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Dans un premier
article, nous avons pu constater que dans le schéma actuel de la
dette publique, les détenteurs de comptes courants et de placement
sont pris en otage par l’État et les banques commerciales. Un
moratoire pourrait donc se traduire par une perte durable de richesse pour le
grand public. En effet, le moratoire est souvent le premier pas vers un
défaut de paiement plus ou moins total. La question alors est de savoir
si un défaut de paiement de la dette aurait des effets permanents ou
non pour l’économie. Nous verrons que tout dépendra du
contexte dans lequel le défaut a lieu.
Les opposants
à tout type de défaut avancent que si un pays choisit ce
chemin, sa réputation en souffrira sur les marchés financiers
internationaux. En réalité, ceci reste à
débattre. S’il est vrai qu’au lendemain d’un
défaut de paiement, un pays n’arrive plus à se financer
sur les marchés financiers internationaux, il est aussi vrai que son
retour sur les marchés dépendra de la nature de son
défaut. Si le défaut a été
« stratégique », c’est-à-dire,
s’il a été prémédité par un
gouvernement ne voulant pas honorer ses obligations et ainsi obtenir une
forte baisse du service de la dette, les marchés seront
extrêmement sévères. Par contre, si malgré toute
la volonté d’un gouvernement d’honorer ses dettes, le
défaut a été nécessaire car inévitable,
les marchés seront probablement plus conciliants. Les acteurs des
marchés comprennent bien la différence entre l’incapacité à rembourser
la dette et la réticence
à rembourser la dette.[i] Le
moratoire pourrait donc être un premier pas pour négocier une
extinction partielle de la dette (souvent une partie des
intérêts accumulés) et le rééchelonnement
du paiement de la dette.
On dit souvent
qu’un défaut de paiement entraîne une récession
économique. Certes, l’Histoire montre que les défauts
sont souvent accompagnés de périodes de récession
économique. « Accompagnés » ne veut pas
nécessairement dire « suivis ». Les
défauts, publics ou privés, arrivent souvent comme le point
culminant d’une crise prolongée.[ii] Ce
constat est assez logique. Le
défaut se produit, en effet, lorsque les agents économiques
sont incapables de générer les moyens de payer leurs
obligations. C’est bien ce que l’on constate aujourd’hui
dans la plupart du monde développé. Même si le
défaut de la Grèce n’est pas encore arrivé, les
effets d’une récession économique y sont visibles depuis
au moins deux ans. Des faits similaires apparaissent déjà dans
le reste de l’Europe occidentale. Autrement dit, le défaut
n’est pas la cause de la récession – surtout quand le
défaut est « inévitable ». Il est la
preuve que la récession est déjà là et
qu’elle se poursuivra le temps de liquider les investissements
insoutenables et de restructurer le reste.
Selon les
détracteurs du défaut de paiement, ce dernier porterait un coup
mortel aux exportations d’un pays. Une vision diamétralement
opposée à celle de ses partisans qui l’associent à
un regain de compétitivité pour le pays qui y recourt.
Effectivement, un défaut est souvent suivi d’une
dévaluation monétaire qui peut être favorable aux
exportations. Il ne faut cependant pas oublier que la dévaluation fait
subir des pertes aux investisseurs internationaux. Ceux-ci peuvent donc
dès lors se montrer réservés quant au fait de faire
crédit aux partenaires exportateurs du pays en défaut de
paiement. Il convient cependant de relativiser ce point. En effet, si les
investisseurs historiques du pays en défaut peuvent, en effet, avoir
ce comportement, rien ne dit que de nouveaux investisseurs n’y verront
pas pour leur part une
opportunité d’investir dans un pays devenu plus
compétitif – ce qui est arrivé en Argentine après
leur défaut en 2002. Tout dépendra en fait de
l’engagement du dit pays à liquider les secteurs insoutenables
– lire « subventionnés » – et
à restructurer et favoriser fiscalement les secteurs rentables.
On peut donc
constater qu’un moratoire, et tout défaut de paiement partiel ou
total qui peut le suivre, n’est pas nécessairement,
la fin du monde. Il y aura certes toujours des effets négatifs
à court terme. La persistance de ces effets à long terme
dépendra de la façon dont ce défaut s’est
produit. Si le défaut
était inévitable et
que le pays s’engage à liquider les secteurs
subventionnés et à libérer les secteurs rentables,
l’économie reprendra le chemin de la croissance, et
peut-être même de façon plus soutenue. Si le choix du
défaut de paiement a été pris sur des bases purement
opportunistes alors aucun engagement n’existe et une longue
période de marasme économique attend le pays en défaut.[iii]
Si des pays de
la zone Euro font défaut, leur avenir dépendra de la perception
qu’auront les investisseurs de la façon dont ces défauts
seront négociés et de
la crédibilité des gouvernements européens
à procéder à des réformes majeures de leurs
finances publiques.
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