Alors que l’on fête le triste anniversaire des 10 ans de la faillite de
Lehmann Brothers, la crise financière des années 2007 et
2008 a laissé des traces profondes en particulier pour la zone euro
puisque cette crise systémique a mis en exergue tous les défauts de
conception de la monnaie unique européenne.
La zone Euro est un échec dangereux !
C’est le titre d’un article du journal Les Echos qui « accuse »
la SNCF de faire monter la dette la France. La SNCF et AREVA
aussi puisque la recapitalisation du géant de la filière
nucléaire française a été considérée comme de la « dette »
publique.
Si Bercy s'est engagé sur une baisse de l'endettement de
5 points de PIB d'ici à 2022, c’est plutôt à une explosion de l’endettement
de notre pays à laquelle nous assistons, et passé certains seuils critiques,
l’endettement appelle l’endettement, la situation financière nationale
devenant incontrôlable.
« L'Insee a requalifié ce jeudi SNCF Réseau en administration
publique, si bien que sa dette vient gonfler celle de la France. Cette
dernière a bondi à 98,5 % fin 2017 et devrait rester proche de ce niveau
jusqu'à fin 2019 ».
Eléments d'analyses et de réflexions donc par Jacques Sapir.
« La publication le 5 septembre d’une note du service de recherche de
la Banque NATIXIS a relancé le débat sur la zone Euro. Cette
étude de NATIXIS parle explicitement de l’échec de la zone Euro (1).
Dans cette étude, les auteurs constatent que la mobilité des capitaux
entre les pays de la zone euro a disparu depuis la crise de la zone euro de
2010-2013 et que les échanges commerciaux entre les pays de la zone euro
n'ont pas profité autant que ce qu'on pourrait attendre de l'intégration
monétaire et économique. Si le second point était largement
prévisible depuis la critique des travaux d'Andrew K. Rose, le premier vaut
en fait condamnation pour la zone Euro. Nous sommes bien en présence d'un
échec profond, un échec dont les conséquences sont désastreuses pour les pays
de la zone Euro (2), mais ils ne limitent pas justement à ces pays (3).
Les mensonges de la naissance de l'Euro
Il faut ici rappeler qu'après avoir déguisé l'Euro en une forme de
garantie contre les mouvements spéculatifs et les fluctuations,
les thuriféraires de l'Euro ont présenté ce dernier comme un avantage pour la
croissance en Europe. Les travaux qui furent présentés dans les années 1990
insistaient tous sur les avantages extraordinaires que donnerait la monnaie
unique aux pays qui l'utiliseraient. Il s'agissait, bien entendu, de
travaux économétriques (4). Pourtant, les résultats en furent rapidement
contestés (5). Il est vrai que ces travaux étaient construits sur des bases
tant méthodologiques (6) que théoriques (7) extrêmement fragiles. Il est
maintenant acquis que les effets de l'Euro sur le commerce interne des pays
de l'UEM ont été des plus réduits (8). L'étude publiée par NATIXIS enfonce
donc le dernier clou dans le cercueil de cette idée.
Euro pour toute l'UE : une idée "complètement déconnectée des
réalités "
De nombreux politiciens ont ainsi prétendu que l'introduction de l'Euro
provoquerait, par son seul effet, une hausse de la croissance des pays
membres d'environ 1%. Il n'en fut rien (9). En réalité, l'Euro a bien eu un
effet sur le commerce intra-zone, mais cet effet a été essentiellement de
réarranger les flux entre les pays et de conduire certains pays à se
désindustrialiser tandis que d'autres (essentiellement l'Allemagne)
profitaient très fortement de l'introduction de l'Euro (10). Tout ceci
conduit à mettre en doute la rationalité économique de l'introduction de la
monnaie unique. Elle a plutôt joué un rôle d'exacerbation des différences
entre les pays membres, ce qui n'est pas surprenant si l'on y réfléchit un
peu car les variations de taux de change entre les pays
avaient fondamentalement (une fois la composante spéculative de court terme
retirée) pour effet de compenser ces différences (11).
L'explosion des écarts de compétitivité
Les causes de cette situation sont connues. Elles furent analysées dans une
étude publiée en 2017. Dans l'édition 2017 du External Sector Report (12), le
Fond Monétaire International a souligné l'ampleur du problème posé par la
divergence des compétitivités dans le cadre de la zone Euro. Il a montré
l'importance de ces problèmes pour des pays comme la France, mais aussi
l'Italie et l'Espagne. On voit que le problème s'est même aggravé par rapport
à l'édition 2016. Ces écarts de taux de change virtuel au
sein de la zone Euro sont d'ailleurs régulièrement calculés par le FMI.
L'absence de circulation des capitaux au sein de la zone Euro, qui est
bien indiqué dans l'étude de NATIXIS, rend d'autant plus dramatique cet
éclatement de la compétitivité au sein de l'Euro, qui conduit à une
sous-évaluation de la monnaie de l'Allemagne et à une surévaluation de la
monnaie de la France, de l'Italie, de l'Espagne et de la Belgique.
Une réforme de la zone Euro est-elle possible ?
Alors, on dira que tout ceci survient alors que la « zone Euro
» est restée fondamentalement incomplète: il n'y a pas eu de budget
commun (du moins dans les proportions nécessaires) et pas d'union
fiscale ni d'union de transferts. Mais, cette incapacité à réaliser
ce que certains (et parfois honnêtement) tenaient pour le « programme global
» de l'Euro est le produit de la résistance institutionnelles de plusieurs
pays, et au premier lieu de l'Allemagne. Pour cette dernière, il n'a jamais
été question d'avoir un budget fédéral et la seule forme de « fédéralisme
» qui soit acceptable serait le contrôle par l'Allemagne des budgets des
autres pays. Ce pays a toujours refusé de la manière la plus catégorique
d'accéder aux diverses demandes d'une « union de transferts », demandes qui
pourtant seraient logiques dans la perspective d'une Union européenne
de type fédérale. De fait, l'Allemagne s'est servie de l'UE
pour faire avancer ses propres intérêts nationaux au détriment des autres
pays (13).
L'inachèvement de la « zone Euro » n'est donc pas conjoncturel comme on le
prétend mais bien structurel. L'Allemagne a voulu cette situation parce que
c'est la seul qui lui convenait. Dès lors, le future de l'Union
Economique et Monétaire apparaît des plus sombres. Cette « union »
devrait connaître ce qui fut le sort des autres « unions », c'est à dire se
dissoudre (14). Mais, ce faisant, elle risque fort d'entraîner avec elle la
dissolution de l'Union européenne elle-même.
L'échec de la zone Euro est aujourd'hui évident pour la grande majorité
des observateurs ».
|