Les effets
dits de Cantillon font référence à l’impact des
manipulations monétaires sur la distribution du pouvoir d’achat
dans l’économie. Ces effets de Cantillon peuvent expliquer
l’impact redistributif des manipulations
monétaires ainsi que la formation de bulles spéculatives. Pour y arriver, il est
nécessaire de bien s’entendre sur la notion de pouvoir d’achat qui dans le débat public est
devenue une notion fourre-tout. Le constat le plus important est que le
pouvoir d’achat ne dépend pas seulement de la quantité de
monnaie dont dispose une personne, mais aussi et surtout de la valeur
relative et à la marge d’un bien quelconque.
Au
XIXème siècle, Jean-Baptiste Say et James Mill font un constat
majeur. Les marchandises s’échangent contre des marchandises.
Autrement dit, toute consommation implique une production préalable. Or,
toute production exige une épargne préalable. Par conséquent,
le concept de gratuité en économie n’existe pas.
L’individu
en autarcie est lui-aussi soumis à cette loi. S’il veut consommer,
il lui faut disposer d’un bien prêt à la consommation qui doit
être produit pour être disponible. Une épargne, un
capital, est nécessaire pour que cette production ait lieu.
La
consommation doit ainsi toujours être précédée par
la production et celle-ci par l’épargne. La consommation effective ne peut donc pas donner lieu
à la production, seul le besoin
de consommation peut motiver la formation d’une épargne qui
éventuellement donnera lieu à une consommation effective.
Au sein de la société,
la situation devient plus compliquée car l’individu ne produit
pas directement pour lui-même, mais pour les autres. Pour
accéder à la consommation, l’individu en
société doit produire quelque chose qui sera demandé par
d’autres individus et vice-versa. Le pouvoir d’achat d’un
bien est donc défini par sa capacité à être
échangé. Par conséquent, le principal corollaire de la
loi Say-Mill, ou loi des marchés, est que dès qu’un bien
ait été produit, il ouvre un débouché pour
d’autres biens à la hauteur de sa valeur d’échange.
L’accès à la consommation effective est donc la
production de pouvoir d’achat, c’est-à-dire, des biens
ayant une valeur marchande quelconque.
Il faut
toujours garder à l’esprit qu’on ne produit pas de valeur,
mais des biens ayant une valeur. Or, la valeur d’échange
d’un produit est variable selon les conditions d’offre et de
demande du marché.
Plus grande est
la rareté relative (à la demande) d’un bien, plus grande
sera sa valeur d’échange à la marge. Alors, si
l’offre d’un bien augmente proportionnellement plus que la
demande pour ce bien, le résultat sera une baisse du pouvoir
d’achat du bien, mais pas nécessairement du pouvoir
d’achat absolu dont dispose le producteur. S’il est vrai que la
valeur à la marge d’une unité du bien baisse, la somme
des valeurs d’échange de toutes les unités produites peut
être supérieure à la somme de la production
antérieure. Tout dépendra de la sensibilité des
demandeurs du bien aux quantités offertes et aux prix demandés
par les offreurs.
La capacité
d’un individu à disposer continument d’un pouvoir
d’achat total en hausse dépendra de son habilité à
proposer au grand public des produits dont les prix sont peu sensibles aux
variations de quantités ou alors de produits dont le pouvoir
d’achat relatif baisse tout en étant loin de faire baisser le
pouvoir d’achat total de la production.
Une chose est cependant
certaine. Plus l’offre d’un bien augmente par rapport à la
demande, plus son prix baisse et plus le pouvoir d’achat relatif de ce
bien va aussi diminuer. Cela va exercer une pression à la baisse sur
le pouvoir d’achat total dont disposera l’offreur au point
qu’une production plus grande peut éventuellement conduire
à une baisse du pouvoir d’achat total de l’offreur.
Ainsi, dans sa
recherche de débouchés, l’individu évitera de
continuer à offrir des produits dont le pouvoir d’achat de la
production est menacé de baisse et cherchera donc à offrir
d’autres produits plus performants en termes de capacité
d’échange.
La loi des
marchés nous permet donc d’expliquer le pouvoir d’achat et
ses variations. Elle permet aussi de voir la contradiction inhérente aux
théories de relance par la demande, et, plus important encore ici, elle
permet de comprendre la distribution du pouvoir d’achat dans la
société.
La monnaie
– peu importe sa forme (métallique, marchandise, ou papier)
– reste une marchandise comme les autres. Elle est donc soumise à la loi des marchés.
La
différence apparente entre la monnaie et les autres biens repose sur
le fait que la monnaie n’est demandée ni pour une consommation
destructrice (comme le fait de manger une pomme), ni pour une consommation
transformatrice comme le fait d’utiliser un bien dans un processus de
production. Elle est demandée pour être échangée
contre d’autres biens et au-delà de cet échange, elle
continuera à circuler dans l’économie tant que le public en reconnaîtra les
qualités et l’utilité. Ces explications nous permettront
dans un prochain article de parler à proprement parlé des
effets Cantillon.
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