De
temps à autre, des voix s’élèvent pour proposer la
répudiation partielle ou totale de la dette souveraine. Certains
invoquent l’impossibilité pour un pays d’augmenter encore la
fiscalité – comme s’il s’agissait de la seule
façon de réduire les déficits publics. D’autres considèrent
illégitime la dette publique elle-même. Peu importent ces
positions in fine car une
répudiation de la dette n’est pas une mince affaire, ni pour la
population ni pour les créanciers d’un pays. Ces deux groupes de
personnes sont d’ailleurs souvent difficiles à distinguer
l’un de l’autre.
Ayant
déjà traité des conséquences
des défauts sur la réputation d’un pays sur les
marchés financiers, je me concentrerai ici sur les effets
qu’aurait une répudiation de la dette française sur le public
concerné. Ma position n’est pas de me faire l’avocat du
paiement de la dette. Il est plutôt question de montrer que loin de
nuire uniquement aux banques et aux riches, une répudiation de la
dette affectera aussi la classe moyenne – plus spécifiquement
les épargnants français et étrangers.
La
dette publique est avant tout le symptôme d’un
déséquilibre structurel des comptes publics. A un
moment donné, les déficits publics se sont
enchaînés et les intérêts accumulés ont
renforcé l’accumulation de la dette. En France, ce tournant a
été atteint au début des années 1980
lorsque les timides réformes de libéralisation de
l’économie, initiées à la fin des années
1970, ont été arrêtées. Depuis 1981, l’État
français n’a plus jamais cessé d’accroître
ses largesses, en particulier sociales à tel point que les dépenses
sociales sont aujourd’hui le principal poste des dépenses
publiques.
La
répudiation de la dette souveraine est le résultat d’une
décision unilatérale du pays débiteur. Il décide
de ne plus rembourser une partie ou la totalité de sa dette. Comme
pour un moratoire, les motifs
déclarés et expliqués d’une répudiation
peuvent assurer à un pays une plus ou moins grande clémence de
la part des créanciers. Il faut pour cela convaincre ces derniers et les
futurs investisseurs de deux choses. La première est de bien leur
faire entendre que le niveau de dettes est insupportable et qu’elles
sont donc pratiquement impossible à rembourser dans les conditions
actuelles, à moyen comme à long terme. La seconde est de les convaincre
de l’engagement solide du pays à entamer des réformes. Dans
ce cas, le pays qui répudie sa dette garde une chance de ne pas
être ostracisé par les marchés financiers (les
créanciers).
Les
investisseurs du passé ne sont pas nécessairement les
investisseurs du futur. Un pays fortement endetté peut répudier
une partie de sa dette sans trop entacher sa réputation s’il
procède à des réformes structurelles qui
déboucheront sur un processus de croissance attractif pour les
investisseurs.
Reste
qu’il est très difficile de manœuvrer de telle sorte que la
répudiation n’entraîne
pas une perte de réputation durable. S’il est vrai que 57% de la
dette publique française est détenue par des
non-résidents, la
majorité de ses détenteurs sont des fonds mutuels de placement
gérés par des institutions financières ou des compagnies
d’assurance, comme attesté par l’étude portant sur
les détenteurs de la dette publique française
élaborée par Thomson-Reuters.
Autrement dit, les principaux investisseurs dans la dette publique
française sont des petits et moyens épargnants (parmi les
détenteurs résidents en France, 53,49% sont des compagnies
d’assurance et OPCVM).
Les banques françaises ne représentent que 15% de la
détention totale de la dette et les grandes fortunes ont plutôt tendance à se composer
un patrimoine d’actions et de biens immobiliers.
Une
répudiation de la dette publique française aurait donc tendance
à affecter plus négativement les détenteurs
d’assurances-vie, les acheteurs de parts de SICAV
(Société d’Investissement à Capital Variable) et
FCP (Fonds Commun de Placement), les assurés de complémentaires
santé et retraite. La classe moyenne serait donc certainement bien
plus affectée que les « riches » par une
répudiation de la dette française.
Inutile
d’envisager une répudiation qui viserait à
« épargner » la classe moyenne car les titres de dette publique ne sont
pas nominaux mais au porteur. En outre, ces titres sont aussi
négociables sur les marchés monétaires et obligataires
et changent donc de main de façon régulière et anonyme.
De surcroît, une répudiation de la dette détenue par des
non-résidents en affectant les épargnants étrangers peut
provoquer des représailles des pays principalement concernés.
En
conclusion, la dette publique est avant tout un piège pour la
population du pays qui l’accumule. Il ne peut pas y avoir de
répudiation sans dommage collatéraux lourds à l’égard
de celle-ci. Autrement dit, la solution supposément simple au problème de la dette est au
mieux une solution simpliste !
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