur bancaire pourrait bel et
bien se passer des intérêts. Il ne faut cependant pas oublier que ces soldes primaires positifs ne sont
obtenues en France que parce que le poids des impôts et autres
prélèvements y est particulièrement handicapant pour la
compétitivité de l’hexagone.
Cette
première ligne d’argumentation est impeccable. La
deuxième l’est un peu moins car les partisans du moratoire
oublient certaines de ses
caractéristiques.
S’il est
vrai que la dette publique est largement composée des
intérêts accumulés, le fait est que l’État
s’endette pour payer ces intérêts. Autrement dit, les
banques commerciales investissent de nouveaux capitaux pour financer
l’État. Les partisans du moratoire rétorquent que les
banques commerciales ne prêtent pas du vrai capital, mais plutôt de
la monnaie créée à partir de rien. C’est tout
à fait vrai et c’est précisément ce qui pose un
problème pour d’autres agents. En créant cette monnaie,
les banques se créent des obligations de paiement auprès du
public. Si la banque n’est pas remboursée, elle sera alors incapable
de remplir ses obligations, et les détenteurs de comptes courants, qui
n’ont rien prêté à l’État, verront
leurs fonds disparaître.
Autre
élément souvent négligé par les partisans du moratoire :
le fait que les créanciers non-bancaires de l’État, comme
le grand public épargnant, achètent des obligations
d’État par le biais de fonds de placement gérés
par les banques. Un moratoire affecterait directement ces fonds de placement en
remettant à plus tard le paiement des intérêts dus. Nous pouvons donc conclure que tant
les détenteurs de comptes courants que les détenteurs de
comptes de placement sont pris en otage par l’État et par les
banques commerciales dans le schéma actuel de la dette publique et
qu’un moratoire sur la dette publique aurait
des conséquences particulièrement douloureuses pour la
population.
À suivre : autres effets
d’un moratoire…
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